jeudi, juin 15, 2006

Actualité - Doctrine Monroe - La menace états-unienne plane sur le Venezuela

Franc-Parler reproduit un article provenant du Réseau Voltaire à propos des menaces américaines vis-à-vis la République bolivarienne du Venezuela dirigée par Hugo Chavez. Après le coup d'État échoué de 2002 le gouvernement des États-Unis a changé de tactiques et commencé à menacer militairement et ouvertement le Venezuela. Il est nécessairement de bien mesurer les intérêts économiques et stratégiques guidant les États-Unis dans cette aventure au Venezuela. Le Venezuela, l'un des principaux producteurs de pétrole au monde, résiste courageusement au néo-libéralisme et l'impérialisme en Amérique latine. Cela se traduit autant par l'ingérence américaine dans les affaires politiques vénézuéliennes que par des menaces militaires.

Washington ne se contente pas de souhaiter ouvertement le renversement des autorités démocratiquement élues de Caracas, ni de s’ingérer dans la politique intérieure du Venezuela, il exerce sur lui une pression militaire. À l’occasion des manœuvres navales « Partnership of the Americas », Salim Lamrani dresse un tour d’horizon des menaces états-uniennes.

En avril-mai 2006, les États-Unis ont réalisé d’impressionnantes manœuvres militaires dans les Caraïbes. L’opération, intitulée Partnership of the Americas, inclut la présence de 6 500 soldats, plusieurs porte-avions et sous-marins nucléaires, et un nombre spectaculaire d’avions de chasse F16. Un navire de guerre s’est même rendu dans l’île néerlandaise d’Aruba à 15 miles seulement des côtes vénézueliennes.

Ce déploiement de force a sérieusement inquiété le gouvernement de M. Hugo Chávez, qui a dénoncé une tentative d’agression militaire. Le ministre des Affaires étrangères, Ali Rodríguez, a souligné le danger d’une entreprise violente contre le Venezuela de la part de la Maison-Blanche. « Nous sommes bien conscients de ce risque […]. Vous n’avez pas vu le langage utilisé par M. Bush ? C’est un langage manichéen entre le Bien et le Mal, ‘ceux qui sont avec nous sont bons, ceux qui ne sont pas avec nous sont méchants et nous devons les détruire’ », a-t-il déclaré. Selon lui, seul le bourbier iraquien et « la situation très critique » au Moyen Orient ont mis un frein à une offensive armée contre le Venezuela.

M. Rodriguez a également affirmé qu’il ne souhaitait pas une rupture avec les États-Unis : « Notre position est d’avoir des relations normales, cordiales et la seule condition que nous posons au gouvernement nord-américain est le respect de la souveraineté du Venezuela, la non-intervention dans les affaires internes du Venezuela [et] le respect de la Charte des Nations unies ».

De son côté, l’ambassadeur étasunien à Caracas, M. William Brownfield, a minimisé l’importance des exercices militaires effectués par le Southern Command. « Ce n’est pas la première fois que le gouvernement des États-Unis réalise des manœuvres navales dans les Caraïbes, et ce ne sera pas la dernière », a-t-il signalé. Le Pentagone, quant à lui, a annoncé que la parade militaire était uniquement destinée à faire face à des menaces non conventionnelles tels que le trafic de drogue et le trafic de personnes, en partenariat avec des pays de la région. Cependant, il n’a pas précisé, au vu de l’arsenal guerrier déployé, s’il comptait utiliser des armes nucléaires pour mettre un terme à ces menaces non conventionnelles.

Cette nouvelle escalade des tensions entre le Venezuela et l’administration Bush fait suite à toute une série de déclarations belliqueuses effectuées par Washington au cours des derniers mois. Le 16 février 2006, Mme Condoleezza Rice, la secrétaire d’État, a affirmé que le Venezuela constituait « l’un des plus grands problèmes » pour les États-Unis, et a qualifié ses relations avec Cuba comme étant « particulièrement dangereuses ». Elle a fait part de son intention de créer un front commun régional contre le gouvernement du président Chávez lors de son audition devant la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants, afin de justifier le budget de 33 milliards de dollars alloué à son ministère pour l’année 2007 .

Mme Rice a accusé M. Chávez d’influencer « ses voisins à sortir du processus démocratique », par le biais de ses politiques qui rejettent l’accord de libre-échange (ALCA) exigé par les États-Unis. En effet, depuis son accession au pouvoir, l’actuel gouvernement vénézuelien prône une intégration économique latino-américaine (ALBA) afin de favoriser le développement de la région ; projet qui est complètement opposé au néolibéralisme que veut imposer Washington, et qui ne favorise que les grandes transnationales. Pour contrecarrer « l’influence négative » du Venezuela, elle a proposé de multiplier les relations avec « les gouvernements responsables, y compris les gouvernements responsables de la gauche, comme le Brésil et le Chili » ; c’est-à-dire ceux qui acceptent le modèle économique ultralibéral.

