Actualité - Une « deuxième Fallouja » planifiée à Sadr City à Bagdad
Vingt et un soldats américains ont été tués en Irak entre jeudi et dimanche de la semaine passée. Leurs morts ont porté le nombre total des soldats américains tués depuis le début de la guerre en mars 2003 à 3.422 selon le site web indépendant iCasualties.org qui fait le compte des soldats décédés. D’autres estimations établissent le nombre total des morts à près de 4.000.
La journée de samedi seulement, sept soldats américains ont été tués. Six soldats américains et un interprète ont été tués lorsque qu’une bombe placée en bordure de la route a explosé dans l’ouest de Bagdad et un septième soldat a été tué par une explosion dans la ville de Diwaniyah dans le sud de l’Irak, a annoncé l’armée dimanche.
Au moment de la première publication de cet article, l’armée n’avait pas encore dévoilé le nom de soldats décédés.
Ce sera la deuxième fois en un mois que six soldats américains meurent d’une seule explosion à Bagdad. Le 6 mai, un photographe russe et six Américains ont été tués par une bombe placée en bordure de la route alors qu’il se trouvait entre Bagdad et Baqubah.
L’augmentation du nombre des morts parmi les soldats américains a résulté en 71 décès depuis le début du mois. Le Washington Post a noté lundi : « Les morts de soldats sont en augmentation depuis l’automne passé et la première moitié de cette année est déjà plus mortelle que toute période de six mois depuis le début de la guerre il y a quatre ans. Selon iCasualties.org, 531 membres de l’armée américaine ont été tués depuis le 1er décembre, une moyenne de plus de trois par jour… »
L’augmentation du taux avec lequel les vies américaines sont fauchées ou encore dévastées par une blessure sérieuse, ainsi que le coût encore plus élevé, bien que non compté, des Irakiens tués ou blessés, est le résultat de la forte hausse du nombre de soldats envoyés au combat, de l’ordre de 30.000, tel qu’ordonnée par l’administration Bush. L’escalade a été lancée en février dernier malgré l’opposition de masse à la guerre aux Etats-Unis mêmes qui trouva expression dans la débâcle républicaine aux élections de mi-mandat de novembre dernier.
Dans plusieurs discours récents, Bush a donné l’avertissement que l’augmentation du nombre des soldats en Irak signifiera l’augmentation du nombre des victimes. En plus de près de 4.000 soldats américains qui ont déjà été tués, 23.758 ont été blessés selon les données officielles.
La dernière vague de décès de soldats survient alors que la direction démocrate du Congrès entreprend des pourparlers à huis clos avec leurs homologues républicains et la Maison-Blanche afin d’en arriver à un plan de financement de la guerre d’ici le Jour du souvenir (le 28 mai), qui fournirait au président Bush tout ce qu’il a demandé pour intensifier le massacre et la répression — et qui entraînera inévitablement encore plus de morts du côté américain. Exemple typique du cynisme et des mensonges employés par les deux partis qui ont marqué chaque aspect de la guerre, ce chèque en blanc pour la poursuite du carnage est présenté comme une mesure visant à « soutenir les troupes ».
Le Pentagone affirme que les six soldats tués à Bagdad étaient, au cours de la dernière semaine, à la recherche de caches d’armes. Leur mission était typique des opérations menées pour pacifier la capitale. Ces opérations consistent entres autres à isoler et barricader des quartiers où les insurgés bénéficient de l’appui populaire, à conduire des attaques communes par les forces américaines, irakiennes et kurdes, à mener de vastes coups de filet et à bombarder par artillerie et par les airs des zones civiles.
Selon les statistiques citées par le Washington Post, les centres de détention du gouvernement irakien contiennent maintenant près de 20.000 personnes, alors que les prisons sous contrôle américain totalisent 19.500 détenus, une augmentation de 3.000 depuis février. Cela équivaut à près de 1 pour cent de la population de l’Irak. L’équivalent pour les Etats-Unis serait de l’ordre de 3 millions.
L’intensification de la violence par les Etats-Unis n’est qu’un prélude à ce qui se prépare. L’armée américaine n’a pas encore fait de tentative sérieuse pour occuper Sadr City, le bidonville chiite de 2 millions d’habitants où l’imam antiaméricain Moqtada al-Sadr a l’appui des masses. La milice de l’Armée du Mahdi de Sadr contrôle la région depuis longtemps, et un élément-clé du plan d’« intensification » est de détruire ou de neutraliser ses forces.
