Actualité -La crise de Gaza et la faillite du nationalisme palestinien
Le gouvernement qui a été formé par décret présidentiel est placé sous la tutelle directe des Etats-Unis et d’Israël et sera dirigé par leurs agents, Abbas et son premier ministre Salam Fayad, un ancien fonctionnaire de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.
Le premier pas consiste à mettre en place un régime client dirigé par Abbas et dont la première tâche est d’éradiquer l’influence politique du Hamas en Cisjordanie, en commençant par l’arrestation et l’emprisonnement de son personnel dirigeant. Des hommes armés du Fatah ont déjà pris d’assaut les institutions contrôlées par le Hamas à Ramallah et à Naplouse. Abbas a publié une série de décrets présidentiels proclamant illégale la branche armée du Hamas, les brigades Izzedine Al Kassam, et son exécutif paramilitaire.
Les Etats-Unis, Israël et l’Union européenne ont déjà fait savoir qu’ils fourniraient un soutien financier à Abbas et lèveront les sanctions internationales pour la Cisjordanie. Mais le blocus commercial et militaire de Gaza, où un million et demi de Palestiniens font face à une accablante pauvreté et à une pénurie de nourriture, va lui, être renforcé.
Ces démarches ne sont que le prélude à une campagne politique, économique et militaire visant la bande de Gaza.
Les frontières de Gaza ont été fermées par Israël et l’Egypte. Israël menace de bloquer l’approvisionnement en carburant.
Mardi, des chars israéliens sont entrés dans Gaza pour la première fois depuis que les combats ont commencé entre le Fatah et le Hamas. Les chars ont franchi le point de passage d’Erez (Beit Hanoun) où quelque 500 partisans en fuite du Fatah ont été pris au piège pendant cinq jours. Un bulldozer de l’armée israélienne a démoli une barrière en dur et il y a eu un échange de tirs.
De sources israéliennes, on apprend que les chars ne resteront à Gaza que durant un « temps limité ». Mais le journal britannique Sunday Times a rapporté qu’Israël préparait une attaque majeure dans les prochaines semaines.
Le Times a cité des sources provenant de la hiérarchie militaire israélienne et détaillant une offensive à laquelle participeraient 20.000 soldats. Celle-ci aurait pour objectif d’anéantir « en quelques jours le gros de la capacité militaire du Hamas » et serait probablement « déclenchée par des attaques de missiles sur Israël ou une reprise des attentats suicides. » L’on rapporte que le ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak, du Parti travailliste, aurait demandé des plans détaillés pour le déploiement de deux divisions blindées et d’une division d’infanterie, auxquelles s’ajouteront des drones et des avions de combat F-16. Une source proche de Barak a dit, « La question n’est pas de savoir si, mais quand et comment» une telle attaque serait organisée.
Plus inquiétantes encore sont les allusions constantes faites dans les médias à un « choc des civilisations » et qui lient un soutien aux tentatives d’Israël d’écraser le Hamas à des exigences d’action militaire contre l’Iran.
Les Etats-Unis et Israël provoquent la guerre civile
Le Hamas est arrivé au pouvoir aux élections de janvier 2006 principalement en raison du vaste mécontentement engendré par la corruption et le népotisme du Fatah, considéré par beaucoup comme le représentant d’une poignée de multimillionnaires et comme un gendarme au service des Etats-Unis et d’Israël.
Les puissances occidentales ont refusé de reconnaître le résultat d’un vote démocratique, elles ont imposé des sanctions visant à renverser le gouvernement en place et à en installer un qui soit totalement contrôlé par Abbas. Les calculs d’Israël et des Etats-Unis avaient toujours pour base d’obliger le Fatah et les forces de sécurité considérables d’Abbas à s’attaquer au Hamas. Mais leur erreur résidait dans une sous-estimation du degré d’hostilité de la population de Gaza à l’encontre du Fatah et dans une surestimation de la capacité de combat du Fatah
Le Hamas profite de l’opposition politique aux efforts entrepris par le Fatah pour rallier les Palestiniens à la « Road Map » (« Feuille de route ») du gouvernement Bush et à un accord conclu dont les termes étaient dictés par Israël, comprenant l’annexion permanente de la plus grande partie de la Cisjordanie et le refus du droit au retour des immigrés palestiniens.
Mais le Hamas n’offre aucune alternative viable au peuple palestinien. Sa perspective, avec son adoption de l’intégrisme religieux est, en essence, une forme plus extrême de nationalisme. Il exprime les intérêts de sections de la bourgeoisie arabe et non les intérêts des travailleurs et des paysans.
