Actualité - Affrontements sur les fiducies de revenu
Malheureusement, bon nombre de simples citoyens, par leurs épargnes ou leurs régimes de retraite, ont été entraînés dans la querelle au sujet des fiducies de revenu. Les campagnes de commercialisation des fiducies ont été particulièrement agressives ces derniers temps, ciblant entre autres les aînés et leurs régimes de retraite. Elles sont devenues particulièrement intenses après la dernière élection fédérale. C'est que les revenus des fiducies de revenu ne sont pas imposable aux termes de la loi en vigueur et les conservateurs de Stephen Harper ont promis de ne pas changer le régime d'imposition. Maintenant le parti au pouvoir a rompu sa promesse et il en résulte des pertes importantes pour ceux qui ont investi ou placé leurs investissements dans environ 250 fiducies de revenu et dans les projets de conversions de Telus et BCE en fiducies.
Rappelons-nous du coup de grâce assené aux libéraux de Paul Martin par la GRC à un moment crucial de la campagne en décembre dernier. L'agence policière avait annoncé avec fracas qu'elle enquêtait le bureau du ministre libéral des Finances Ralph Goodale et cela a contribué à remettre la victoire électorale à Harper et à son Parti conservateur. La GRC prétend que des personnes près du bureau du ministre ont révélé à l'avance à des intérêts privés que le gouvernement s'apprêtait à modifier l'imposition des fiducies de revenu. Cela fait près d'un an et on a très peu entendu parlé de l'affaire et rien de concret n'a été porté devant les tribunaux.
Si les rumeurs et accusations ont eu leur effet, c'est qu'il est devenu courant que les spéculateurs financiers et les firmes d'investissement fassent des affaires en or sur les marchés boursiers en obtenant des informations privilégiées d'initiés au sein d'entreprises ou de ministères. Après l'annonce fracassante de la GRC et les dénis des libéraux de Martin, déjà plongés dans le scandale, Harper a promis que s'il était élu le Parti conservateur ne changerait pas les règles d'imposition des fiducies.
Une fois le gouvernement conservateur élu, les firmes de placement et de mise en marché se sont mises à faire agressivement campagne en faveur des fiducies auprès de la population en vantant le statut non imposable et garanti des fiducies tant que les conservateurs seraient au pouvoir. La valeur de la plupart des fiducies ont augmenté considérablement. Beaucoup de régimes de retraite et de particuliers possédants des REER ont placé leurs épargnes dans des fiducies de revenu et, plus récemment, suite à l'annonce de conversion de Telus et de BCE en fiducies, dans des actions dans ces entreprises.
Sans discussion préalable au parlement ou consultation publique sur la façon d'aborder le problème de l'impôt des entreprises et de propriété étrangère de manière à ne pas nuire au bien public, les conservateurs sont revenus sur leur promesse et ont déposé un projet de loi modifiant le statut non imposable des fiducies de revenu. Comme il fallait s'y attendre, la valeur des fiducies a chuté. Selon certains analystes, il s'agirait d'une perte de 20 milliards $ au total depuis l'annonce. Cette perte de valeur sera permanente pour certaines fiducies et on peut s'attendre à ce que les firmes privées de placement se pressent d'acheter leurs plans à rabais. Pour celles qui ne se convertiront pas en sociétés publiques émettant des dividendes qui ne sont plus garantis, les participants encourront d'autres pertes à cause de la baisse des paiements réguliers à compter de 2011, lorsque commence l'imposition des redevances des fiducies publiques et des partenariats limités. Les fiducies restantes pourraient également avoir de la difficulté à vendre des actions sur le marché boursier et pourraient être obligées d'emprunter, avec comme conséquence une autre baisse des dividendes versés aux participants. BCE et Telus, quant à elles, vont tout simplement ne pas donner suite à leur intention de se convertir en fiducies.
