Actualité - Cinq ans depuis le 11 septembre : un bilan politique - Première partie
Lundi a marqué le cinquième anniversaire des événements du 11 septembre 2001. Ce matin-là, plus de 2 500 civils innocents ont perdu la vie à cause d’actes terroristes coordonnés. Il est difficile de penser à un événement de l’histoire récente qui a eu un effet aussi viscéral sur la conscience collective. Le symbole « neuf-tiret-un-un » n’a à être traduit nulle part dans le monde. Il n’évoque pas seulement, universellement, l’image mentale d’une épaisse fumée s’élevant au-dessus des tours jumelles, mais crée aussi le sentiment que la politique mondiale, comme conséquence de ce qui s’est produit à cette date, a radicalement changé de cap, s’engageant dans de nouvelles et dangereuses voies.
Toutefois, la véritable signification du 11 septembre n’est pas aussi claire que l’administration Bush, l’establishment politique et la plupart des médias voudraient le faire croire à tous. Il ne fait aucun doute que le 11 septembre 2001 a marqué un certain point tournant majeur dans la politique américaine et mondiale. Mais il est nécessaire de faire la distinction entre l’impact visuel et émotionnel des événements de cette journée, amplifiés par une propagande sans relâche orchestrée par l’Etat, et le rôle objectif des attaques terroristes pour motiver les actions subséquentes du gouvernement des Etats-Unis.
La question est la suivante : les actions réalisées par l’administration Bush après le 11 septembre ont-elles été principalement déterminées par les événements de cette journée ? Ou les attaques terroristes ont-elles fourni un prétexte pour l’implémentation de politiques élaborées bien avant mais pour lesquelles, sans le 11 septembre, il n’y aurait eu aucun appui populaire substantiel ?
Les invasions de l’Afghanistan et de l’Irak, l’assaut sur les droits démocratiques, la violation du droit international, et le niveau de violence sans cesse grandissant que l’administration Bush (imitée très visiblement par les gouvernements de la Grande-Bretagne, de l’Australie et du Canada) intègre à sa « guerre au terrorisme » sans fin trouvent leur légitimité dans l’assertion qui n’admet aucun argument : « le 11 septembre a tout changé. »
Et malgré tout, le 11 septembre 2001, une date fatidique dans l’histoire mondiale, demeure entourée de mystère. Rien ne ressemblant, et même de loin, à une enquête sérieuse, professionnelle et crédible des événements du 11 septembre n’a été mené par quelque section ou agence du gouvernement que ce soit. La soi-disant commission du 11 septembre n’était qu’un exercice cynique, fallacieux et politiquement opportun pour étouffer l’affaire, organisé dans le but plus ou moins explicite d’empêcher une véritable enquête criminelle et la découverte d’éléments qui auraient 1) relié les terroristes du 11 septembre aux agences du renseignement américaines, et 2) exposé la complicité criminelle de certaines personnes de l’appareil d’Etat qui auraient facilité et encouragé le succès de la conspiration du 11 septembre.
Le caractère frauduleux de la commission du 11 septembre était assuré par la sélection de son personnel dirigeant, en commençant par son président, Thomas Kean. Il a apporté à cette enquête toute l’intégrité et la soif de vérité qu’on serait en droit de s’attendre d’un ancien gouverneur du New Jersey et membre du conseil d’administration de Amerada Hess, une compagnie pétrolière internationale. Et d’ailleurs, les affaires secrètes qu’il a menées avec la Delta Oil Company saoudienne, dont on croit que les propriétaires auraient fourni des millions de dollars de financement à al-Qaïda et Oussama Ben Laden, pourraient bien faire partie des qualifications spéciales de Kean qui lui ont permis d’être coprésident de la commission du 11 septembre.
Il faut se rappeler que Kean n’avait obtenu le poste qu’après que le premier choix de Bush pour la présidence de la commission, Henry Kissinger, ait été obligé de se retirer, car la puanteur entourant sa personne était même trop grande pour les narines pas très sensibles des médias de Washington.
Etant donné que 2 500 personnes ont perdu la vie dans les attaques du 11 septembre, l’échec du Congrès, le représentant putatif du peuple, à avoir mené une enquête officielle, avec des témoins appelés à témoigner sous serment, constitue une accusation accablante de cette institution. De plus, le fait que pas un seul individu n’ait été tenu responsable, d’aucune façon, pour au moins un énorme échec des agences gouvernementales de sécurité, du renseignement et de police ne peut s’expliquer de façon innocente.
