mercredi, mai 09, 2007

Actualité - La politique énergétique continentale au centre du projet annexionniste

Comment les riches voient l'«opportunité historique» créée par le 11 septembre (1)

L'opposition à une politique énergétique continentale sous le diktat des monopoles invite à une politique énergétique au service d'une économie pro-sociale indépendante et du bien public.

Après les attentats du 11 septembre 2001, l'oligarchie financière a entrepris d'accélérer l'annexion du Canada et la création d'une Union nord-américaine, les États-Unis des Monopoles d'Amérique du Nord, comme base pour la guerre et l'agression contre les peuples du monde. Son plan prévoit de mettre toutes les ressources humaines et naturelles et toutes les institutions économiques, politiques et militaires du Canada au service de l'agression américaine.

Le Conseil canadien des chefs d'entreprise (CCCE), une organisation représentant les monopoles les plus influents au Canada, a lancé son Initiative de sécurité et prospérité de l'Amérique du Nord en janvier 2003. Il proclame que l'intégration économique est désormais irréversible, qu'«il est évident depuis les attentats du 11 septembre 2001 que la sécurité économique et physique de l'Amérique du Nord est indivisible» et que, par conséquent, «nos deux pays n'ont pas le choix que d'adopter une approche plus intégrale de leurs rapports». Les événements du 11 septembre ont créé une «opportunité historique», affirme le CCCE.

Le mot «historique» est souvent utilisé dans ce contexte, comme par exemple pour qualifier l'Accord de libre-échange qui a mené à la restructuration de l'économie canadienne en faveur de l'impérialisme américain. Le CCCE avait créé l'illusion que les États-Unis seraient disposés à accepter une véritable réglementation et un marché véritablement ouvert si le Canada consentait à mettre ses ressources à leur disposition, notamment ses ressources énergétiques, et acceptait de «faire sa part» en appui aux plans d'agression et de guerre des États-Unis.

L'oligarchie financière prétend que son plan pour une union nord-américaine est basé sur «le respect sans compromis de l'indépendance politique et du caractère distinct du Canada, du Mexique et des États-Unis». Si c'était le cas, le plan veillerait au maintien de l'indépendance des parlements et des tribunaux, des forces armées et des marchés et des monnaies. Or, des mesures annexionnistes sont déjà en voie d'application sur tous ces fronts. Les dénégations offertes si volontiers ne servent qu'à détourner l'attention de l'annexion qui se fait en pratique et à saper l'opposition.

Le CCCE propose de «repenser les frontières» et utilise l'expression «frontière intérieure» quand il parle de la frontière canado-américaine. Dans les documents des gouvernements et des regroupements de monopole, on parle couramment de «ressources énergétiques nord-américaines» plutôt que ressources appartenant au Canada, au Mexique et aux États-Unis.

L'uniformisation des réglementations et l'abolition des pouvoirs indépendants de réglementation des gouvernements fédéral et provinciaux du Canada sont décrites comme faisant partie d'un effort pour «maximiser l'efficacité économique». Le récent Accord sur le commerce, l'investissement et la mobilité de la main- d'oeuvre (TILMA) conclu entre les premiers ministres de l'Alberta et de la Colombie-Britannique en est un exemple. Le TILMA donne au droit de monopole le pouvoir illimité d'exploiter les ressources naturelles et humaines des deux provinces.

Le programme d'annexion du CCCE prévoit un «pacte global sur la sécurité des ressources» couvrant l'agriculture et les produits forestiers, ainsi que l'énergie, les métaux et les minéraux. Selon le CCCE, le Canada et les États-Unis bénéficient d'une importante réserve interdépendante de ressources naturelles et d'importants marchés interdépendants pour le pétrole, le gaz naturel, l'eau, l'électricité, le charbon, l'uranium, les métaux de première transformation, les produits forestiers et l'agriculture. Ce qu'il faut, poursuit-il, c'est un plan d'ensemble pour éliminer la menace de conflits commerciaux et régler une fois pour toute les conflits relatifs aux prix et aux subventions dans le secteur des ressources. L'initiative annexionniste devrait conduire à un pacte sur la sécurité des ressources basé sur deux grands axes: l'ouverture des marchés et la compatibilité des cadres réglementaires. Le TILMA et le Partenariat pour la sécurité et la prospérité de l'Amérique du Nord sont considérés comme d'importants pas vers un tel pacte.