Les gens se demandent sans doute où en est l'enquête de la GRC sur cette nouvelle intrusion dans la commercialisation des fiducies de revenu? Des initiés et spéculateurs financiers ont-ils réalisé des millions de dollars en se débarrassant des valeurs de fiducies avant l'annonce du gouvernement conservateur pour maintenant les racheter à meilleur prix? Judy Wasylycia-Leis, critique du NPD aux finances, serait la députée qui a réclamé avec le plus d'acharnement une enquête de la GRC durant la campagne électorale, facilitant le coup électoral des conservateurs. Maintenant elle louange la décision du Parti conservateur au pouvoir d'imposer les fiducies. Selon un reportage au réseau CTV le 1er novembre, elle rejette «l'idée que cette décision est une attaque contre les aînés. Ce n'est pas tous les aînés qui passent par des courtiers en valeurs mais certaines dispositions du nouveau projet de loi profitent à tous les aînés. D'ailleurs, beaucoup d'aînés perdaient leurs épargnes parce que certaines fiducies de revenus ne rapportaient pas leur valeur réelle. Certains perdront, mais à plus longue échéance les Canadiens y gagneront.» Sur quelles informations secrètes se base-t-elle pour faire cette affirmation? Où est le débat public?
Les mesures proposées par le ministre libéral Goodale l'année dernière allaient également dans le sens d'imposer les fiducies. Mais l'idée avait provoqué une levée des boucliers, surtout parmi les nombreuses fiducies du secteur de l'énergie en Alberta et parmi les cercles d'investisseurs américains qui profitent énormément des clauses de non-imposition applicables aux fiducies (en comparaison avec l'achat d'actions ordinaires). Alors durant la campagne électorale, le NPD avait décidé de ne pas faire de cas de ce qu'il considère maintenant comme une bonne initiative qui va bénéficier aux Canadiens à plus long terme. Il avait raillé la proposition du Parti libéral de modifier le mode d'imposition des fiducies de revenu et l'affaire a permis aux conservateurs de faire leur coup électoral, se présentant comme l'«alternative» à la corruption libérale. Or cette fois-ci le NPD ne demande pas d'enquête sur l'annonce faite par les conservateurs, et pourtant celle-ci cause autant, sinon plus, de bousculade sur les marchés financiers. Aucun député n'a proposé qu'on indemnise ceux qui ont subi des pertes en conséquence directe de ce décret gouvernemental, et pourtant il s'agit d'une rupture de promesse de la part du gouvernement. Le Parti conservateur au pouvoir et Wasylycia-Leis ont cherché à minimiser la promesse rompue en concentrant sur les mesures dites populaires qui permettent le fractionnement du revenu des pensionnés et augmentent de 1 000 le montant du crédit en raison de l'âge et sur la «plus grande équité» que le projet de loi amène dans l'imposition des entreprises.
Le coup électoral suivi du volte-face du Parti conservateur maintenant au pouvoir sur la question de l'imposition des fiducies de revenu montre l'insouciance des partis politiques capitalistes et du système électoral dominé et manipulé par les partis. On ne s'attaque pas aux problèmes dans l'optique de garantir les droits et le bien-être du peuple. Les problèmes du système capitaliste monopoliste, comme l'écart dans l'imposition des particuliers et des entreprises, font l'objet de manipulations pour servir les fortunes électorales des partis et obtenir les faveurs d'influents groupes monopolistes.
L'affrontement sur les fiducies de revenu s'inscrit dans la rivalité monopoliste pour les chances d'investissement, le contrôle des entreprises et les réclamations à la valeur ajoutée réalisée par les riches et les gouvernements. Les conflits sur les endroits où investir et sur la façon dont la société se finance comptent parmi les nombreuses contradictions insolubles qui causent l'instabilité et provoquent des crises constantes dans le système capitaliste. Ils sont la preuve de sa nature transitoire.