La seule véritable enquête des événements du 11 septembre a été menée tout à fait indépendamment du gouvernement et en opposition à ses résultats — et dont fait partie une analyse importante écrite par Patrick Martin du World Socialist Web Site qui a été citée dans de nombreux livres qui ont exposé les falsifications et les absurdités de la version officielle des événements.
Pour ne citer que quelques faits montrant que la commission du 11 septembre tentait d’étouffer l’affaire :
* Les gouvernements d’Allemagne, d’Egypte, de Russie et d’Israël avaient averti les Etats-Unis de façon précise qu’une attaque par détournements d’avions était imminente.
* Le 6 août 2001, cinq semaines avant les attaques, le président Bush avait reçu des instructions de la CIA l’avertissant qu’al-Qaïda se préparait peut-être à détourner des avions. Les instructions faisaient référence à l’existence de cellules d’al-Qaïda en Californie et à New York.
* L’arrestation de Zacarias Moussaoui en août 2001 a mis à la disposition du gouvernement des informations qui ne laissaient aucun doute sur le fait qu’une opération terroriste impliquant les détournements d’avions et leur usage comme bombes était en préparation. La Pan Am International Flight Academy du Minnesota avait informé le FBI de ses inquiétudes que Moussaoui planifiait peut-être détourner un avion.
* Mohamed Atta, identifié comme étant le dirigeant de la conspiration, était sur la liste des terroristes sous surveillance depuis 1986, à la suite de son implication dans une explosion en Israël. La police allemande l’avait sous écoute durant l’année 1999, et le FBI suivait ses mouvements en 2000. En janvier 2001, Atta a été autorisé à entrer aux Etats-Unis même si son statut d’étudiant en pilotage — ce dont il avait informé les autorités de l’immigration — était en violation flagrante avec les termes de son visa de touriste. L’extraordinaire facilité avec laquelle Atta faisait son travail est très bien résumée par l’écrivain Nafeez
Mosaddeq Ahmed dans son livre, La guerre contre la vérité :
« En résumé, malgré qu’il ait été bien connu des autorités, Mohamed Atta semblait vivre une vie plutôt charmante. Bien qu’étant sur la liste des terroristes à surveiller du département d’Etat depuis 1986, il a été autorisé à plusieurs reprises à entrer, sortir et revenir aux Etats-Unis librement. Il a été sous surveillance des agents américains entre janvier et mai 2000 en raison de l’achat douteux d’une grande quantité de produits chimiques qui aurait pu être utilisé à la fabrication de bombes. En janvier 2001, il été détenu durant 57 minutes par les agents d’immigrations à l’aéroport de Miami en raison de l’expiration d’un visa et de son défaut à produire un visa en règle afin d’entrer aux Etats-Unis pour se rendre dans une école de pilotage de la Floride. Mais ça ne l’a pas arrêté. Malgré les préoccupations de longue date du FBI que des terroristes pourraient suivre des cours de pilotage aux Etats-Unis, Atta a été autorisé à s’inscrire dans une école de pilotage de la Floride. En avril 2001, il était arrêté par la police pour conduite en état d’ébriété. Il ne s’est pas présenté à son procès et un mandat d’arrestation a été émis. Mais cela ne l’a pas plus arrêté, parce que le mandat n’a jamais été exécuté — bien qu’il ait été arrêté pour conduite en état d’ébriété à deux autres occasions par la suite. Tout au long de cette période, Atta n’a jamais tenté d’opérer sous un alias aux Etats-Unis, voyageant, vivant et étudiant à l’école de pilotage sous son vrai nom. Plus étrange encore, Atta était en contact courriel régulier avec d’anciens et d’actuels employés de contractants majeurs pour l’armée des Etats-Unis, tel que révélé par la liste des échanges réguliers des courriels qu’il entretenait avec une quarantaine d’individus, découverte par le FBI en septembre 2001….
« Il est difficile de considérer cette séquence d’événements comme étant bénigne. En bref, cela semble être une conclusion inévitable — sinon inexplicable — que le gouvernement des Etats-Unis ait sciemment et de façon répétée accordé à un terroriste confirmé le droit de librement entrer aux Etats-Unis et de suivre des cours de pilotage » [traduit de l’anglais, Oliver Branch Press, Northampton, Mass. 2005, pp. 205-06].
* En plus de l’extraordinaire que le traitement VIP accordé par le gouvernement des Etats-Unis à Atta, il y a l’hospitalité offerte à d’autres pirates de l’air du 9/11. Nawaf Alhazmi et Khalid Almidhar, connus de la CIA pour avoir participé à soi-disant « rencontre au sommet » d’al-Qaïda en janvier 2000. Leurs déplacements étaient suivis par la CIA depuis plus d’un an, mais aucun des deux n’a eu de problèmes à entrer aux Etats-Unis. Almidhar est entré aux Etats-Unis avec un visa à multiples passages renouvelé en juin 2001, malgré qu’il ait été lié à l’explosion du USS Cole en octobre 2000.
