Actualité - La grève de la faim des détenus du Guantanamo canadien se poursuit
Accusés de liens terroristes, les trois détenus n’ont accès ni à la preuve sur laquelle se base le gouvernement, ni à toute information qui serait susceptible de la dévoiler.
À ce jour, le gouvernement a décidé d’adopter la ligne dure avec les grévistes, allant jusqu’à soutenir qu’ils ne sont pas en grève de la faim puisqu’ils prennent des liquides.
Le 17 janvier, Mohammed Mahjoub sera à 54 jours sans nourriture et Hassan Almrei et Mahmoud Jaballah en seront à 43 jours. Mohammad Mahjoub, ingénieur et père de deux enfants est détenu depuis juin 2000, tandis que Hassan Almrei et Mahmoud Jaballah sont détenus depuis 2001.
Le 8 janvier, ils ont publié une lettre ouverte dans laquelle ils décrivent leurs conditions de détention et demandent à la population de faire pression sur le gouvernement afin qu’il accède à leurs demandes.
La lettre, un appel poignant, débute ainsi : « Nous vous écrivons aujourd'hui parce que le gouvernement du Canada refuse de nous parler. Nous sommes trois hommes musulmans et sommes détenus en vertu d'un certificat de sécurité, sans accusations depuis de 5 à 6 ans et demi, et ce, sans avoir bénéficié d'une libération sous caution.
« Plusieurs groupes, incluant Amnistie Internationale, ont décrit les certificats de sécurité comme étant fondamentalement injustes et déficients. Les Nations unies ont critiqué cette pratique. Présentement, la Cour suprême du Canada tente de déterminer ce que le Canada doit en faire.
« Nous sommes détenus dans un endroit qui se nomme le Centre de surveillance de l'immigration de Kingston (CSIK), qui se trouve sur le terrain du pénitencier de Millhaven. Certaines personnes ont rebaptisé cet endroit le "Guantanamo du Nord". Comme les captifs de la prison de Guantanamo à Cuba, nous sommes détenus indéfiniment. Cela constitue une forme de torture psychologique qui est quasi inimaginable. Nous ne savons pas à quel moment, ni même, si un jour nous en serons relâchés.
« Nous avons été très patients et avons fait de notre mieux pour faire face à un processus contre lequel il est impossible de se défendre. Nous resterons patients et espérons qu'au bout du compte nous soyons libérés, car nous sommes des hommes innocents.
« Mais il y a cependant une limite à ce que des êtres humains peuvent tolérer. Au-delà de celle-ci, les voix se lèvent et les gens se tournent vers des actes de dénonciation pacifique.
« Nous sommes présentement en grève de la faim (nous ingérons uniquement des liquides) pour protester contre nos conditions de détention. …. C'est une expérience difficile pour nous et nos familles, mais c'est notre seule voix. »
Ces trois hommes sont les seuls détenus au CSIK, où ils ont été transférés en avril dernier. Avant ce transfert, ils étaient détenus dans des centres de détention provinciaux, dont le centre de détention de Toronto West en Ontario.
Les faits suivants donnent une idée du traitement que ces trois personnes ont subi entre les mains des geôliers du gouvernement canadien. En 2005, Almrei a fait deux grèves de la faim : une de 39 jours pour obtenir des vêtements d’hiver et des chaussures afin de se protéger du froid de l’hiver dans sa cellule à peine chauffée; et une autre de 73 jours simplement pour avoir le droit de faire des exercices durant une heure par jour. Il était, à ce moment, confiné dans sa cellule 24 heures par jour avec les lumières constamment allumées.
Mohamed Mahjoub a été infecté du virus de l’hépatite C dans alors qu’il était en détention, un virus potentiellement mortel s’il n’est pas combattu. En 2005, il a fait une grève de la faim pour obtenir les soins requis. Encore aujourd’hui, une des demandes pressantes des grévistes est l’obtention des soins médicaux pour Mahjoub qui doit également être soigné pour une blessure aux genoux, une demande qui remonte elle aussi à 2005.