Le système capitaliste a créé l'économie socialisée intégrée, mais a retenu la propriété privée des moyens de production et de circulation. Cela veut dire que la classe ouvrière et les salariés appointés, qui appliquent leur travail aux moyens de production et de circulation socialisés pour créer la richesse, sont toujours en conflit avec ceux qui possèdent et contrôlent la richesse en raison des rapports de production dépassés. La classe ouvrière et les salariés appointés apprennent petit à petit à voir les problèmes économiques, sociaux et politiques de leur angle et à se défendre contre les querelles constantes qui éclatent entre les monopoles et les riches. Ils tirent de leur expérience directe et de la théorie moderne la leçon qu'ils ne doivent pas se ranger derrière une section ou une autre des capitalistes financiers mais doivent s'unir à la défense de leurs propres intérêts et lutter pour un gouvernement qui garantisse leurs droits et assure le bien-être du peuple.
Deuxième partie: La fraude de l'«équité fiscale» du Parti conservateur
L'autorité d'imposer provient de l'État et de sa constitution. Des lois adoptées par les assemblées législatives déterminent la façon dont l'État perçoit des taxes et impôts et à quoi sert l'argent perçu. Les gouvernements dépensent les impôts perçus selon les lois établies, telles qu'énoncées dans les grandes lignes dans les budgets.
Les lois sur l'impôt régissent la réclamation des gouvernements à la richesse produite par la classe ouvrière et les salariés appointés à partir des matières naturelles. Si le gouvernement et les partis politiques veulent changer les lois en vigueur, ils doivent, en vertu des droits démocratiques du corps politique, en informer la population à l'avance et débattre à fond des raisons et conséquences des modifications et des considérations politiques et économiques utilisées et obtenir l'approbation du peuple. C'est ainsi seulement que les modifications importantes peuvent refléter la volonté populaire.
Le projet de loi du Parti conservateur modifiant le mode d'imposition des fiducies a été une attaque-surprise. Le public n'a eu droit à aucune information préalable et il n'y a pas eu de débat au parlement ou dans les médias. Au contraire, l'engagement pris par Harper durant la campagne électorale avait donné l'impression et même l'assurance que le Parti conservateur ne changerait pas les règles régissant l'imposition des fiducies de revenu. Par son attaque-surprise du 31 octobre, le Parti conservateur au pouvoir a complètement marginalisé la population et de facto éliminé le corps politique comme facteur. La conséquence est qu'une importante loi sur les impôts est en train de passer à toute vapeur au parlement sans discussion ni préparation de l'opinion publique et sans chercher à obtenir l'approbation du peuple.
Avec leur projet de loi, le ministre des Finances Jim Flaherty et son Parti conservateur réduisent la problématique des lois sur l'impôt à une question d'«équité». Le ministère déclare dans son communiqué du 31 octobre:
«L'honorable Jim Flaherty, ministre des Finances, a annoncé aujourd'hui la mise en oeuvre d'un plan d'équité fiscale à l'intention des Canadiens. Ce plan vise à rétablir l'équilibre et l'équité au sein du régime fiscal fédéral en assurant l'uniformité du traitement fiscal dont font l'objet les fiducies de revenu et les sociétés.»
Le Parti conservateur affirme que le régime fiscal était équilibré, équitable et uniforme avant et qu'il était devenu déséquilibré et inéquitable. Le projet de loi proposé par le parti au pouvoir rétablirait l'équité et l'équilibre du régime en créant «l'uniformité du traitement fiscal dont font l'objet les fiducies de revenu et les sociétés».
Les mots clés seraient «équilibre», «équité» et «uniformité du traitement». Cela ressemble plus aux règlements du hockey qu'à des lois sur l'imposition.
L'État doit réclamer une partie du produit social du Canada pour exister. Toute société moderne en a besoin. Le produit social provient du travail collectif des citoyens tel qu'appliqué aux richesses naturelles. Par définition, les travailleurs et les salariés appointés ne possèdent pas et ne contrôlent pas le produit social. Ils en réclament une partie à titre de salaires en échange de leur servitude volontaire. Leurs salaires sont payés à même le produit social réalisé qu'ils ont créé mais qui est possédé et contrôlé par les entreprises. La réclamation au produit social créé par les travailleurs et les salariés appointés mais possédé et contrôlé par les sociétés est également la source des revenus fiscaux de l'État.