L'accord sur le bois d'oeuvre résineux est un exemple de ce que l'oligarchie financière appelle «un riche marché interdépendant des ressources», appellation qui cache l'essentiel, soit le fait que l'industrie forestière du Canada a été mise à la disposition des monopoles les plus influents et tout ce qui sert leurs intérêts. Le bois d'oeuvre canadien est mis à la disposition du marché américain et d'autres marchés du système impérialiste d'États à des conditions dictées par les magnats américains de l'industrie forestière.

En réalité le «marché interdépendant des ressources» signifie que le Canada et le Mexique possèdent les ressources humaines et naturelles et que les monopoles américains en ont besoin. La prospérité viendrait de la braderie des ressources humaines et naturelles. Mais la prospérité pour qui? Et qu'advient-il de la souveraineté et de l'indépendance économique? Aucun peuple dans l'histoire n'a connu la prospérité pendant longtemps sans un contrôle de ses affaires et de sa base économique.

En pratique, l'accord sur le bois d'oeuvre resserre la mainmise des monopoles les plus puissants sur les ressources, les moyens de production et la classe ouvrière du Canada. Ce sont eux le «marché interdépendant des ressources». L'«interdépendance» signifie que, puisque les États-Unis possèdent des usines de sciage, le bois non coupé du Canada peut y être exporté et les usines canadiennes peuvent être fermées. Cela signifie que, puisque les États-Unis ont une soif insatiable d'électricité, de pétrole et de gaz naturel, pourquoi ne pas donner nos rivières aux monopoles privés, y construire des barrages et expédié l'électricité au sud? Pourquoi ne pas donner aux monopoles américains accès à toutes les réserves canadiennes de pétrole et de gaz naturel? Pourquoi ne pas garantir leur approvisionnement en énergie de toutes sortes même si cela accroît la pollution et engommage l'environnement canadien, même si le pétrole alimente la machine de guerre, même s'il y a des pénuries d'essence au Québec et en Ontario et que les prix montent en flèche et même la majeure partie de la valeur ajoutée se retrouve dans les poches des monopoles privés et que l'État est privé de moyens financiers pour maintenir les programmes sociaux.

La tendance qui se développe est qu'en plus des ressources naturelles de l'Amérique du Nord, il y a aussi les moyens de production, la classe ouvrière et l'armée qui sont de plus en plus intégrées dans la quête de domination mondiale de l'impérialisme américain.

En avril 2004 le CCCE rendait public un plan détaillé pour la création des États-Unis des Monopoles d'Amérique du nord. Intitulé «Nouvelles frontières: Bâtir un partenariat Canada-États-Unis pour le 21e siècle en Amérique du Nord», le document fait valoir que les attentats du 11 septembre 2001 ont créé une opportunité historique et préconise des mesures précises de restructuration de l'État pour créer les conditions favorables à une Union nord-américaine.

Le CCCE écrit: «Les produits de ressources tels le bois d'oeuvre résineux, le blé, le sucre, le poisson et les autres produits agricoles ont été les points chauds de la plupart des différends commerciaux à forte visibilité entre le Canada et les États-Unis au cours des dernières années.

L'exemption aux recours commerciaux des États-Unis tels les droits antidumping et compensateurs était peut-être l'objectif le plus important que le Canada n'a pas réussi à obtenir durant la négociation des accords de libre-échange Canada-États-Unis et nord-américain. Tout semble indiquer que les politiciens des États-Unis continueront à garder jalousement ces prérogatives.

«D'autre part, la guerre au terrorisme a changé les perceptions aux États-Unis au sujet de l'importance de la sécurité de l'énergie. La création du Groupe de travail nord-américain sur l'énergie (GTNAE), en 2001, démontre concrètement le désir des États-Unis de travailler à l'unification du marché de l'énergie sur le continent et à enlever plus spécifiquement les entraves de réglementation qui nuisent à l'atteinte de ce but. L'ambassadeur des États-Unis au Canada, Paul Cellucci, l'a exprimé très simplement dans un discours qu'il prononçait en décembre 2003 quand il a proposé que le moment était venu 'de compléter l'intégration de nos marchés de l'énergie'. [...]