Sa défense du fanatisme religieux, d’un antisémitisme véhément et des attentats terroristes est rejetée par un très grand nombre de Palestiniens qui ne se font guère d’illusions sur le Fatah.
D’autre part, il écoeure profondément les centaines de milliers de travailleurs israéliens qui aspirent à la paix avec leurs voisins arabes. En effet, il est impossible d’imaginer une politique plus apte à empêcher toute possibilité de lutte politique unifiée entre travailleurs juifs et arabes.
De plus, malgré sa rhétorique et ses actions armées sporadiques, le Hamas n’est pas sérieusement opposé au système des Etats tel qu’il est dicté par l’impérialisme au Proche-Orient ; il cherche à parvenir à son propre accord, tant avec les Etats-Unis qu’avec Israël.
L’impasse du nationalisme
Ces événements ont mis fin, une bonne fois pour toute, à la promesse contenue dans les Accords d’Oslo de 1993 d’aboutir à la cohabitation de deux Etats, Palestine et Israël, et qui furent signés par le Fatah sous la direction de Yasser Arafat ; on avait appelé cela la « solution des deux Etats ». Les Palestiniens évoquent à présent avec amertume une « solution des trois Etats. »
Sur un plan plus fondamental, la division entre Gaza et la Cisjordanie représente le naufrage final de la perspective nationaliste sur laquelle s’est fondée la lutte des Palestiniens contre l’usurpation et la répression israéliennes.
Il y a une dimension extrêmement tragique à ce conflit fratricide entre Palestiniens qui ont lutté pendant six décennies contre l’expulsion et l’occupation militaire. Mais l’effondrement du projet national palestinien encouragera inévitablement la jeunesse et les travailleurs palestiniens ainsi que leurs homologues israéliens à rechercher une issue au cycle de l’oppression, de la mort et de la violence qui tourmente la région depuis la création d’Israël en tant qu’Etat juif.
Il est impératif de tirer les leçons politiques de l’échec historique du Fatah et de sa transformation en un instrument docile de Washington. La débâcle infligée aux masses palestiniennes n’est pas avant tout la conséquence de la corruption, mais découle de l’impossibilité de sauvegarder leurs droits démocratiques et leurs aspirations sociales sur la base de la perspective nationaliste bourgeoise du Fatah.
L’impasse actuelle démontre l’impossibilité de garantir les droits démocratiques et les besoins sociaux des masses palestiniennes sans un programme qui unisse les travailleurs arabes et juifs dans une lutte commune pour un Proche-Orient socialiste, contre l’ensemble de l’establishment impérialiste et contre tous les régimes qui le soutiennent, c'est-à-dire les Etats bourgeois arabes, autant qu’Israël.
Leçons historiques
Le Fatah a pris la direction de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) car il était le plus radical des divers mouvements nationaux qui étaient alors en concurrence. Il s’est constitué une base populaire parmi de vastes sections de la population palestinienne en raison de sa défense déterminée d’une lutte armée contre Israël.
Mais sa perspective d’établir une Palestine démocratique et laïque n’a jamais été en mesure de servir de base à l’unification des travailleurs juifs et arabes, indispensable au renversement d’Israël en tant qu’Etat sioniste. Une telle lutte politique fondamentale doit nécessairement être basée sur une perspective de la révolution socialiste se donnant pour objectif la libération non seulement des Palestiniens et des Juifs, mais encore de tous les peuples du Proche-Orient, libération tant de l’oppression impérialiste que de l’oppression de classe.
La bourgeoisie israélienne n’est qu’un agent local, parmi d’autres, par lequel l’impérialisme exerce sa domination sur le Proche-Orient. Il y a aussi les divers Etats arabes qui imposent leur propre régime despotique aux masses.
Mais le Fatah et l’OLP dans son ensemble ne pouvaient pas organiser une mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière et de la paysannerie contre la bourgeoisie juive et arabe. Bien qu’il renfermât des éléments sociaux disparates et qu’il ait comporté un important cadre ouvrier et paysan, le Fatah était en fin de compte dominé par la bourgeoisie palestinienne en exil dont il devint le représentant politique.
En dépit de la glorification de la « lutte armée » par une multitude de tendances radicales, la campagne militaire de l’OLP, y compris son recours au terrorisme, fut lancée dans le but d’aboutir à un accord négocié avec l’impérialisme qui garantirait à la bourgeoisie palestinienne une place au sein du système d’Etats du Proche-Orient, dominé par l’impérialisme.