Le problème posé et à résoudre en ce qui concerne le régime fiscal canadien n'est pas l'absence d'équité, d'équilibre ou d'«uniformité du traitement fiscal dont font l'objet les fiducies de revenu et les sociétés». Ces expressions galvaudées servent à détourner l'attention du problème fondamental: le refus de l'État de faire sa réclamation directement aux sociétés qui possèdent et contrôlent toute la richesse sociale, nouvelle et accumulée. Défiant toute logique, l'État tire la majeure partie de ses réclamations par l'imposition des personnes. Il y a déjà de nombreuses réclamations qui sont faites aux réclamations des personnes au produit social et c'est cela qui est à l'origine des problèmes du régime fiscal. L'État perçoit ses réclamations sur les réclamations des personnes directement au travail, par l'impôt sur le revenu des particuliers et les cotisations à l'assurance-emploi, à l'indemnisation des accidents du travail et à la sécurité sociale. Il le fait aussi par les taxes de vente et les frais d'usager pour les services publics. Les gouvernements doivent cesser de faire des réclamations sur les réclamations. Ils doivent faire leurs réclamations directement à la richesse nouvelle possédée et contrôlée par les sociétés.
Le gouvernement refuse de mener le débat sur la façon de moderniser le régime fiscal de manière à l'harmoniser avec la production socialisée collective. Dans une économie socialisée intégrée où la vaste majorité des personnes gagnent leur vie par la vente de leur servitude volontaire à des entreprises ou au gouvernement, l'État doit faire ses réclamations directement à la valeur ajoutée au point de production. Cela n'est vraiment possible que si le gouvernement prend le contrôle du commerce du gros. Par ce contrôle il pourrait non seulement faire ses réclamations à la richesse produite mais aussi contrôler les prix du marché des produits pour empêcher les monopoles de tout simplement transférer à nouveau les réclamations du gouvernement au public par l'augmentation des prix. Il pourrait aussi savoir exactement combien les grands détaillants paient pour les produits qu'ils redistribuent et mieux contrôler la part qu'ils doivent verser au gouvernement à titre de réclamations à la richesse. Le contrôle du commerce du gros permettrait également au gouvernement de s'assurer que les entreprises d'importations de produits fassent leur contribution aux réclamations de l'État. Quant au secteur financier, pour l'obliger à contribuer à l'imposition le gouvernement doit réclamer un certain pourcentage de l'intérêt commercial et en déterminer la valeur. Les réclamations totales de l'État à tous les niveaux de gouvernement doivent être déterminées en fonction de ce dont la société a besoin pour garantir les droits de tous, assurer leur bien-être et renforcer l'économie socialisée intégrée.
Troisième partie: Une question pour le ministre des Finances
Quelle est la différence entre les propriétaires des parts des fiducies de revenu qui réclament une partie de la valeur ajoutée réalisée d'une société avant que l'État ne réclame sa part, et les propriétaires de la dette qui réclament une partie de la valeur ajoutée réalisée à titre d'intérêts avant que l'État ne réclame sa part? Quel est le rapport entre cela est les balivernes de Flaherty à propos de l'«équité, l'équilibre et l'uniformité du traitement» dans le régime fiscal? Un régime fiscal moderne accorde la priorité d'abord aux réclamations des travailleurs et des salariés appointés et ensuite aux réclamations du gouvernement. Les réclamations des propriétaires du capital de toute sorte viennent en troisième. Les trois principales réclamations (des travailleurs, des gouvernements et des propriétaires du capital) doivent être maintenues séparées. La quantité de la réclamation des gouvernements ne doit pas être fixée sur la base des rapports financiers annuels des sociétés axés sur le capital. Elle doit être établie sur la base de garantir les droits et le bien-être de la population et le maintien du niveau des forces productives.
