mercredi, avril 26, 2006

Actualité - Guatemala : Entre l'épée et l'impuissance

Franc-Parler publie un article de Granma Interntaional à propos des conséquences néfastes de la signature d'une partie de l'Amérique latine d'un traité de libre-échange avec les États-Unis. S'attardant à la situation du Guatemala, il met en lumière l'ingérence américaine pour modifier la législation du pays afin de favoriser la pénétration et l'hégémonie américaine dans la région.

Comme à l’époque la plus grossière de l’ingérence dans les anciennes républiques bananières, le proconsul nord-américain au Guatemala, James Derham s’est faufilé le 18 avril dernier dans le Congrès pour faire pression sur les législateurs afin qu’ils adoptent enfin la loi complémentaire exigé par les Etats-Unis pour que le pays centroaméricain intègre définitivement le Traité de libre-échange.

Les Etats-Unis, l’Amérique centrale et la République Dominicaine ont signé en 2005 le Traité de libre-échange dont l’entrée en vigueur devait débuter le 1er janvier de cette année, mais qui a été retardé à cause de l’absence d’adoption d’une nouvelle législation dont puisse se prévaloir cette nouvelle forme de domination qu’impliquent de tels accords.

Jusqu’à aujourd’hui seuls le Salvador, le Honduras et le Nicaragua ont dit oui et ont changé leurs législations nationales. Au Costa Rica, le Congrès n’a pas encore ratifié le Traité de libre-échange au Guatemala, le législatif se débat entre la manie de se faire attendre et de ne pas apparaître aussi servile devant le maître et, avant de mettre une croix sur l’héritage, la tentative d’arracher quelques petites modifications pour ne pas affecter autant le secteur social.

Il n’a pourtant fallu que quelques minutes pour que le président du législatif, Jorge Méndez Herbruger s’adresse aussitôt à ses pairs en suppliant : « Nous sommes conscients que les voix ne sont pas suffisantes, mais je demande aux chefs des blocs de prendre conscience de l’importance de la loi (celle que les Etats-Unis les obligent à adopter) pour que rentre en vigueur le Traité de libre-échange le 1e mai prochain».

Pour y parvenir, le parlement doit se mettre d’accord pour modifier quelque 15 lois, comme l’exige Washington. Parmi celles-ci figurent le code pénal en vigueur, la loi sur le commerce, celle sur les contrats, celle concernant l’impôt sur le revenu, celles qui traitent des timbres fiscaux, des produits financiers, des banques ainsi que des télécommunications, de la propriété industrielle, des droits d’auteur et de la protection de l’environnement.

Des modifications qui se feront au détriment de la souveraineté du pays et de l’amoindrissement des quelques droits du travail et sociaux dont dispose encore le peuple guatémaltèque.

Tandis que le président de la République, Oscar Berger, déclarait quelques jours avant la présence de Derham dans le Capitole: «Nous veulent nous mener à des situations que nous ne pouvons pas accepter. Nous avons une législation nationale que nous devons respecter, qui nous ne pouvons pas changer du jour au lendemain à cause d’un accord commercial, c’est en plus une situation que connaissaient les Etats-Unis».

Il faut se demander si le président Oscar Berger ignorait que la signature du Traité de libre-échange avec Washington allait entraîner l’abandon de la souveraineté du pays. Il fallait qu’il soit vraiment naïf pour ne s’être même pas posé la question de savoir ce qu’il adviendrait du Guatemala après la signature de l’accord.

Le retard dans l’adoption de la loi complémentaire exigée par l’empire est dû, entre autres, à la recherche d’un consensus pour donner le feu vert à des mesures compensatoires de caractère social pour ne pas toucher, à l’entrée en vigueur du Traité de libre-échange, les secteurs les plus vulnérables de la population. Nous parlons de 70% des 12 millions de guatémaltèques qui vivent dans la pauvreté.

Au milieu de cette grossière ingérence, le gouvernement se débat impuissant face à la décision résolue des paysans, des indigènes, des travailleurs et des représentants d’organisations des droits de l’homme qui exigent tout un éventail de revendications pour lesquelles ils ont appelé à un soulèvement national pacifique comprenant la fermeture et le blocage des routes.

Les justes revendications, jamais satisfaites, concernent la recherche d’une solution pour plus de 1 000 conflits agraires, l’arrêt des expulsions, la remise de la dette à presque 300 familles paysannes, l’adoption de la Loi de développement rural, la fin des concessions minières à des entreprises étrangères, l’augmentation des salaires dans divers secteurs et la suspension d’une prétendue réforme éducative qui pourrait conduire à la privatisation de ce secteur.

Les manifestations ont été convoquées par de puissantes organisations comme l’Unité d’Action syndicale et populaire (UASP) qui est composée de 276 syndicats et d’associations populaires ; la Coordination nationale indigène et paysanne, l’Assemblée nationale du corps enseignant ainsi que des travailleurs du secteur informel de l’économie dont la précarité est préoccupante.

Il faut aussi noter que le rejet du Traité libre-échange était aussi au centre des protestations.

28 manifestants ont été arrêtés et quatre paysans ont été blessés, à la suite de l’action combinée de l’armée et de la police qui ont lancé des bombes lacrymogènes contre les manifestants.

La situation actuelle pourrait mener le pays à l’ingouvernabilité, c’est pourquoi le vice-président de la nation, Eduardo Stein, au nom du gouvernement a dialogué durant neuf heures avec des représentants des organisateurs des manifestations et ils sont parvenus à un accord qui selon Juan Tiney, dirigeant de la Coordination nationale indigène et paysanne, a été «satisfaisante, où le plus important est la formation d’une table de dialogue, à la capacité de décision, où sont représentés les trois pouvoirs de l’Etat: l’exécutif, le législatif et le judiciaire».

Parmi les revendications les plus urgentes se trouve l’accord sur l’Identité et les Droits indigènes, qui pose le problème de l’accès à la terre, à la santé et à l’éducation, ainsi que le thème des conflits agraires et la réactivation des petits producteurs.

Le vice-président a assuré que tous ceux qui ont été arrêtés durant les manifestations seront libérés.

Il s’est agi sans aucun doute d’une journée de combat et de victoire où le gouvernement a été obligé de répondre aux exigences d’un mouvement populaire qui a démontré qu’il n’est pas disposé de nouveau à se laisser trahir.

(Granma International)

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