Le Pentagone attend jusqu’au premier juin, lorsque la cinquième et dernière brigade mobilisée pour l’escalade sera déployée. Jusqu’à ce jour, les troupes américaines et irakiennes se sont limitées à un petit secteur au sud de Sadr City. Des troupes des Forces spéciales des Etats-Unis ont lancé des attaques ciblées par commando afin d’arrêter ou de tuer de présumés dirigeants de la milice, pendant que les commandants américains tentent de négocier avec les dirigeants sadristes pour que ces derniers leur permettent d’occuper la zone.
Cependant, les négociations sont au point mort, essentiellement à cause de l’intensification de l’opposition et de la résistance des Irakiens, tant sunnites que chiites, à l’occupation américaine. D’une manière ou d’une autre, l’armée des Etats-Unis est déterminée à « nettoyer » Sadr City, et elle dispose d’autres moyens.
« Dans le cas où il n’y aurait plus d’option politique », rapporta lundi le Washington Post, « l’armée des Etats-Unis a élaboré d’autres possibilités, y compris des plans pour une opération de sécurisation totale de Sadr City qui nécessiterait une force beaucoup plus importante, mais les commandants soutiennent que cette possibilité ne serait qu’un dernier recours.
« "Un plan pour un second Fallouja existe, mais nous ne voulons pas l’exécuter", a dit un officier militaire à Bagdad, faisant référence à l’offensive militaire de novembre 2004 pour reprendre le foyer insurrectionnel de Fallouja dans la province d’Anbar dans l’ouest de l’Irak. »
L’assaut contre Fallouja a été une opération brutale qui a anéanti la quasi-totalité de la ville et tué des centaines sinon des milliers de ses habitants. Après la destruction de masse, la ville a été évacuée pendant un certain temps et ceinturée par les troupes américaines. Une telle opération à Sadr City produirait un bain de sang aux proportions incalculables et entraînerait inévitablement une augmentation marquée du nombre d’Américains morts ou blessés au combat.
Il n’y a aucune preuve évidente, à ce jour, que l’offensive américaine a réduit la violence sectaire ou la résistance insurrectionnelle à l’occupation américaine. Selon les rapports de la presse américaine, la police nationale irakienne a rapporté avoir trouvé 34 corps dimanche : 24 à Bagdad, six à Mahmudiyah, près de 20 kilomètres au sud de la capitale et quatre dans la ville du nord de Mossoul. Un autre rapport de la presse notait que plusieurs corps criblés de balles avaient été trouvés près de Samarra, au nord de Bagdad. Le nombre de cadavres abandonnés dans Bagdad ce mois-ci s’élève à 438.
Durant le week-end, il y a eu des explosions à la voiture dans différentes parties du pays, et les attaques à l’explosif le long des routes et d’autres types d’attaque contre le personnel américain continuent sur une base quotidienne. Les attaques à la roquette et au mortier contre l’ambassade américaine, installée dans la zone verte hautement fortifiée, vont en augmentant.
Pendant ce temps, il n’y a aucune nouvelle information sur le sort des trois soldats disparus depuis leur capture le 12 mai dernier lors d’une embuscade près de Mahmudiyah, au sud de Bagdad, malgré les recherches intensives menées par les militaires américains. Cette opération, impliquant la fouille des maisons et la détention de masse d’insurgés suspects, ne fait qu’intensifier la haine et la résistance des Irakiens.
De plus, le danger auquel font face les soldats capturés a énormément augmenté maintenant que le gouvernement américain répudie la convention de Genève, établit des camps de concentration tel que celui de Guantanamo et utilise la torture contre les Irakiens et autres détenus de la « guerre à la terreur ». Les crimes de guerre et les atrocités comme ceux d’Abou Ghraib, Fallouja, Haditha et Mahmudiyah (où les soldats américains ont violé et assassiné une jeune fille de 14 ans et tué sa sœur et ses parents) ont encouragé des représailles similaires contre les soldats américains.
(World Socialist Web Site, par Barry Grey)
Libellés : L'Irak résiste à l'occupation
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