Le système d'imposition canadien est contraire à toute définition moderne. Le régime fiscal et la comptabilité axée sur le capital ne reconnaissent même pas comme légitimes les réclamations des travailleurs, des salariés appointés ou des gouvernements. Celles-ci seraient des «coûts» pour les propriétaires du capital. Pour alléger les impôts pour les propriétaires du capital et transférer le fardeau sur les individus, la comptabilité canadienne divise les propriétaires du capital en catégories, dont la dette, les actions, les directeurs et le loyer. Chaque catégorie, sauf les actions, devient un coût aux dépens des autres et sert dans une grande mesure à déterminer le revenu imposable d'une entreprise. Les réclamations des propriétaires de la dette, des directeurs et du propriétaire foncier sont transformées en «coûts» avec pour conséquence pratique de baisser l'impôt de société pour tous les monopoles. La comptabilité canadienne invente même des expressions spéciales pour inclure son préjugé favorable au capital, comme «bénéfices avant intérêts, taxes, dépréciation et amortissement». C'est une comptabilité qui cache l'importance centrale de la valeur ajoutée et la façon dont elle est distribuée parmi les nombreux réclamants. Les propriétaires du capital-action et les propriétaires de la dette, dans un monopole moderne, sont en concurrence avec les travailleurs, les salariés appointés, les propriétaires de la terre, les directeurs et les gouvernements pour la valeur ajoutée réalisée.
La valeur ajoutée est également à la quantité du produit social créé à l'entreprise par les travailleurs moins les coûts de production. Le produit social doit être vendu sur le marché pour réaliser sa valeur ajoutée, sinon celle-ci est gaspillée. (Voir notes de bas de page sur les bénéfices non répartis). En disant que les réclamations des propriétaires de la dette, des directeurs et des propriétaires de la terre sont un coût de production, les monopoles réduisent en pratique les réclamations du gouvernement à la valeur ajoutée réalisée qu'ils doivent remettre directement.
Concernant les fiducies de revenu, le système fiscal avait réduit les réclamations du gouvernement encore plus en permettant que littéralement toute la valeur ajoutée réalisée non répartie, après les réclamations des travailleurs, des salariés appointés, des directeurs et des propriétaires de la dette et de la terre, soit remise aux propriétaires du capital-action, appelés parts dans le cas des fiducies de revenu. Par cette exemption fiscale établie il y a plus trente ans pour les fiducies de revenu, et qui reste en vigueur pour les fiducies existantes jusqu'en 2011, la réclamation des gouvernements à la valeur ajoutée réalisée, prise directement aux sociétés, est réduite d'environ 800 millions $ par année. Cet argent va aux propriétaires des parts de fiducies de revenu. De plus, le gouvernement perd toute possibilité de réclamer des impôts sur le revenu des particuliers sur les 22% de ce 800 millions $ possédé à l'étranger, principalement aux États-Unis. Les propriétaires étrangers des parts de fiducies de revenu ne paient que 15% en impôt retenu à la source. Puis Statistique Canada révèle que bon nombre des plus riches propriétaires canadiens de parts de fiducies de revenu et d'autres actions utilisent des holdings comme paradis fiscaux à l'étranger où ils accumulent de plus en plus d'argent qui n'est pas imposé au Canada. Statistique Canada rapporte que la somme détenue dans des paradis fiscaux à l'étranger par de riches Canadiens se monte à 88 milliards $.
L'abolition de l'exemption pour les fiducies de revenu par le ministre des Finances pourrait bien conduire à de plus grandes exemptions fiscales pour les sociétés sur les versements de l'intérêt, qui dépassent de beaucoup les 800 millions $ accordés aux fiducies de revenu. Certains croient qu'une section influente du capital monopoliste, reliée aux grandes réserves privées de capital-actions, a exercé des pressions sur le Parti conservateur en faveur de l'abolition de l'exemption pour les fiducies parce que cela limitait les possibilités d'investissement et attirait le capital de réserve vers d'autres investissements, notamment les achats d'actions, fusions et acquisitions, qui comportent d'importants frais de service. Le capital monopoliste a besoin des épargnes des travailleurs et des salariés appointés, principalement des comptes d'épargnes, des caisses de retraite et des fonds mutuels, en tant que «partenaires» d'investissement. C'est un autre aspect du caractère socialisé de l'économie moderne, qui languit pourtant sous la propriété et le contrôle privés.
