lundi, novembre 13, 2006

Actualité - Otto Reich : Funérailles pour un menteur

Si mentir était une maladie mortelle, Otto Reich se trouverait depuis longtemps en phase terminale : sa dernière prouesse dans le domaine de la tromperie, abstraction faite de son caractère grotesque, montre bien comment un individu au passé de délinquant confirmé peut continuer à faire les manchettes et à manipuler le public étasunien, avec la complicité d’organes de presse.

Le 26 octobre dernier, Reich a publié sur Internet un article qui s’est maintenant converti, sans aucun doute, en impair le plus spectaculaire de sa carrière peu connue de professionnel de la désinformation.

Ce jour-là, l’ex diplomate numéro un de l’Administration Bush pour l’hémisphère occidental, avec la plus grande sérénité, que si Fidel n’était pas déjà mort, il le serait en une question d’heures, et qu’il détenait la «confirmation de sa maladie terminale» obtenue de «sources usuelles mais de façon non conventionnelle».

Il ajoutait, sur le ton de celui qui sait tout et encore davantage, que le «gouvernement de Cuba a convoqué à La Havane des représentants des principaux médias internationaux pour négocier les meilleurs sièges, angles de caméras et entrevues» et pour «les informer des règles fixées pour la couverture des funérailles».

Ce qui suit est proprement délirant: Reich confie à ses lecteurs que le modèle de ces funérailles sorties de son imagination — aussi malade que cynique — est celui des funérailles du pape Jean Paul II.

L’ex conseiller de Bush fils pour l’Amérique latine poursuit avec une description échevelée d’un événement qui n’a jamais eu lieu.

Cette œuvre mémorable —qui sûrement aura contribué à la campagne permanente de désinformation menée selon le Plan Bush— est accompagnée d’une note complaisante où on mentionne que Otto J. Reich a collaboré avec George W. Bush entre 2001 et 2004, d’abord comme Secrétaire d’État adjoint, puis au Conseil de sécurité national.

Associé à Luis Posada et Félix Rodriguez

Sa biographie officielle que diffusaient les ambassades nord-américaines en Amérique latine, alors qu’il était fonctionnaire de la Maison blanche, omettait ses exploits les plus remarquables : comment il a aidé Félix Rodriguez Mendigutía, l’agent qui a ordonné l’assassinat du Che au nom de la CIA, et Luis Posada Carriles, le terroriste le plus dangereux du continent, à couvrir le gigantesque trafic de drogue contre armes qui alimentait la Contra nicaraguayenne.

Reich, en tant qu’ambassadeur nord-américain à Caracas, a machiné l’entrée de Orlando Bosch Avila, complice de Posada, sur le territoire des États-Unis.

Né accidentellement à Cuba, en 1945, d’un père autrichien, Reich s’est joint à la CIA alors qu’il fréquentait l’Université de la Caroline du nord, grâce à Frank Calzon qui orientera ses pas vers la Maison blanche.

Après avoir passé deux ans dans les rangs de l’armée, à Panama, (1967-69), Reich s’installe à Miami en 1972 où prospère la station JM/WAVE de la CIA qui multiplie les opérations terroristes contre Cuba. On y trouve Porter Goss que George Bush fils utilisera comme chef de l’Agence, et un nombre important d’autres terroristes qui réapparaîtront plus tard dans une succession d’actes criminels, depuis le Watergate jusqu’à l’Opération Condor.

Éminent frabiquant de fausses nouvelles

Reich est apparu à la vue du public nord-américain quand George Bush père, ex chef de la CIA, est devenu vice-président dans l’Administration Reagan. Il est alors nommé directeur du Départment Amérique latine de l’Agence nord-américaine pour le développement international (USAID) où John Bolton est conseiller général.

Il devient ensuite chef de ce qu’on appelait le Bureau de la diplomatie publique, une invention de la CIA pour effectuer officiellement, sous la couverture du Département d’État, des tâches de couverture et de désinformation. Il se trouve sous les ordres du colonel Oliver North.