* Un autre futur participant au détournement du 9/11, Ziad Samir Jarrah, a été détenu durant plusieurs heures pour être interrogé sur instruction explicite du gouvernement américain lorsqu’il est arrivé à l’aéroport international de Dubaï le 30 janvier 2001. L’on doit présumer que cela ne serait pas arrivé si les Etats-Unis n’avaient pas de sérieuses préoccupations quant aux activités de cet individu. Malgré cet incident, M. Jarrah a pu entrer aux Etats-Unis huit mois plus tard et s’inscrire dans une école de pilotage.
Sur la base des faits déjà établis, il ne fait aucun doute que Mohamed Atta et les autres pirates de l’air, ce sont préparés pour le 9/11 sous un parapluie protecteur fournit par des éléments influents au sein de la CIA et d’autres agences de renseignement du gouvernement américain. Leurs déplacements continuels aux Etats-Unis et leurs passages à la frontière dans les deux sens n’auraient pas été possibles s’ils n’avaient pas joui de la protection de puissants individus au sein de l’appareil d’Etat. L’information recueillie sur leur comportement maladroit et même téméraire alors qu’ils vivaient aux Etats-Unis, sur leur insouciance à attirer souvent l’attention de la police, peut difficilement suggérer qu’Atta et ses collègues étaient des maîtres conspirateurs. Il n’y a rien qu’ils n’aient fait, sauf porter un panneau affichant leurs intentions terroristes. Mais il est évident que des « anges » de haut niveau gardaient un œil bienveillant sur eux…
Mais pour quelle raison ? Cela ne prend pas une imagination particulière de conspirateurs pour conclure que ceux qui dirigeaient la surveillance d’Atta et des ses associés savaient qu’ils planifiaient une action terroriste quelconque et, de plus, croyaient que l’exécution d’un tel acte pourrait servir un objectif politique. Quels étaient alors ces objectifs ?
La stratégie mondiale de l’impérialisme américain
La réponse à cette question demande que les événements du 11 septembre soient placés dans un contexte historique plus large. La véritable origine de la politique des Etats-Unis depuis cinq ans ne se trouve pas dans les événements du 11 septembre 2001, mais plutôt dans un événement qui s’est produit presque exactement une décennie plus tôt, c’est-à-dire la dissolution officielle de l’Union soviétique en décembre 1991.
L’effondrement de l’Union soviétique a été interprété par de larges sections de l’élite dirigeante américaine comme une occasion sans précédent d’établir l’hégémonie géostratégique mondiale sans partage des Etats-Unis. En fait, l’élite dirigeante américaine a cru que la supériorité écrasante dont jouissaient les Etats-Unis en terme de puissance militaire brute pouvait être utilisée pour contrecarrer le déclin à long terme de la position économique du pays dans le monde.
Parmi les conséquences les plus significatives de l’effondrement de l’Union soviétique, on trouve le changement radical dans la balance concrète du pouvoir sur l’immense territoire que constitue l’Eurasie. La transformation des républiques de l’Asie centrale de l’ancienne URSS en Etats indépendants a créé un immense vide de pouvoir que les Etats-Unis se sont pressés d’exploiter. De plus, ce vide a facilité la projection agressive de la puissance américaine au Moyen-Orient.
