mercredi, novembre 15, 2006

Actualité - Muslims and the Media

Le 26 octobre 2006, Tony Seed, rédacteur en chef de Shunpiking Magazine, a interviewé Sandra L. Smith sur le sujet: Les musulmans et les médias. Sandra est la dirigeante nationale du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) et la rédactrice en chef du journal quotidien du Parti, Le Marxiste-Léniniste.

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Sur la question des musulmans et des médias, je veux traiter plusieurs points importants. Je n'aborderai pas les exemples courants de désinformation des médias que nous connaissons tous, et que les musulmans connaissent bien car ils en sont les victimes. Je traiterai plutôt de certains aspects de la méthode et de la prémisse de cette désinformation des médias.

Selon la théorie politique qui informe l'État-nation européen, de nombreuses nations ont existé depuis des temps immémoriaux mais seuls les États-nations de style européen ont une histoire. Cet État-nation européen a été créé au XIXe siècle sur le dos des peuples des nations colonisées. Il a encore été imposé aux peuples colonisés qui avançaient vers la libération et l'indépendance au cours de la période qui a suivi immédiatement la Deuxième Guerre mondiale. Le point de vue eurocentrique que seules les nations qui acceptent l'État-nation européen ont une histoire a servi de justification pour saper l'effort des peuples colonisés pour décider de leur mode de vie. Aux XIXe et XXe siècles, l'eurocentrisme a sapé la capacité des peuples colonisés d'établir leurs projets d'édification nationale sur la base de leur propre matériel de pensée et de constituer des États-nations qui soient dans leurs intérêts. Et aujourd'hui, alors que les projets d'édification nationale européens sont en crise, leur imposition aux peuples en lutte pour leur libération provoque des catastrophes sans précédent.

L'histoire est mémoire

Réfléchissons un instant à ceci: L'histoire est mémoire. La mémoire est intelligence. Ainsi, selon cette théorie politique seuls les peuples qui acceptent l'État-nation européen ont l'intelligence et méritent d'appartenir à la communauté internationale des nations. Seuls ces peuples sont dignes de respect.

Si vous n'avez pas d'histoire, vous n'avez pas d'intelligence. Vous n'êtes donc pas humain. Alors que les cultures de l'Orient (lui-même une notion géographique eurocentrique) sont des civilisations millénaires, si elles ne se soumettent pas et ne forment pas des États acceptables pour l'ordre anglo-américain et son élite dominante et n'adhèrent pas à des modes de vie qui lui conviennent, leur État doit être déraciné. C'est ce qui informe la «guerre à la terreur» et la désinformation médiatique anglo-américaines.

Sans comprendre cette prémisse fondamentale et sans pouvoir la rejeter en nous armant d'un guide à l'action qui serve les intérêts des peuples, nous restons vulnérables face à ceux qui exigent que différents pays prouvent qu'ils sont dignes d'être membres de ce qu'on appelle la communauté internationale des nations. Sans ce guide à l'action, nos convictions et nos croyances sont ébranlées sous le feu constant des mensonges et des remises en question.

Vengeance contre ceux qui refusent de renier leur conscience et leurs croyances

Il faut comprendre également que la «guerre à la terreur» actuelle est l'échec des projets d'édification nationale des impérialistes anglo-américains et de leur offensive sioniste pour imposer leur mode de vie aux autres. La persévération des projets échoués entrave gravement la capacité des forces impérialistes dirigées par les États-Unis à réaliser la domination mondiale. Nous assistons donc à leur vengeance. Leur obsession morbide de la défaite les enrage et les conduit à commettre tous les crimes pour vaincre l'esprit humain qui leur résiste. S'ils doivent tomber, ils sont résolus à entraîner le monde dans leur chute.

Leur politique, leur conduite et leurs réactions sont totalement irrationnelles. La «guerre à la terreur» n'est pas une manifestation de la guerre en tant que poursuite de la politique par d'autres moyens. C'est la vengeance contre ceux qui refusent de renier leur conscience et leurs croyances. La vengeance est la plus vile des émotions et la plus vile des motivations. Elle conduit directement à la désintégration des normes de conduite civilisée. Le fait que dans la «guerre à la terreur» la vengeance soit appuyée par les États et les machines militaires les plus puissants que l'humanité ait connus la rend véritablement dangereuse. Mais si nous saisissons comme il faut la méthode de la désinformation impérialiste anglo-américaine et la combattons avec nos projets d'édification nationale, alors les peuples peuvent l'emporter.