Stelco et les déductions d'impôts pour paiements d'intérêts
Le capital monopoliste se sert très efficacement à son avantage de la déduction pour paiement d'intérêts et autres réclamations du capital, comme les coûts de production. Les réclamations du gouvernement sur la valeur ajoutée réalisée qui provient directement des sociétés sont ainsi réduites de milliards de dollars. À Stelco, par exemple, c'est le même monopole, Brookfield Asset Management, qui détient la majeure partie de la dette et du capital-action. Aux fins du rapport d'impôt, les réclamations des propriétaires du capital sont divisées en plusieurs parties: le capital-action, la dette, les frais de services (ex: courtiers et agents de restructuration), le loyer et les salaires des directeurs, y compris les indemnités comme les options d'achat d'actions. Ces différentes parties sont pour la plupart appelées «coûts» et servent à réduire les réclamations du gouvernement sur la valeur ajoutée réalisée (impôt des sociétés). L'imposition des sociétés se fait presqu'exclusivement à partir du capital action.
Se servant du régime fiscal axé sur le capital pour manipuler le bilan financier du troisième trimestre 2006 de Stelco, Brookfield a déduit 19 millions $ pour paiement d'intérêts et frais de service. Ironiquement, une bonne partie de cette réclamation pour l'intérêt et les services est revenue directement dans les coffres de Brookfield. Les réclamations des directeurs, des autres agents capitalistes et pour le loyer ont également été déduites.
L'impôt des sociétés est devenu incohérent et une majeure partie de l'imposition est transférée aux particuliers. Comment le gouvernement peut-il évaluer de façon rationnelle et scientifique sa réclamation à la valeur ajoutée réalisée quand il permet ainsi aux propriétaires du capital de confondre la source et la quantité de la richesse, et ensuite manipuler les bilans financiers de manière à ne pas laisser de place à la réclamation du gouvernement? Brookfield, les autres propriétaires de la dette et les directeurs versent certains impôts de société ou de particulier mais le régime fiscal axé sur le capital leur offre plusieurs possibilités de se soustraire à une bonne partie de la réclamation du gouvernement à la valeur ajoutée réalisée à Stelco. L'État se tourne plutôt vers les travailleurs et les salariés appointés. C'est un autre facteur alimentant le tendance régressive à l'enrichissement des riches et à l'appauvrissement des pauvres.
Brookfield s'est servi de l'État dans ses manoeuvres pour acquérir Stelco, notamment avec la Loi sur les arrangements avec les créanciers de compagnies et la Cour supérieure de l'Ontario. Elle s'est emprunté de l'argent à elle-même. Beaucoup de commentateurs disent que Brookfield était un des plus fervents revendicateurs de la modification du mode d'imposition des fiducies. Elle peut maintenant s'emparer de certaines fiducies à bas prix et faire un profit en quelques années. On sait qu'elle frappe déjà à la porte des fiducies Westshore Terminals et Halterm. La valeur du marché de ces fiducies a chuté considérablement. Elles sont toutes deux dans le secteur naval et portuaire, ce qui laisse prévoir une rapport possible avec les plans de Brookfield concernant les installations portuaires de Stelco et l'élargissement de la voie maritime du Saint-Laurent. Le Globe and Mail cite comme exemple de fiducies de revenu dont la valeur baisse rapidement et qui sont en proie à l'acquisition les installations hydro-électriques d'Abitibi Consolidated. Ce cas est particulièrement offensant pour les communautés forestières du nord de l'Ontario qui ont subi les conséquences de la destruction des usines de sciage par Abitibi alors que cette dernière profite de la vente de l'hydro-électricité dans le marché dérèglementé et partiellement privatisé de l'Ontario. Ces avoirs privés devraient être publics et servir les communautés forestières et leurs usines. Le Globe and Mail écrit que la valeur des installations hydro-électriques d'Abitibi-Consolidated est estimée à 300 millions $. Pourquoi sont-elles attirantes? Parce que les barrages d'Abitibi en Ontario sont une source fiable de liquidité, les tarifs d'électricité étant en hausse. Et Abitibi a une raison de vendre: elle manque de liquidité. Acheteurs potentiels: Brookfield Asset Management, les caisses de retraite, etc.
