mardi, septembre 19, 2006

Actualité - Les pertes en Afghanistan obligent le Canada à y envoyer des renforts

Le Canada déploiera bientôt d’autres troupes et pièces d’armements au sud de l’Afghanistan pour soutenir la force d’occupation de l’OTAN qui est en difficulté.

Le gouvernement conservateur minoritaire du Canada a annoncé vendredi qu’il déploierait entre 200 et 500 soldats supplémentaires des Forces armées canadiennes (FAC) dans la région de Kandahar. Le gouvernement a aussi approuvé une requête des FAC demandant d’envoyer quinze chars d’assaut Leopard et un nombre non dévoilé de véhicules blindés d’ingénierie, de type Badger, en Afghanistan. Le Leopard, qui pèse 42,5 tonnes, est équipé d’un canon de 105 mm, pouvant tirer des obus explosifs à longue portée, ainsi que de plusieurs mitrailleuses.

Le chef d’état-major des FAC, le général Rick Hillier, a affirmé que quatre des tanks seraient envoyés par avion en Afghanistan aussi tôt que possible. Bien qu’il ait qualifié les renforts de petits, Hillier a déclaré qu’ils « multiplieront considérablement les occasions des FAC pour sécuriser et stabiliser » la région de Kandahar.

Renforcer le contingent de 2300 soldats des FAC en Afghanistan a été l’une des mesures prises par le gouvernement conservateur au cours des derniers jours pour contrer l’augmentation de la résistance talibane au sud de l’Afghanistan et l’opposition croissante parmi la population canadienne face à la guerre menée par les FAC au nom du gouvernement d’Hamid Karzaï, régime installé par les États-Unis et dépendant d’eux.

Cette semaine, le premier ministre Stephen Harper a consacré son discours à l’occasion du cinquième anniversaire de l’attaque terroriste du 11 septembre 2001 à soutenir que les FAC devaient jouer un rôle d’avant-garde dans la suppression des talibans, en tant que contribution canadienne à la « guerre au terrorisme ».

Comme toile de fond à son discours, les assistants de Harper ont rassemblé de membres de la famille de plusieurs Canadiens qui avaient trouvé la mort dans l’attentat sur le World Trade Center et de plusieurs soldats des FAC servant actuellement en Afghanistan. Harper a conclu son discours en demandant aux Canadiens de prier pour les victimes du 11 septembre et pour les soldats canadiens en Afghanistan.

En mai dernier, Harper et ses conservateurs ont fait voter à toutes vapeurs par le parlement une résolution qui autorisait le prolongement de deux ans, soit au moins jusqu’en 2009, de la participation canadienne à l’opération de contre-insurrection en Afghanistan. De plus, le vote de cette résolution permettait que la mission canadienne soit élargie pour inclure la prise en charge pour un an, à partir de février 2008, du commandement général de l’opération de l’OTAN en Afghanistan.

La visite de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, en Nouvelle-Écosse cette semaine, prétendument pour remercier les Canadiens d’avoir hébergé les voyageurs des vols en direction des Etats-Unis déroutés vers le Canada le 11 septembre 2001, a été aussi utilisée par le gouvernement conservateur pour tenter de gonfler l’appui à l’intervention canadienne en Afghanistan.

Et jeudi, le bureau de Harper a annoncé que le président afghan, Hamid Karzaï, allait visiter Ottawa et Montréal du 21 au 23 septembre pour ce qu’il a qualifié de « visite de travail ». On accordera au président afghan le rare privilège de s’adresser au parlement canadien.

Les FAC et l’OTAN ont été déconcertées par la détermination de la résistance des talibans et par l’augmentation de la colère populaire en Afghanistan devant le traitement qui leur est infligé par les forces armées des Etats-Unis et de l’OTAN et devant l’échec des puissances occidentales à respecter leurs promesses de reconstruction et d’aide au développement.

Récemment, le Telegraph de Londres citait le capitaine Leo Docherty, un ex aide de camp du commandant des forces britanniques dans la province de Helmand disant que la mission de l’OTAN dans le sud de l’Afghanistan était devenue un « manuel d’instruction pour saboter un contre insurrection…[N] ous avons perdu nos cœurs et notre esprit avant même d’avoir commencer. »

Plus tôt ce mois, en appelant les pays de l’OTAN à envoyer 2500 soldats supplémentaires pour la campagne contre-insurrectionnelle dans le sud de l’Afghanistan, Ray Henault, le président du Comité militaire de l’OTAN et ancien chef des FAC, a dit que l’occupation de l’Afghanistan était « la mission de l’OTAN la plus complexe jamais entreprise ».

A ce point-ci, son appel pour plus de troupes est largement demeuré lettre morte. En fait, les frictions se sont accrues au sein de l’OTAN sur la question de déterminer qui devra porter le fardeau de la campagne contre-insurrectionnelle.

Alors que les représentants militaires canadiens et les dirigeants du gouvernement avaient averti qu’il allait y avoir des morts suite au déploiement des troupes canadiennes au sud de l’Afghanistan — même s’ils éprouvaient un plaisir pervers devant le sang versé croyant qu’il allait aider à effacer l’image de force de maintien de la paix qu’ont les FAC et qu’ils détestent tant —, ils ont été pris par surprise par la ténacité des talibans et l’augmentation du nombre des morts.