La bourgeoisie américaine n’a pas pu ne pas remarquer que la plus grande partie des réserves stratégiques de pétrole et de gaz naturel dans le monde se trouvait dans ces régions géographiquement contiguës. Une nouvelle stratégie commença à émerger vers le milieu des 1990. Dans un article influent publié dans le Foreign Affairs de septembre-octobre 1997, Zbigniew Brzezinski, l’ancien conseiller à la sécurité nationale dans l’administration Carter, a décrit quelle importance cruciale l’Eurasie avait dans la détermination de la position mondiale des Etats-Unis :
« L’Eurasie est le supercontinent pivot du monde. Une puissance qui dominerait l’Eurasie exercerait une influence déterminante sur deux des trois régions les plus productives économiquement au monde, l’Europe de l’Ouest et l’Asie de l’Est. Un coup d’œil sur une carte suggère aussi qu’un pays dominant l’Eurasie contrôlera presque automatiquement le Moyen-Orient et l’Afrique. Alors que l’Eurasie devient l’échiquier géopolitique décisif, il ne suffit plus d’élaborer une politique pour l’Europe et une autre pour l’Asie. Comment s’établira la distribution du pouvoir sur le territoire de l’Eurasie sera déterminant pour la primauté mondiale et l’héritage historique des Etats-Unis…
« Dans une Eurasie volatile, la tâche immédiate est de s’assurer qu’aucun autre Etat ou combinaison d’Etats n’acquiert la capacité d’exclure les Etats-Unis ou même de diminuer son rôle prépondérant. »
Toutefois, comme Brzezinski lui-même l’a réalisé, l’établissement de la domination américaine sur l’Eurasie est une tâche herculéenne. Dans un livre intitulé Le grand échiquier, dans lequel il approfondit les idées qu’il avait tout d’abord présentées dans l’article de Foreign Affairs, Brzezinski décrit l’Eurasie comme un « mégacontinent » qui était « tout bonnement trop vaste et trop peuplé, trop riche de ses nombreuses cultures, trop fort de ses Etats politiquement dynamiques et historiquement ambitieux pour faire preuve de docilité à l’égard de quiconque, fût-ce la puissance globale dominante, l’économie la plus florissante. » Et il y avait un autre obstacle aux aspirations hégémoniques de l’impérialisme américain. Brzezinski a écrit :
« Par ailleurs, l’Amérique est trop démocratique chez elle pour se montrer autocratique à l’extérieur. Voilà qui limite l’usage qu’elle peut faire de sa puissance, en particulier de sa capacité d’intimidation militaire. Jamais par le passé, une démocratie libérale ne s’est élevée à une telle suprématie. La course à la puissance n’est pas un objectif susceptible de mobiliser les passions populaires, sauf dans des situations de menace imminente ou lorsque le bien-être intérieur est en cause. Les sacrifices économiques (c’est-à-dire l’augmentation des dépenses militaires) et humains (y compris les victimes au sein de l’armée de métier) que requiert un tel effort sont incompatibles avec les instincts démocratiques. La démocratie exclut toute mobilisation impériale. » [Le grand échiquier, Hachette littératures, pp 62-63, souligné par North]
Les événements du 11 septembre ont offert précisément cela, un contexte de « situations de menace imminente ou lorsque le bien-être intérieur est en cause », qui a créé, au moins à court terme, une base d’appui dans la population pour un déchaînement de la puissance militaire américaine justifié par la vengeance et l’auto-défense. Cela, en soi, ne prouve pas que les attentats sur le World Trade Center ont été directement planifiés et élaborés par des individus œuvrant au sein de l’Etat américain. Mais l’analyse de Brzezinski démontre la compréhension aux plus hauts niveaux que les vastes ambitions géostratégiques des Etats-Unis, qui demandent de faire la guerre à des milliers de kilomètres de ses propres frontières, requièrent un changement important et soudain de l’opinion publique.
Peu importe le degré réel d’implication et de complicité d’agents de l’Etat dans la planification, l’encouragement et l’exécution de la conspiration du 11 septembre, il n’y a aucun doute que les événements de ce jour ont été immédiatement utilisés comme un prétexte pour lancer un programme militariste qui avait été élaboré et raffiné depuis une décennie.
N’oublions pas que l’histoire des Etats-Unis offre de nombreux exemples d’événements graves qui ont été utilisés pour justifier des actions militaires dont le but ultime et fondamental était l’atteinte d’objectifs stratégiques cruciaux. Ces événements déclencheurs ont fourni, au mieux, une soi-disant bonne raison pour l’action militaire, mais pas la véritable raison.
Ce que nous disons maintenant, nous l’avons dit quelques heures après les attentats sur le World Trade Center, le World Socialist Web Site ayant averti de ce qui allait venir. Le 12 septembre 2001, le WSWS, condamnant les attentats, déclarait que « le terrorisme fait le jeu des éléments de l'establishment américain qui utilisent précisément de tels événements pour justifier et légitimer leur recours à la guerre pour défendre des intérêts géopolitiques et économiques de l'élite dirigeante ».
Le 14 septembre 2001, le WSWS écrivait : « Les attaques lancées sur le World Trade Center et le Pentagone ont fourni l'occasion de mettre en application le projet politique d'une grande portée que réclament depuis des années les éléments les plus à droite de l'élite dirigeante. Un jour à peine après l'attaque, avant que la moindre lumière ne soit faite sur la source de l'attentat ou les dimensions du complot, le gouvernement et les médias lançaient une campagne coordonnée affirmant que l'Amérique était en guerre et que le peuple américain devait accepter toutes les conséquences d'un état de guerre.»
(World Socialist Web Site)
Libellés : Dossier Spécial - Cinquième anniversaire du 11 Septembre
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