Des années plus tard, un rapport du General Accountant Office révèlera la nature des opérations de désinformation menées par Reich dans la guerre sale menée au Nicaragua. Le public nord-américain découvre alors comment, en utilisant l’argent de ses impôts, il avait fabriqué toute une série de mensonges grossiers dans le but de désinformer tant les citoyens que les politiciens.

Il publiait des nouvelles qui prétendaient faire croire que les sandinistes nicaraguayens persécutaient les amérindiens Misquitos et qu’il avaient acheté plusieurs chasseurs Mig-29 à l’Union soviétique pour préparer des attaques aériennes contre le territoire nord-américain.

Il allait jusqu’à ordonner la rédaction de fausses déclarations qu’il faisait signer des noms de cabecillas mercenaires de la Contra.

Reich a publié des annonces qui sollicitaient des dons en faveur de la Contra afin de justifier l’apparition de l’argent du trafique de drogue, réuni par ses complices de Ilopango, dans les comptes de mercenaires antisandinistes, dans des banques de Gran Caiman et de Suisse.

À Caracas, il sort Bosh de sa prison

Quand l’opération explose au grand jour, Reich est soudainement nommé ambassadeur des États-Unis à Caracas, au Venezuela. Il y accomplit la mission de résoudre le cas de Orlando Bosch qui était détenu pour l’attentat désastreux contre le vol de Cubana. Il a alors obtenu pour lui un verdict complaisant d’une cour militaire.

Bosch porte alors l’étiquette de dangereux terroriste: il a reconnu publiquement — dans une entrevue publiée par le revue New Times — être responsable de plus de cinquante attentats réalisés par la CORU.

Bosch est arrivé aux États-Unis le 17 mai 1998 avec un visa accordé illégalement par Reich, malgré des directives contraires de fonctionnaires du Département d’État, et il a été immédiatement détenu pour avoir manqué à une libération conditionnelle concédée des années auparavant.

En juillet 1990, après une campagne déclenchée par Reich, la candidate au Congrès Ileana Ros-Lehtinen, son directeur de campagne, Jeb Bush, et ses partenaires de la Miami mafieuse, George Bush autorise sans grand risque la libération du pédiatre assassin.

En 1991 et 1992, Reich — il n’y a pas de limite à l’effronterie — représente les États-Unis à la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, à Genève.

En 1996, il fonde RMA international et reçoit 600 000 dollars de la corporation Bacardi pour protéger ses intérêts et pour faciliter l’adoption de la loi assassine Helms-Burton, signée par Bill Clinton le 12 mars 1996, au milieu de la période spéciale dans l’île.

En janvier 2002, Otto Juan Reich était choisi comme secrétaire adjoint au Département d’État malgré la volonté du Congrès qui s’est refusé à donner son consentement à une nomination aussi scandaleuse.

On sait aujourd’hui comment, cette même année, il a encouragé des conspirateurs à réaliser le coup d’État raté contre le président vénézuélien Hugo Chavez et a orienté la campagne de désinformation.

En 2003, forcé d’abandonner son poste, il devient «envoyé spécial pour les initiatives de l’hémisphère occidentale», un poste qui lui permet d’autres «initiatives» comme la préparation du putsch contre le président haïtien Aristide et la création de la Commission d’assistance à une Cuba libre qui donnera lieu au Plan Bush et ses annexes secrètes d’agression.

Reich a démissionné le 4 mai 2004 pour réaliser, à son compte, des opérations de lobbying, en plus de se consacrer, avec la complicité d’une certaine presse qui feint d’ignorer son passé et l’utilise comme référence, à sa spécialité : le mensonge.

Sa dernière primeur pourrait cependant marquer la fin de ce qui lui restait comme valeur marchande. Et sa mort politique puisqu’il y a une limite au délire, même avec des lettres de course du clan Bush à la main.

(Granma International - Jean-Guy Allard)

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