La secrétaire d’État a également reproché au gouvernement bolivarien d’apporter son soutien politique à la coalition des deux ex-présidents nicaraguayens Daniel Ortega et Arnaldo Alemán, en vue des prochaines échéances présidentielles de novembre 2006. Selon Mme Rice, cet appui pourrait « générer une situation dans laquelle un gouvernement démocratiquement élu ne pourrait pas fonctionner au Nicaragua », faisant allusion à une éventuelle victoire de la gauche, et au probable rejet qu’elle susciterait à Washington.

Cependant, la secrétaire d’État, qui fustige constamment « le populisme latino-américain », a omis de signaler que son propre ambassadeur au Nicaragua, M. Paul Trivelli, s’est réuni avec les leaders de la droite et a exigé d’eux qu’ils ne forment qu’une seule liste pour les élections présidentielles et législatives, afin d’éviter à tout prix un succès électoral du Front sandiniste. Mais Washington n’en est pas à une ingérence ni à une contradiction près.

Le président Chávez s’est montré surpris des déclarations de Mme Rice, et a déclaré que la tentative d’isolement de son gouvernement par les États-Unis était vouée à l’échec. « Cela fait plusieurs années que [Washington] essaye de nous isoler, de nous imposer un blocus [et] ils ont échoué et ils échouerons parce que la raison n’est pas de leur côté, et parce qu’ils ne disposent d’aucune morale. Chaque jour les peuples et les gouvernements du monde découvrent la vérité à propos du Venezuela », a-t-il noté.

Le Département d’État a également apporté son soutien à certains syndicats vénézueliens qui prônent la grève pour déstabiliser la nation. Mme Rice a même évoqué, lors d’une déclaration à la presse, une paralysie des transports publics du pays ; paralysie qui n’a jamais eu lieu. Ces annonces laissent à penser que Washington a déjà élaboré des plans avec l’opposition afin de renverser le président Chávez, et confirment les inquiétudes de ce dernier.

En guise de réponse, les autorités vénézueliennes ont brandi la menace de suspendre les livraisons de pétrole. Le Venezuela, qui est le cinquième producteur mondial d’or noir, exporte quotidiennement 1,5 millions de barils vers les États-Unis. « Le gouvernement étasunien doit comprendre que s’il dépasse les bornes, il n’aura plus de pétrole vénézuelien », a averti M. Hugo Chávez. « S’il croit que je ne peux pas prendre cette mesure […], il se trompe lourdement [car] de nombreux pays nous demandent du pétrole », a-t-il ajouté.

Dans la province de Zulia, région très riche en réserves pétrolières, un mouvement séparatiste, soupçonné de connivence avec les États-Unis, a vu le jour. L’État compte près de 4 millions d’habitants et fournit une part essentielle de la production en pétrole. Il est dirigé par le gouverneur Manuel Rosales, opposé au gouvernement central, qui est actuellement mis en examen pour avoir participé au coup d’état contre le président Chávez en avril 2002. Il avait, en effet, signé en avril 2002 un décret émis par la junte putschiste de Pedro Carmona, actuellement en fuite en Colombie.

M. Néstor Suárez est le président du groupe d’opposition Rumbo Propio en faveur de l’autonomie. Il se définit comme étant d’extrême droite et a affiché sa détermination à installer un gouvernement « capitaliste libéral » : « Nous voulons notre propre gouvernement [et] nous sommes contre les grands gouvernements centraux ». Les déclarations de l’ambassadeur étasunien Brownfield, qui a parlé de la « République de Zulia », n’ont fait qu’attiser les suspicions envers l’administration Bush. D’immenses manifestations ont eu lieu en signe de protestation envers ce que le procureur général du Venezuela, M. Isaías Rodríguez, a qualifié de « trahison à la patrie ».

Le Ministre de Communication et d’Information, M. William Lara a, quant à lui, rappelé l’article 130 de la Constitution bolivarienne du Venezuela : « Les Vénézueliens et Vénézueliennes ont le devoir d’honorer et de défendre la patrie, ses symboles et ses valeurs culturelles ; de protéger la souveraineté, la nationalité, l’intégrité territoriale, l’autodétermination et les intérêts de la nation ». Il a également affirmé que l’implication de Washington dans cette crise était un secret de polichinelle, vue l’importance stratégique de la région et « l’intérêt des États-Unis à contrôler le pétrole vénézuelien ». « C’est la raison pour laquelle nous sommes conscients du danger et de la menace contre l’intégrité territoriale du Venezuela », a-t-il conclu.