Arrêter d'imposer les individus; augmenter les dépenses pour les programmes sociaux
Avec le régime fiscal axé sur le capital, les gouvernements ont de plus en plus tendance à prendre leur réclamation à la valeur ajoutée réalisée aux particuliers et de moins en moins aux sociétés. La somme perçue des sociétés en 2005 était de 33 milliards $, à peine plus que la somme perçue avec la TPS, qui est payée en majeure partie par les particuliers sans distinction de revenus. La vaste majorité des réclamations des gouvernements se font par l'impôt sur le revenu des particulier. Selon Statistique Canada, en 1961 l'impôt des sociétés en pourcentage de l'impôt des particuliers était de 63%. L'année dernière, ce pourcentage avait chuté à 32%. Autrement dit, le fardeau fiscal relatif des particuliers a doublé.
Le ministre Flaherty a dit au comité parlementaire sur les finances que l'alternative à l'abolition de l'exemption fiscale des fiducies de revenu serait d'imposer plus lourdement les particuliers et leurs familles.
Le fardeau a déjà été transféré aux particuliers. La tendance doit être renversée. La situation a rapidement dégénérée est va bien au-delà des balivernes à propos de l'«équilibre, l'équité et l'uniformité de traitement».
Le régime fiscal doit être discuté de long en large parmi la population. La classe ouvrière et les salariés appointés commencent à demander une transformation radicale du régime fiscal axé sur le capital pour mieux correspondre à la réalité d'une économie socialisée intégrée et mieux répondre aux droits humains fondamentaux. Toute discussion sur les revenus du gouvernement, leur source et leur somme doit passer par les dépenses du gouvernement. Si le régime est réformé mais que les dépenses continuent d'être utilisées pour financer les riches et les guerres d'agression et d'occupation, comme celle de l'armée canadienne en Afghanistan, cela ne change rien pour les citoyens. La réforme démocratique de l'imposition va de pair avec l'augmentation des dépenses pour les programmes sociaux et l'abolition du financement des guerres d'agression des bâtisseurs d'empires.
Une société moderne doit avoir les ressources nécessaires pour garantir les droits de tous et le bien-être du peuple. Ces ressources nécessaires se trouvent dans la valeur ajoutée produite et mise en circulation collectivement par les travailleurs. Les gouvernements doivent faire leurs réclamations non pas aux individus mais directement aux centres de production, de distribution et de financement.
Note
Les revenus non répartis pouvant servir à l'expansion de la production et à l'achat d'équipements pour améliorer la productivité n'ont pas été discutés. Les monopoles modernes retiennent très peu de la valeur ajoutée réalisée, sauf dans des cas exceptionnels où il y a une montée en flèche des prix du marché (comme le pétrole récemment). Pour financer l'expansion, la productivité et les fusions et acquisitions, les monopoles préfèrent emprunter ou émettre des actions. L'avantage d'emprunter est que l'incohérence du système fiscal est telle qu'elle permet des déductions pour paiement d'intérêts à titre de «coûts de production», alors qu'en réalité il s'agit de réclamations des propriétaires du capital à la valeur ajoutée réalisée. Un monopole du secteur de l'électronique peut emprunter de l'argent pour la recherche et le développement. Il peut ensuite déduire cette somme de son revenu imposable à titre de coûts de recherche et de développement et de paiement d'intérêts sur le capital emprunté. La question de la reproduction élargie et comment la financer va au coeur du problème: qui contrôle l'économie socialisée intégrée. Sous contrôle privé, la reproduction élargie de la production socialisée sert uniquement à maintenir et à élargir la valeur accumulée privée (le capital). Par contraste, la classe ouvrière et les salariés appointés ont une vision d'ensemble. Pour eux, la reproduction élargie de la production socialisée doit faire l'objet d'une discussion publique et d'une planification qui tient nécessairement compte de l'ensemble des confédérations de nature sociale et naturelle.
Libellés : La lutte des peuples pour restreindre le droit des monopoles
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