Ces conditions de détention sont rendues encore plus insupportables à cause du caractère arbitraire et antidémocratique des certificats. Un certificat de sécurité est un décret ministériel ordonnant, pour des motifs de sécurité nationale, la détention et l’expulsion du Canada de la personne qui y est mentionnée. Pour l’instant, il ne vise que des non-citoyens. Avant d’ordonner l’expulsion, un juge doit examiner le « caractère raisonnable » du certificat. Pour ce faire, il examine la preuve, mais cet examen se fait en secret avec les avocats du gouvernement et les agents des services du renseignement, sans la présence du détenu ou de son avocat, et le juge ne peut pas révéler le contenu de la preuve. Il est donc impossible de connaître et de répondre à la preuve qui justifie la détention et l’expulsion.
La preuve sur laquelle se fonde le ministre pour émettre un certificat est obtenue par les services du renseignement canadiens en collaboration avec les services de police des pays d’origine des personnes visées, pays connus pour utiliser la torture pour arracher des déclarations compromettantes. Les services du renseignement canadiens et les avocats du gouvernement n’hésitent pas à utiliser une preuve obtenue sous la torture par les services du renseignement étrangers. L’enquête publique dans l’affaire Arar, par exemple, a établi que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ont cherché à faire avancer leurs propres enquêtes en se faisant les complices des autorités syriennes dans la torture d’un citoyen canadien, Maher Arar.
Passant tout cela sous silence, La Presse, le journal de l’élite francophone au Québec, a publié le 5 janvier dernier un reportage déplorant les coûts jugés trop élevés de la prison spéciale de Kingston sans mentionner que ses trois détenus sont en grève de la faim, ni aucune de leurs demandes légitimes. L’impression que voulait laisser l’article est celle de détenus « privilégiés » ayant à eux seuls une prison qui aurait englouti jusqu’à cinq millions de dollars en frais de construction et d’exploitation.
Cet article reflète bien l’état d’esprit de l’élite dirigeante. Les certificats de sécurité ont été introduits dans la loi sur l’immigration en 1993 et utilisés par les libéraux de 1993 à 2006. Les conservateurs ont depuis promis d’en élargir la portée.
Le NPD demande l’abolition des certificats de sécurité. Mais cette demande est émasculée par son acceptation de la supposée « lutte au terrorisme » qui sert de prétexte à un assaut contre les droits démocratiques. (Le NPD a voté pour les lois antiterroristes en exigeant l’inclusion d’une timide clause de réexamen et était en compétition avec les conservateurs et les libéraux lors de la dernière campagne électorale sur la question de la loi et de l’ordre).
La seule différence entre la politique du NPD et celle des conservateurs ou des libéraux concerne les moyens à utiliser. Aux yeux du NPD, les outils de répression existent déjà et sont suffisants. L’utilisation des certificats de sécurité, dénoncée par Amnistie Internationale, ternit l’image plus « humaine » de l’impérialisme canadien qui a tant servi par le passé et que le NPD tente de garder en vie afin de rallier la population derrière les intérêts impérialistes de la bourgeoisie canadienne, particulièrement en Afghanistan.
Le militarisme et la réaction sociale sont les seules réponses de la bourgeoisie à la crise du système de profit. Ces politiques vont alimenter le mécontentement social qui prend actuellement la forme d’une forte opposition populaire à l’intervention militaire canadienne en Afghanistan et à la guerre en Irak.
L’utilisation de l’appareil de répression, ainsi que l’adoption d’une politique d’intimidation au nom du maintien de l’ordre, sont les moyens privilégiés de la classe capitaliste pour mater la résistance des masses. C’est pourquoi le certificat de sécurité et la possibilité qu’il offre d’expulser sans procès des non-citoyens soupçonnés de terrorisme vers des pays amis utilisant la torture pour obtenir des informations, qui sont ensuite partagées, est un outil répressif que l’élite dirigeante canadienne n’est pas prête d’abandonner.
Qu’une telle politique arbitraire et antidémocratique existe au Canada n’a rien de particulier. Mais le fait qu’elle soit maintenant ouvertement défendue par l’élite dirigeante doit être considéré comme un avertissement à la classe ouvrière et à tous ceux qui s’opposent à la politique impérialiste de l’élite canadienne de ce que la bourgeoisie réserve à ses opposants.
(World Socialiste Web Site)
Libellés : La lutte contre la création d'un État fasciste, Le peuple lutte pour les droits des immigrants au Canada
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