Actualité - Les jours du latifundium sont comptés
En moins d'un an, accompagné par son parti, le Mouvement au socialisme (MAS) et le gigantesque mouvement indigène et populaire sur lequel se base son gouvernement, il a renationalisé les hydrocarbures, il a remporté la majorité des sièges à l'Assemblée constituante et, il y a à peine quelques semaines, il a pris le risque d'exiger des transnationales, pratiquement propriétaires des richesses énergétiques du pays, qu'elles signent de nouveaux contrats en vertu desquels l'État bolivien assume la commercialisation, la définition des conditions d'exportation, l'industrialisation et fixe les prix du gaz et du brut pour réinvestir les bénéfices dans des programmes sociaux.
On avait du mal à croire qu'un gouvernement populaire puisse mettre fin à la prétendue «capitalisation» à laquelle avait procédé Sanchez de Lozada sans mettre en danger les investissements étrangers et provoquer le retrait des entreprises étrangères auxquelles tout le patrimoine énergétique de la nation avait été cédé en vertu de l'application du modèle néo-libéral imposé par Washington dans toute la région.
Cette fois, de sérieux affrontements eurent lieu dans les journées qui ont précédé la signature de la réforme de la Loi agraire: l'opposition de droite, représentant les intérêts des propriétaires terriens et de l'oligarchie, a boycotté la discussion au Sénat et abandonné les lieux dans l'intention d'empêcher l'approbation du texte qui était déjà passé à la Chambre basse.
Le président Evo avait accusé les sénateurs des partis Pouvoir démocratique et social (PODEMOS), de l'ex-président Jorge Quiroga, et Unité nationale (UN) d'«attenter contre la démocratie» en privant l'instance législative du quorum nécessaire pour l'approbation de la Loi sur la reconduction communautaire de la Réforme agraire. Il les avait avertis «Le peuple et le monde vous jugeront.»
Entre temps, depuis le 31 octobre, des milliers d'indigènes avaient entrepris une longue marche de colonnes silencieuses qui convergeaient vers la capitale, venant des terres basses du Beni, des hauteurs d'Oruro, de Pando, de Potosi, des hauts plateaux, de Santa Cruz et d'ailleurs.
Bon nombre d'entre eux, informe l'Agence bolivienne de nouvelles, ont réussi à pénétrer au Palais du gouvernement tandis que d'autres, depuis la place Murillo, ont suivi la réouverture des débats jusqu'au moment où aux 12 législateurs du MAS se joignirent, en un geste tout à fait inédit, deux autres de PODEMOS et un de UN. C'est ainsi que s'effondra la résistance de la droite, pour le bien des paysans et de tout le pays.
L'explosion de joie fut spectaculaire lorsqu'après avoir signé la nouvelle loi approuvée par le Sénat, le président Morales a annoncé qu'«à partir de l'approbation de cette loi, le latifundium est mort en Bolivie».
Il a précisé que la réforme agraire ne consistera pas seulement à remettre des terres aux paysans mais aussi à leur fournir du matériel comme des tracteurs et d'autres machines agricoles et aussi des marchés.
Le président a fait une remarque: «Nos marches n'ont jamais été vaines. Il y a eu la marche pour les hydrocarbures et maintenant la marche pour la terre. Nous aurons sans doute besoin d'autres marches pour continuer d'avancer et ouvrir la voie à l'élimination définitive du néo-libéralisme dans le pays.»
Une loi nécessaire
Les gouvernements précédents de la Bolivie en ont fait un des pays les plus pauvres d'Amérique latine, où l'injustice était encore plus flagrante qu'ailleurs. D'où la portée de cette nouvelle loi qui met fin au latifundium constitué de terres improductives, objets de spéculation, en offrant la possibilité de distribuer les terres à ceux qui la travaillent.
Une étude menée par la Commission spéciale des affaires indigènes et des peuples autochtones a révélé que 91% des terres cultivables du pays étaient aux mains de grands propriétaires qui, en même temps, appartenaient aux partis politiques traditionnels, ou se faisaient élire sénateurs, à moins qu'ils n'aient été de hauts fonctionnaires des gouvernements passés ou des patrons des médias.
Ces latifundistes qui représentent 5% de la population possédaient 89% des terres; les propriétaires d'exploitations moyennes, 15% du total, disposaient de 8% des surfaces cultivables alors que le reste des producteurs, soit 80%, n'en détenait que 3%.
Ce n'est pas un hasard si à Santa Cruz et à Beni, des départements où se concentrent d'importants secteurs opposés au changement, 14 familles sont propriétaires absolues de 3 millions d'hectares. Parmi elles figure le sénateur Walter Guiteras, un des détracteurs les plus acharnés du gouvernement d'Evo Morales.
Au coup porté au latifundium suivra la nationalisation des mines, en 2007. Cette même année, la nouvelle Constitution sera achevée et soumise à un référendum. Son approbation ouvrira la voie à la refondation de la Bolivie.
En une seule année d'exercice, le gouvernement d'Evo Morales a avancé à pas de géant. Les obstacles ne manqueront sans doute pas, mais il est certain que le peuple bolivien a démontré qu'il est prêt à prendre en mains son destin qui n'est pas précisément celui auquel il se voyait jusque là condamné.
(Granma International - Nidia Diaz)
Libellés : Bolivie
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