Le devoir du gouvernement est de garantir les droits du peuple et d'assurer son bien-être

Il faut bien examiner la méthode des institutions créées par l'État-nation moribond du dix-neuvième siècle. Il avait comme fonction de protéger les propriétaires mâles de race blanche qui s'étaient emparés des terres, des ressources et des marchés des autres. Ils ont imposé une théorie de la gouvernance selon laquelle les partis politiques sont des organisations primaires dont le rôle est d'organiser le vote. Ensuite, par l'élection de députés, la volonté politique claire et cohérente du peuple s'exprime sous la forme d'un gouvernement de parti. Le parti élu reçoit le mandat de traduire la volonté politique en volonté légale. La théorie politique qui informe le système est la même, que le système de démocratie représentative soit le système parlementaire, le système présidentiel ou un mélange des deux.

Les partis politiques avaient et ont pour rôle d'être les gardiens du pouvoir des propriétaires. Leur mission était d'écarter le peuple du pouvoir pendant que les détenteurs de la propriété choisissaient le parti représentant le mieux leurs intérêts. Le peuple ne devait avoir aucun rôle dans les prises de décisions établissant l'orientation de la société, dont dépendent son existence et son bien-être. Aujourd'hui, la plupart de ces partis politiques ont dégénéré en cartels. Les militants à la base sont écartés du pouvoir par une mafia qui contrôle toutes les affaires du parti. Un peu comme l'ensemble du corps politique, les militants à la base ont été réduits à un bassin de votes servant à donner sur commander un vernis de légitimité à la mafia dominante.

La conception du peuple d'un parti politique et d'une démocratie qui permettent l'émergence d'une vision de la société militant en sa faveur, est totalement contraire à ce système. La vision du peuple d'un dirigeant et d'un gouvernement dont le devoir est de garantir les droits du peuple et d'assurer son bien être est une abomination pour ce système. Lorsque la conception du peuple de la démocratie parvient à se manifester dans une élection, les impérialistes n'en acceptent pas le verdict.

Ils consacrent des milliards de dollars à ce qu'ils appellent l'établissement de la démocratie pour imposer leur conception et porter au pouvoir, dans les pays opprimés, ceux qui construiront l'État-nation sur le vieux le modèle colonial européen au service d'intérêts étrangers. C'est pourquoi quiconque s'oppose à la domination étrangère ou défend le bien-être du peuple est qualifié de terroriste et que des pays sont qualifiés d'«État voyou» et de «dictatures» faisant partie d'un «axe du mal». C'est aussi la raison pour laquelle les impérialistes et leurs médias attisent la violence sectaire entre les partis politiques, au sein des partis et entre les différentes communautés, et que leurs services secrets commettent des actes terroristes et en accusent le peuple. Dans un état de guerre civile, toute cohérence est perdue à moins que le peuple bâtisse un rempart contre elle.

L'incitation aux affrontements entre les sectes religieuses, entre les nationalités, entre les communautés et entre les partis politiques est le fait d'un État réactionnaire, qu'il soit national, étranger ou les deux. Les explications intéressées qui blâment le peuple pour la violence sectaire cachent les intérêts et les objectifs que cette violence sert.

L'histoire, la mémoire et la vision d'avenir du peuple

Dans l'histoire des peuples, les différentes communautés s'assemblent depuis les temps immémoriaux. Elles forment des nations, se dotent d'institutions publiques et elles forment des États. Elles ont également un intérêt à continuer de le faire de plus en plus largement à l'avenir, jusqu'à ce qu'il soit possible de concevoir que l'humanité elle-même abatte les frontières et s'établisse sur une base entièrement nouvelle, déterminée par la nécessité d'affirmer les droits humains dans ces conditions.

En l'absence d'un avenir sur la vieille base, les sociétés meurent et les sociétés mourantes dégénèrent et s'enlisent dans la corruption, le crime et la violence. Par contraste, les sociétés qui cherchent à se bâtir un avenir créent les moyens, les forces et le matériel de pensée nécessaires pour apporter des solutions aux problèmes auxquels elles sont confrontées. C'est pour empêcher le peuple de trouver des solutions aux problèmes auxquels ils sont confrontés que les impérialistes anglo-américains imposent par la violence leur modèle dépassé de l'État-nation européen. Ce sont eux, et non les peuples, qui sont à l'origine de la violence sectaire. La désinformation, par les médias ou les agences d'État, est précisément cela: l'oeuvre d'agences secrètes de l'État qui s'acharnent à saper la cohérence du peuple, sa capacité de penser et sa capacité d'agir dans son intérêt. Le terrorisme d'État recourt aux services secrets de l'État pour attaquer des cibles civiles et ensuite blâmer le peuple. Une propagande est faite pour semer le doute sur les motifs de certaines personnes ou sur la vérité des événements. Cette méthode sert à saper la capacité du peuple de s'orienter et de penser rationnellement.