Pour raviver un peu plus les tensions, le Département d’État a également accusé le Venezuela d’être le « point de transition clé » pour la drogue colombienne et a stigmatisé la « corruption rampante dans les plus hautes sphères policières et le faible système judiciaire ». Cette accusation émane du refus des autorités vénézueliennes à recevoir les fonctionnaires de la Drug Enforcement Agency (DEA), le Département de lutte anti-drogue étasunien, accusés d’espionnage par le président Chávez.

Le vice-président vénézuelien, M. José Vicente Rangel, a rejeté le rapport émis par Washington en soulignant que l’administration Bush ne disposait d’aucune autorité pour s’ériger en leader anti-drogue. [Le président étasunien] utilise la lutte contre ce fléau comme simple drapeau politique », a-t-il dénoncé. Selon une enquête de l’Union européenne de 2005, seule 0,47 % de la population vénézuelienne consomme de la drogue, alors que 9,47 % des Étasuniens y ont recours de manière régulière. En effet, avec 35 millions de toxicomanes, les États-Unis sont les premiers importateurs de produits stupéfiants de la planète.

À ce reproche s’ajoute la publication de la Stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis divulguée par le président Bush, où les principaux gouvernements en ligne de mire sont ceux de MM. Hugo Chávez et Fidel Castro. « On ne doit pas permettre que la frauduleuse attraction du populisme contre le libre marché érode les libertés politiques », stipule le document.

M. Bush a réaffirmé le droit des États-Unis à intervenir unilatéralement contre tout État considéré comme hostile aux intérêts de Washington. Il en a profité pour taxer le président vénézuelien de « démagogue qui flotte sur l’argent du pétrole et qui est en train de miner la démocratie et qui prétend déstabiliser la région ». Pour ce qui est de Cuba, le président Castro est qualifié de « dictateur anti-américain qui continue à opprimer son peuple et cherche à subvertir la liberté dans la région ». Quant à la Colombie, elle est citée comme étant « un allié démocratique [qui] combat les assauts persistants des terroristes marxistes et des narcotrafiquants».

« L’allié colombien » est justement soupçonné d’être impliqué dans la déstabilisation du Venezuela. L’ancien commandant du Département administratif de sécurité (DAS) de Colombie, M. Rafael García, a avoué qu’un ex-directeur des services de renseignements du DAS, des paramilitaires colombiens et des opposants vénézueliens ont conspiré pour assassiner le président Chávez. « Selon mes informations, nous étions deux à la savoir : un ex directeur du DAS [M. Jorge Noguera, actuellement consul à Milan] et moi. Et du haut gouvernement colombien, il y a six personnes impliquées mais je ne vais pas citer de noms. Le plan était contre des hauts fonctionnaires vénézueliens y compris le président Chávez », a-t-il déclaré.

Le président colombien, M. Alvaro Uribe, a nié être impliqué dans l’affaire, même s’il a reconnu avoir reçu des photos montrant des militaires vénézueliens ayant participé au coup d’État d’avril 2002 en train de pénétrer dans l’immeuble de la DAS à Bogota. Après plusieurs enquêtes, le gouvernement de M. Uribe a confirmé la tenue d’une réunion entre des opposants vénézueliens et des hauts responsables de l’armée avec des agents du DAS, dans un immeuble de l’État.

Face à ces menaces persistantes, le gouvernement vénézuelien a été contraint d’accélérer les préparatifs militaires, afin d’empêcher une éventuelle invasion du pays. Après avoir acheté 33 hélicoptères de défense à la Fédération de Russie pour un montant de 200 millions de dollars, il a recommandé à l’armée de se préparer à une guerre de résistance, tout en activant la formation d’une réserve nationale composée de civils.

L’Amérique latine est actuellement traversée par une immense vague de changement. L’espoir de renouveau suscité par la Révolution bolivarienne, dont les transformations sociales sont impressionnantes, n’est pas du goût de Washington qui voit son influence s’amenuiser. Pendant ce temps, le prestige de leaders progressistes tels que M. Hugo Chávez ne cesse de croître comme le montrent les propos admiratifs de l’ancien président chilien, M. Ricardo Lagos, pourtant réputé pour son conservatisme : « Hugo est une force de la nature, c’est un homme doté d’un grand charisme et je crois que ses efforts pour vaincre la pauvreté l’ont amené à suivre un chemin de profond engagement dans certains secteurs ». C’est l’une des raisons pour lesquelles l’administration Bush semble prête à tout pour mettre un terme à cette « influence négative ».

(Réseau Voltaire)

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1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

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2:11 p.m.  

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