jeudi, mai 24, 2007

Actualité - Prélude à une entente avec Bush sur les crédits de guerre

Encore des postures anti-guerre de la part des sénateurs démocrates

La loi introduite par Russ Feingold au Sénat américain mercredi, appelant les forces de combat américaines à se retirer de l’Irak avant la fin de mars 2008 a été l’occasion d’une nouvelle tournée de postures anti-guerre de ceux qui espèrent devenir candidat présidentiel pour les démocrates. La loi a été battue par une grande majorité, près de la moitié des sénateurs démocrates ayant voté contre.

Derrière l’écran de fumée de mesures anti-guerre sans dents introduites pour leur donner une couverture politique, les démocrates de la Chambre des représentants et du Sénat se préparent à voter par une majorité écrasante pour la continuation de la guerre sous la forme d’une loi autorisant le financement de la guerre qu’ils espèrent être déposée sur le bureau du président Bush pour le Memorial Day, soit le 28 mai.

Les démocrates de la Chambre des représentants ont voté une loi la semaine passée, finançant la guerre pour les deux prochains mois. Dans deux mois, ils étudieront de nouveau la question, liant l’octroi de nouveaux crédits à l’assurance de la part de l’administration Bush que le gouvernement irakien a accompli des pas vers l’ouverture des ressources pétrolières irakiennes à l’exploitation américaine, vers la stabilité politique et dans la répression des milices anti-américaines. Ils ont voté en sachant d’avance que Bush opposera son veto à une telle mesure et que le Sénat sous contrôle des démocrates refuserait, peu importe ce qui adviendrait, de voter en faveur d’une loi n’autorisant qu’un financement partiel de la guerre.

La plupart des démocrates de la Chambre des représentants, comme leurs vis-à-vis du Sénat, se sont ralliés aux républicains pour rejeter une proposition distincte qui imposerait une date butoir à la présence des troupes en Irak.

Dans un contexte où l’opposition populaire à la guerre grandit et où plusieurs indices que l’accroissement du nombre des soldats américains à Bagdad promulgué par Bush se dirige vers un échec militaire et politique, les candidats à la candidature présidentielle du Parti démocrate veulent se donner l’ apparence d’être anti-guerre.

Les manœuvres d’hier se concentraient sur un amendement proposé par Feingold, un démocrate du Wisconsin, portant sur un projet de loi sur l’eau de 14 milliards de dollars sans lien avec la guerre. L’amendement lui-même, dans une phraséologie de « soutien aux troupes », a essentiellement mandaté un redéploiement tactique des forces américaines en Irak qui se concentreront principalement sur le « contre-terrorisme », l’entraînement des forces irakiennes et la protection des actifs et du personnel américains. Loin de proposer le retrait de toutes les forces américaines et de mettre fin à la violence de l’armée américaine contre le peuple irakien, cet amendement aurait autorisé la présence de dizaines de milliers de soldats après la date butoir du 31 mars 2008.

L’amendement a néanmoins été décrit par ses supporteurs et ses détracteurs au Congrès ainsi que par les médias comme étant un geste pour mettre fin à la guerre. Il était soutenu par les candidats à la candidature présidentielle démocrate Hillary Clinton de l’état de New York, Barack Obama de l’état de l’Illinois, Chris Dodd de l’état du Connecticut et Joe Biden de l’état du Delaware.

Alors que 60 votes sur un total de 100 étaient nécessaires pour discuter et voter sur l’amendement, ce dernier n’en a obtenu que 29. Aucun républicain n’a appuyé cette mesure.

Parmi les 19 démocrates qui se sont opposés à l’amendement, nombreux sont ceux qui ont répété la litanie que tout arrêt du financement « mettrait les troupes en danger ».

« Nous allons soutenir ces troupes », a insisté le sénateur démocrate du Michigan Carl Levin, président de la commission du Sénat sur les forces armées, qui a voté contre l’amendement.