Ainsi, la seule chose qui nous sépare de la destruction, de la corruption, du crime et de la violence qui sont en train de remplacer toutes les normes de conduite humaine civilisée, c'est notre capacité de nous orienter en donnant de la valeur à ce qui sert nos intérêts et à ce qui s'oppose à ceux de nos détracteurs. Nous devons bâtir notre unité là-dessus. C'est ce que nous voulons dire par bâtir nos projets d'édification nationale. Nous seuls pouvons nous donner une vision qui fasse avancer nos sociétés.

Combattre la désinformation

Comme le mot le dit, le but de la désinformation est de renverser la mise en forme: de détruire les formes sociales, politiques, culturelles, religieuses et autres formes que les peuples se sont données. Cela comprend les sociétés organisées et les cultures auxquelles les peuples ont donné naissance et qui leur permettent de s'épanouir en tant que peuples. Ces formes dans lesquelles s'expriment nos vies et nos cultures sont le mur qui nous sépare du rêve de domination mondiale des impérialistes. Ces derniers doivent s'attaquer aux formes pour réaliser leurs desseins et nous devons les défendre. Mais au lieu de vouloir rétablir les formes passées que les impérialistes ont détruites par les attaques de l'État, en défendant notre être nous donnons naissance à de nouvelles formes, de meilleures formes. C'est seulement ainsi que nous pouvons nous épanouir.

Il ne s'agit pas de s'excuser pour les formes historiques et le matériel de pensée qui les sous-tend, mais de les défendre, comme le fait la résistance musulmane. C'est également le rôle des médias: de in-former, de donner une forme cohérence et utile au nouveau contenu.

Nous devons étudier l'objectif et les méthodes de l'information et de la désinformation et en discuter, non pas pour se plaindre, comme si nous pensions que des remèdes vont venir des dieux de la peste, non pas pour se lamenter d'avoir perdu ce qui est passé, mais pour renforcer notre résistance à la destruction, jusqu'à ce que nous puissions renverser la situation et passer à l'offensive. Au lieu de devoir établir à tous les jours ce que nous ne sommes pas, nous pourrons alors proclamer fièrement ce que nous sommes.

Les infidèles sont ceux qui n'ont pas de fidélité à leur mode de vie

Permettez-moi de m'arrêter sur un des nombreux mensonges utilisés pour désinformer notre lutte de résistance. Selon les médias impérialistes, les musulmans considèrent tous les non-musulmans comme des infidèles et leur ennemi. Je crois que c'est carrément un mensonge. C'est un mensonge parce que cette interprétation est contraire à la fière tradition de tolérance établie par l'Islam au fil des siècles. Il a non seulement permis aux peuples conquis de poursuivre leurs religions et leurs cultures, mais il les a encouragés à le faire. Il en est demeuré ainsi jusqu'à ce que ses projets d'édification nationale s'égarent en l'absence de visions renouvelées.

Mais plus important que ces vérités historiques, il faut voir que ce mensonge est conçu pour subvertir le riche matériel de pensée qui est à l'origine du projet d'édification nationale mahométan.

À l'époque, alors que la guerre tribale faisait place au besoin d'édification nationale, la corruption des quelques-uns fit obstacle à l'unification en tant que peuple. L'histoire appelait à la création d'une autorité correspondant aux conditions et aux besoins du peuple dans les conditions d'alors. Des individus corrompus y firent obstacle. Ils se servirent de leur position pour contrer l'unification en tant que peuple. C'est alors que l'Islam définit les infidèles comme étant ceux qui n'avaient pas de fidélité à leur propre mode de vie, qu'il soit islamique ou autre. Ceux-ci n'avaient aucune conscience de leurs responsabilités sociales et donc aucune conscience ou conviction. Ils étaient des lâches, des personnes sans fidélité à aucun principe.

La philosophie à l'époque servait à expliquer les rapports entres les individus et le rapport entre les êtres humains et la nature. Elle devrait le faire aujourd'hui également. Ce n'était pas une philosophie de maraudeurs selon laquelle la vérité est ce qui marche et la fin justifie les moyens.