«La possibilité de lier la sécurité énergétique à la résolution à long terme des différends commerciaux principaux dans le secteur des ressources a déjà été reconnue dans les sphères politiques. Lors de sa proposition d'une stratégie énergétique transcontinentale en 2003, Stephen Harper, maintenant chef du parti conservateur du Canada (et maintenant premier ministre du Canada — ndlr), a indiqué: 'Les Américains peuvent percevoir clairement l'existence d'intérêts mutuels à long terme. Nous devons étendre notre compréhension à un éventail de ressources naturelles afin de prévenir des désastres futurs tels que les querelles débilitantes à l'égard du bois d'ouvre et de l'agriculture.'»

L'élimination de toute réglementation qui entrave l'investissement est la clé de ce plan. Selon le CCCE, une façon de réduire les conflits entre le Canada et les États-Unis est ou bien d'éliminer toutes les réglementations qui pourraient servir de prétexte aux États-Unis dans les conflits commerciaux, ou bien uniformiser les réglementations du Canada avec celles des États-Unis.

Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il faille conclure un accord comme l'ALÉNA. Une bonne partie de ce que les monopoles réclament peut être réalisé derrière des portes closes. En effet, les gouvernements recourent de plus en plus au décret exécutif pour se soustraire à leur obligation de défendre le bien public et s'arrogent ainsi le pouvoir d'agir comme des PDG de l'«économie». Le récent Accord sur le commerce, l'investissement et la mobilité de la main-d'oeuvre (TILMA) conclu entre les exécutifs de l'Alberta et de la Colombie-Britannique n'a même pas été débattu dans les assemblées législatives, sans parler de la population en général.

Le TILMA est un exemple de ce que réclament les monopoles et le CCCE. Il a pour effet de normaliser les réglementations des deux provinces au plus petit dominateur commun du point de vue des investisseurs monopolistes privés. Pour ce qui est de l'investissement, réel ou même potentiel, le TILMA accorde un droit de veto aux monopoles. Il correspond parfaitement à ce que propose le CCCE puisqu'il défait la réglementations par décret exécutif, intimidation et poursuites judiciaires et accélère subrepticement l'annexion sans débat dans les assemblées législatives du Canada ni dans la population.

Le CCCE écrit: «La meilleure option devra probablement être déterminée pour chaque secteur et pourrait ne pas exiger un grand accord cadre. Des directives précises, établies par consensus des dirigeants des gouvernements, donneraient aux autorités responsables l'orientation et l'urgence nécessaires. Mais comme le précise Tom Courchene de l'université Queen's, le processus de réforme de la réglementation est à la fois complexe et continu. Tant en Amérique du Nord que dans le reste du monde, ce processus est animé, non seulement par les gouvernements, mais aussi par les comités techniques internationaux, par les agences et institutions internationales de réglementation et par les associations d'affaires et les entreprises internationales travaillant ensemble.»

Pour le CCCE, il est clair également qu'un accord énergétique continental doit garantir l'accès des États-Unis aux ressources: «Le Canada a un rôle critique à jouer pour assurer la sécurité de l'énergie du continent dans trois domaines: la pleine exploitation des sables bitumineux de l'Alberta, le développement des réserves de gaz naturel du fleuve Mackenzie et du littoral arctique et le transport du gaz de la marge septentrionale de l'Alaska sur le territoire du Canada; l'élaboration de règles compatibles en matière de réglementation des flux et de l'infrastructure de l'électricité. Comme le déclarait récemment Jack Mintz, président de l'Institut C.D. Howe, un pacte de l'énergie continental aiderait à assurer que les rares investissements seront dirigés vers les sources d'énergie les plus productives dans chaque pays.»

Il faut un vaste débat public pour contrer la politique énergétique continentale sous le diktat des monopoles privés. Le contrôle privé des ressources énergétiques renouvelables et non renouvelables du Canada ne profite aux qu'intérêts étroits des monopoles. Les Canadiens doivent s'organiser pour établir une politique énergétique alternative en dehors des confins de l'empire américain.

(À suivre: Deuxième partie: Le partenariat pour la sécurité et la prospérité de l'Amérique du Nord. Troisième partie: La consommation et la production mondiales de pétrole alimente la machine de guerre des États-Unis. Quatrième partie: L'ALÉNA et l'énergie continentale)

(Le Marxiste-Léniniste, Peggy Morton)

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