Des 32 soldats canadiens tués en Afghanistan depuis l’intervention des FAC en 2001, 24 sont morts depuis le début de 2006 et 16 dans les trois derniers mois.

Mais ce qui est encore plus inquiétant pour le gouvernement de Harper ce sont les sondages d’opinion indiquant que la majorité des canadiens s’oppose à l’Intervention des FAC en Afghanistan et ceci malgré le barrage médiatique en faveur de l’intervention.

Le sentiment anti-guerre est nourri tant par l’augmentation de la conscience du caractère colonial de la mission des FAC que par le scepticisme ou l’hostilité envers la prétention politique de l’establishment et des médias selon qui le but de la mission est de protéger les Canadiens ordinaires du terrorisme.

Malgré le biais pro-guerre des grands médias, on peut parfois y lire des informations sur les FAC prenant des villages d’assaut, menaçant et tuant des civils, y compris un jeune garçon de 10 ans le mois passé. Une bonne partie de la population canadienne est hostile à l’administration Bush et reconnaît, au moins jusqu’à un certain point, qu’elle a utilisé les attentats du 11 septembre 2001 pour mettre en œuvre ses plans prêts depuis longtemps pour élargir la mainmise américaine sur le pétrole du Moyen-Orient et de l’Asie centrale au moyen de guerres d’agression.

La grande entreprise canadienne, au contraire, est enthousiaste envers l’intervention de FAC en Afghanistan et envers la tentative du gouvernement Harper de l’utiliser pour donner au Canada une politique étrangère plus « robuste », c’est-à-dire plus militariste.

Ce n’est pas seulement parce l’élite canadienne veut être dans les bonnes grâces de l’administration Bush, croyant que dans un monde de plus en plus sujet aux déséquilibres économiques et géostratégiques explosifs, il est plus sage de forger des liens plus étroits avec les Etats-Unis. Au moyen d’une politique étrangère plus militariste, le Capital canadien vise à satisfaire ses propres ambitions impérialistes. C’est ce qu’a révélé un éditorial récent du National Post qui a dit qu’Harper devait demander en contrepartie pour le resserrement de son alliance avec les Etats-Unis que Washington reconnaisse les revendications canadiennes sur une immense section de l’océan Arctique, potentiellement très riche en ressources.

Parce que la grande entreprise canadienne considère que l’intervention en Afghanistan est cruciale dans sa tentative de changer de façon importante la politique étrangère et la stratégie géopolitique canadiennes et parce qu’elle est très au fait qu’elle n’a pas d’appui populaire pour ce changement, les médias de la grande entreprise et l’élite politique ont été fortement offensé par l’appel du quatrième parti au pays, le social-démocrate Nouveau Parti démocratique (NPD), pour que le Canada retire ses troupes du sud de l’Afghanistan et qu’il encourage l’OTAN et le gouvernement afghan à entreprendre des pourparlers pour la paix avec les talibans.

Sans exception, tous les plus importants quotidiens du Canada anglais et au Québec ont dénoncé la position du NPD pour être « irresponsable ». Le Toronto Star, un quotidien libéral, s’est plaint « Quitter l’Afghanistan maintenant compromettrait la crédibilité du Canada sur la scène internationale. »

Le Bloc québécois, un parti indépendantiste et le Parti libéral, l’opposition officielle ont dénoncé le NPD avec force.

La position du NPD, qui a été annoncée par le dirigeant du NPD fédéral Jack Layton à la fin du mois d’août et qui a été endossée par le congrès fédéral du parti le week-end dernier, n’a rien à voir avec une opposition de principes à l’occupation de l’Afghanistan ou à l’impérialisme canadien.

Tout d’abord, Layton a dit qu’il voulait seulement que les troupes se retirent d’Afghanistan en février 2007 pour ne pas miner les efforts des partenaires canadiens de l’OTAN. Maintenant, Layton et le NPD disent que le contingent des FAC à Kandahar devrait être retiré aussi tôt qu’il sera « sûr » de le faire, tout en réitérant qu’ils voulaient que les troupes canadiennes restent à Kaboul et qu’ils soutenaient le gouvernement Karzaï.

Les demandes du NPD sur la question du déploiement des FAC vont de pair avec des appels nationalistes canadiens et des promesses que les sociaux-démocrates sont prêts à soutenir le déploiement des FAC dans des guerres outremers. Selon le NPD, la mission est simplement « la mauvaise [mission] pour le Canada », les troupes ne sont pas équipées comme il le faudrait, la mission est mal définie, il n’y a pas de stratégie de sortie, la capacité du Canada à défendre ses intérêts dans le monde est minée par la politique de Harper qui lie la politique étrangère canadienne trop étroitement à celle des Etats-Unis. Si les troupes étaient retirées, déclare le NPD, alors le Canada pourrait déployer des troupes dans d’autres missions de paix sanctionnées par les impérialistes, comme celle du Liban ou en Haïti.

Néanmoins, l’élite dirigeante craint que la position du NPD va attiser les sentiments anti-guerre et miner sa tentative de décrire l’opposition à l’intervention des FAC en Afghanistan comme anti-patriotique si ce n’est comme un appui aux talibans, ce qui explique l’intensité de leurs condamnations.

(World Socialist Web Site)

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