Les peuples ayant d'autres cultures, systèmes politiques et religions qui adhéraient fièrement à leurs croyances et à leur mode de vie, et qui respectaient le droit des autres d'en faire autant, ne sont pas considérés comme des infidèles. Aujourd'hui les impérialistes sont les maraudeurs infidèles. Et comme toujours, quand les vrais infidèles ne parviennent pas à réaliser leurs objectifs avec une méthode donnée, ils s'adaptent pour survivre. C'est que pour eux, il n'y a pas de principe, il n'y a pas de culture, il n'y a que la croyance enragée que la fin justifie les moyens.

Ainsi, aujourd'hui ces infidèles s'adaptent. Ils ne parviennent pas à rallier les peuples à leur «guerre à la terreur» en démonisant ceux qui refusent de se soumettre à leur diktat. Maintenant ils prétendent respecter toutes les religions et toutes les cultures, tout en déclarant que l'«intégrisme islamique», ou ce qu'ils appellent l'«islamofascisme», et le communisme sont des idéologies de haine et que ceux qui épousent ces idéologies de haine doivent être bannis par la loi. De cette façon les impérialistes utilisent leur pouvoir et institutions d'État pour criminaliser la conscience.

Les constructions mentales qu'ils appellent «intégrisme islamique» et «islamofascisme» servent à créer le précédent qui permette de bannir par la loi toute résistance musulmane aux tentatives de l'impérialisme anglo-américain de s'emparer de pays d'Asie et d'Afrique et de supprimer également la résistance de tous ceux qui vivent dans le ventre de la bête impérialiste. Aujourd'hui, toute croyance qui fait obstacle à la cause impérialiste est attaquée sous prétexte que c'est une idéologie de haine. Aujourd'hui l'impérialisme anglo-américain veut criminaliser tous ceux qui refusent d'accepter ses valeurs, son mode de vie et son diktat. Ceux-ci sont qualifiés d'intégristes, d'extrémistes et de terroristes.

Unissons-nous à la défense des droits de tous

À mon avis, dire sa pensée est un défi de plus en plus grand dans la période qui vient. Mais c'est une bataille que les impérialistes ne peuvent pas gagner. La survie est une activité propre à l'existence animale, pas à l'existence humaine. Doté comme il l'est de la connaissance, de la capacité de concevoir le manque par abstraction, de réfléchir et de planifier, l'activité propre à l'être humain n'est pas de survivre par l'adaptation. C'est de vivre, de grandir, de s'épanouir. Si l'un adhère à des croyances fondamentalistes ou à des croyances libérales, c'est une affaire de conscience. La politisation et la judiciarisation de la croyance sont inadmissibles. Seules les choses que le public accepte de rendre publiques et de soumettre à la délibération et au sujet desquelles il se forme une conviction de ce qui est bien pour la société dans son ensemble, peuvent faire l'objet de récompense et de châtiment. Et c'est nous le peuple qui sommes le public. Ce sont nos délibérations qui comptent. Les médias ont un important rôle à jouer à informer, à mener la délibération et à former la conviction. Un point de départ serait d'accepter le monde tel qu'il est, pas tel que nous souhaitions qu'il soit. Nous acceptons les conditions telles qu'elles sont pour les transformer. Nous ne sommes pas nécessairement d'accord avec ces conditions, mais nous nous basons sur ce qui est. Nous ne pouvons nous permettre de nous laisser envahir par l'idéal du monde que nous voulons uniquement parce que nous ne sommes pas d'accord avec ce qu'il est. Nous devons choyer notre expérience directe, tirer les conclusions qui s'imposent et nous doter de guides à l'action qui nous unissent dans notre cause commune. Nous devons nous unir en défendant les droits de tous.

Ce sont quelques-unes des conclusions que moi et l'équipe rédactionnelle et technique du Marxiste-Léniniste et des journalistes qui écrivent pour Le Marxiste-Léniniste parmi les travailleurs et parmi les personnes qui luttent, tirons. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour chercher la vérité dans les faits en gardant à l'esprit l'appel de l'histoire. La notion impérialiste de la fin de l'histoire sert à nier la mémoire, c'est-à-dire nier l'intelligence pour que les peuples ne puissent s'unir sur la base d'un effort commun pour apporter aux problèmes réels des solutions viables qui servent l'humanité. Nous sommes résolus à aller de l'avant durant l'année qui vient pour qu'ensemble nous puissions faire le pas audacieux nécessaire à la défense des droits de tous.

(Traduit de l'anglais par Le Marxiste-Léniniste)

(Shunpiking Magazine)

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