Le sénateur démocrate du Nebraska, Ben Nelson, a offert l’explication la plus ahurissante pour avoir voté contre l’amendement. « On ne peut établir un calendrier de retrait ou imposer des sanctions sans avoir d’abord pris connaissance du bilan », a-t-il affirmé. Et ce, alors que la guerre en est à sa cinquième année !

Le sénateur Obama a caractérisé son vote en faveur de l’amendement comme « un puissant message envoyé au gouvernement irakien, au président et à mes collègues républicains qu’il est grand temps de changer de cap ». Clinton, quant à elle, a insisté que « nous, en tant que parti uni, devons travailler ensemble dans un but et une mission clairement définis afin de commencer à ramener nos soldats à la maison et mettre un terme à cette guerre ».

Depuis mardi, Dodd a fait diffuser des messages publicitaires qui mettent l’accent sur son soutien à l’amendement Feingold, qui est faussement présenté comme un moyen permettant de mettre un terme à la guerre.

Dans les coulisses, des négociations pour en arriver à un compromis avec l’administration Bush sont en cours, comportant fort probablement des « critères » inapplicables, que le Congrès acceptera et que Bush signera.

Mercredi, le New York Times est venu bien près d’admettre cette situation, affirmant qu’avec l’amendement Feingold, « les démocrates peuvent soulager leur frustration de la politique irakienne, et tenter par la suite de trouver un compromis avec la Maison-Blanche sur les dépenses de guerre ».

Le véritable objectif des coups de publicité comme celui organisé mercredi est de tromper les Américains ordinaires qui s’opposent à la guerre en les attirant vers le Parti démocrate, qui est entièrement complice dans le déclenchement et la poursuite de la guerre, et qui la continuera advenant sa prise de contrôle de la Maison-Blanche en 2008.

Levin et le dirigeant de la majorité démocrate Harry Reid ont préparé des projets de loi séparés hier, également sous la forme d’un amendement au projet de la loi sur l’eau, qui accorderait à Bush tout le financement nécessaire à la continuation de la guerre en même temps qu’il forcerait le début du retrait des troupes de combat à partir du 1er octobre de cette année et qui devra être complété le 31 mars de l’an prochain. Cependant, ces échéanciers ne sont qu’apparence puisque le projet prévoit qu’ils peuvent être ignorés si Bush fait la démonstration qu’il y a du « progrès ».

Levin et Reid ont retiré cet amendement après que la Maison-Blanche leur ait dit que toute loi qui l’incorporerait serait soumise à un veto.

L’administration Bush a promis catégoriquement d’imposer un veto à toute législation qui de quelque façon restreindrait la capacité de poursuivre l’escalade de la guerre. Dans une entrevue donnée mardi à Fox News de Jordanie, le vice-président Dick Cheney a pratiquement accusé les démocrates au Congrès qui appuyaient les mesures législatives, comme Feingold, de trahison en faveur des terroristes. « Donc, si vous êtes un représentant public défendant le retrait de l’Irak, dit Cheney, en fait, ce que vous dites également, c’est que ce que vous recommandez, c’est de valider la stratégie d’al-Qaïda. »

Entre temps, une section des républicains au Sénat, face à la perspective d’une déroute électorale en 2008, a commencé à se positionner. Un autre amendement à la loi de l’eau introduit par le républicain John Warner de Virginie menace de couper des milliards de dollars en aide américaine pour l’Irak, si le régime irakien n’arrivait pas montrer « des progrès satisfaisants ».

Le point central de la vie politique américaine c’est le fait que le vaste sentiment anti-guerre de la population ne trouve aucun écho dans les politiques du gouvernement ou de l’un des deux partis. Malgré les divergences factionnelles tactiques, il y a un large consensus au sein de l’establishment dirigeant que la guerre va se poursuivre, indépendamment du désir de la population.

(World Socialist Web Site, par Tom Carter, 19 mai 2007)

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