L’opposition du Fatah à l’impérialisme a toujours eu pour condition d’empêcher que ne se développe dans la classe ouvrière un mouvement menaçant la domination du capital. L’OLP insistait à cette fin sur sa position d’« unique représentant légitime du peuple palestinien » et sur le principe que la lutte nationale excluait tout autre conflit entre Palestiniens. Sa charte insistait sur le fait qu’elle allait « coopérer avec tous les Etats arabes », qu’elle allait « adopter parmi eux une politique neutre» et n’allait « s’ingérer dans les affaires intérieures d’aucun Etat arabe. »
Le refus de l’OLP de défier l’élite dirigeante arabe a rendu impossible le développement d’un mouvement anti-impérialiste sur une base de classe et qui dépasse toutes les divisions nationales, ethniques et religieuses, notamment entre Juifs et Arabes. Au lieu de cela, malgré tout l’héroïsme et le sacrifice personnel manifestés par Arafat et ses alliés les plus proches, le Fatah en fut réduit à une politique de la manœuvre permanente ayant pour but l’obtention de soutien des divers régimes arabes pour que ceux-ci placent « la question palestinienne » au cœur de leurs conflits territoriaux avec Israël.
L’amère expérience historique devait démontrer que l’assujettissement du peuple palestinien fut perpétué, en grande partie, grâce à la bourgeoisie arabe.
A l’échelle mondiale, sa perspective nationaliste a rendu l’OLP tributaire des manœuvres, visant à déterminer qui dominerait un Proche-Orient riche en pétrole, entre la bureaucratie stalinienne soviétique et l’impérialisme américain. La capacité des Etats arabes à défier Israël dépendait, en fin de compte, soit du soutien militaire de l’Union soviétique, soit de leur capacité à faire pression sur les Etats-Unis en se servant de la menace d’un accroissement de l’influence soviétique.
1973, la guerre du Yom Kippour
La guerre du Yom Kippour de 1973 s’avéra être un tournant dans la politique mondiale et celle du Proche-Orient, et en conséquence dans la destinée politique du mouvement national palestinien. Après quelques premiers succès militaires de l’Egypte et de la Syrie, les Etats-Unis entreprirent résolument d’empêcher la défaite d’Israël. De son côté, afin de sauvegarder « l’équilibre des pouvoirs » au Proche-Orient et sur le plan international, l’Union soviétique rejoignit Washington pour insister sur un cessez-le-feu qui permettrait à Tel-Aviv de garder le contrôle des territoires qu’ils occupaient depuis la Guerre des Six Jours de 1967 (la Cisjordanie et Gaza).
Le président égyptien, Anwar Sadate, conclut que la défense d’Israël était à présent la pierre angulaire de la politique américaine au Proche-Orient et qu’un conflit direct avec Israël ne pouvait plus être envisagé sérieusement. Il signa les Accords de Camp David en 1978 et le Traité de paix entre l’Egypte et Israël en 1979 et fut ainsi le pionnier de la reconnaissance d’Israël.
L’Egypte fut critiquée pour cela par divers Etats arabes mais, à l’exception du conflit avec la Syrie sur la question du contrôle du Liban, Israël ne fut plus jamais sérieusement mis au défi par les Etats arabes après 1973. Au lieu de cela, l’Irak, la Libye, la Syrie et l’Arabie Saoudite se limitèrent à une opposition bruyante à la reconnaissance d’Israël en organisant des tendances oppositionnelles au sein de l’OLP tel que le Front du refus (contre les démarches initiales de l’OLP pour avancer une « solution de deux Etats »).
Ces poses prises par les régimes arabes contrastaient de façon ostensible avec leur complicité dans la persécution des Palestiniens par Israël, et les attaques directement perpétrées contre l’OLP, dont le « Septembre noir », le massacre de Palestiniens par la Jordanie en 1970, et la complicité de la Syrie dans le massacre par les Phalangistes libanais des camps palestiniens de Karantina et de Tel al-Zataar en 1976.
En 1982, lorsqu’Israël, soutenu par les Etats-Unis, envahit le Liban dans le but d’en expulser l’OLP, le régime bourgeois syrien ne fit rien et l’OLP, forcée de s’exiler à Tunis fut laissée sans défense. Le prix payé par les réfugiés palestiniens pour cette trahison furent les massacres de Sabra et Chatila.
Ce fut le virage de la bureaucratie stalinienne vers la restauration capitaliste puis la liquidation de l’Union soviétique qui s’ensuivit, qui mit définitivement fin à toute possibilité de la part de l’OLP de résister à un accord avec Israël. Sur fond d’Intifada (le soulèvement spontané de la jeunesse et des travailleurs palestiniens des Territoires occupés pour protester contre les conditions déplorables auxquelles ils sont confrontés) Arafat tenta un dernier coup de dés : une tentative de s’assurer le soutien de Washington — même pour parvenir à un accord avec Israël.
Le gouvernement Clinton répondit en forçant Arafat à signer la déclaration de 1998 garantissant la sécurité d’Israël, et à accepter qu’un accord de paix avec Israël était une « stratégie et non une tactique provisoire » et à renoncer à toute forme de terrorisme. Au cours d’une conférence de presse où on lui demandait de déclarer qu’il acceptait Israël, Arafat posa la fameuse question, « Qu’est-ce que vous voulez ? Que je fasse du strip-tease ? »
L’acceptation par Arafat des dictats américains ouvrit la voie, par les Accords d’Oslo signés en 1993 par Abbas avec Arafat comme témoin, à l’établissement de l’Autorité palestinienne. Ces Accords donnèrent naissance à une entité entièrement dépendante d’Israël et chargée du maintien de l’ordre sur les masses palestiniennes, mais confiant au seul Etat d’Israël la responsabilité de la politique étrangère, de la défense, de la protection des colonies israéliennes et du contrôle des frontières et des points de passage vers Israël.
L’AP se caractérisa par un népotisme débridé, la bourgeoisie palestinienne cherchant à s’enrichir, notamment en accaparant l’aide et les prêts internationaux, au milieu de la pauvreté et de la dégradation des conditions de vie effroyables dont souffraient les travailleurs et les paysans. Des exigences de plus en plus draconiennes furent adressées à l’AP afin qu’elle cesse toute opposition à Israël ce qui, en plus du ressentiment généré par la corruption officielle, créa un vide politique que le Hamas fut en mesure de combler.
Abbas devint le représentant favori des Etats-Unis et d’Israël qui œuvrèrent pour mettre à l’écart les éléments les plus radicaux au sein du Fatah. Ceci prit avant tout la forme d’une campagne virulente pour dénigrer et isoler Arafat en raison de son refus d’opprimer son propre peuple et d’accepter de signer des conditions de plus en plus draconiennes pour une acceptation finale d’un Etat palestinien purement nominal, comprenant l’abandon du droit au retour et de toute revendication sur Jérusalem-Est.
Lorsque débuta la seconde Intifada en septembre 2000, Abbas lança un appel à y mettre fin et il fut dûment soutenu par Israël et les Etats-Unis dans sa démarche pour devenir premier ministre en 2003. Par contraste, au milieu d’incursions militaires israéliennes répétées de la part d’Israël, Arafat fut maintenu prisonnier dans son quartier général jusqu’à sa mort, survenue dans des circonstances restées inexpliquées, en novembre 2004. Abbas lui succéda en tant que président en janvier 2005. L’apogée de sa présence au pouvoir est la guerre civile et l’imposition d’une quasi-dictature personnelle en Cisjordanie.
L’héritage désastreux du sionisme pour les travailleurs israéliens
La tragédie palestinienne se trouve en même temps au centre d’une autre tragédie qui se déroule actuellement et qui affecte la classe ouvrière israélienne. La perspective du nationalisme s’est révélée non moins désastreuse pour les Juifs que pour leurs homologues arabes. L’élite dirigeante israélienne est totalement en faillite, n’ayant d’autre perspective que celle de provocations militaires de plus en plus irresponsables et incendiaires.
La création d’Israël par l’expulsion des Palestiniens a été un crime qui a déterminé l’ensemble de son histoire et de son évolution ultérieure. Considéré avec animosité par ses voisins, Israël s’est développé comme un Etat fondé sur la discrimination à l’encontre des non-Juifs et qui, pendant des décennies, fut responsable de brutalités dans les Territoires occupés et au Liban.
Non viable du point de vue économique, Israël fonctionne à ce jour comme un Etat-caserne, un bastion militaire des Etats-Unis, dominé politiquement par des tendances droitières et ultra religieuses profondément hostiles aux intérêts sociaux et politiques de la classe ouvrière.
Seule la perspective de l’internationalisme socialiste peut offrir une voie pour aller de l’avant et pour sortir de l’impasse historique à laquelle sont confrontées les masses du Proche-Orient. La classe ouvrière doit unir à elle les paysans pauvres dans une lutte commune contre l’impérialisme et ses agents bourgeois au sein des élites arabes et israéliennes.
Les Etats-Unis socialistes du Proche-Orient, comme partie intégrale de la lutte pour le socialisme mondial, doivent devenir l’objectif programmatique essentiel de la classe ouvrière, par lequel les Arabes, les Juifs et tous les autres groupes ethniques et religieux peuvent vivre en harmonie et partager les bénéfices des riches ressources de la région. C’est à cette perspective que se consacre le Comité international de la Quatrième Internationale.
(World Socialist Web Site)
Libellés : L'État sioniste d'Israël, La lutte de résistance du peuple palestinien
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