vendredi, avril 21, 2006

Actualité - Un procès expose en détail la coopération d'AT&T dans l'espionnage illégal d'Américains par le gouvernement

Franc-Publie un article à propos d'un procès du monopole AT&T qui participe à un programme illégal d'espionnage au service de la National Security Agency (NSA).

Dans un procès de la cour fédérale américaine se déroulant présentement à San Fransisco, le géant des télécommunications AT&T est inculpé de violation de la vie privée de ses clients car il aurait transmis d'énormes quantités de données au gouvernement. Le recours collectif a été intenté par une fondation sur les communications électroniques (Electronic Frontier Fondation) au nom des clients de AT&T. Il est basé sur les documents fournis par un ancien employé d'AT&T et détaillant la participation de la compagnie dans le programme d'espionnage illégal de l'Agence de sécurité nationale (NSA) qui a été mis à jour pour la première fois vers la fin de l'année dernière.

Les documents, obtenus par Mark Klein, un ancien technicien de AT&T, sont présentement sous scellé de la cour. Ils ont été fournis au New York Times par Klein, qui a aussi fait une déclaration plus tôt ce mois-ci qui décrivait ce qu'il avait découvert en travaillant dans cette entreprise. AT&T a déposé une requête pour que tous les documents lui soient retournés, sur la base qu'ils sont de propriété industrielle, mais la compagnie n'a pas réfuté la validité des documents ou des déclarations de Klein.

Si celles-ci sont vraies, les déclarations de Klein confirment que l'espionnage mené par la NSA est beaucoup plus important que ce qui avait été reconnu par le gouvernement, et n'a été rendu possible que grâce à la participation volontaire d'une poignée de géants corporatifs aux États-Unis. Le programme de la NSA comporte une violation directe de la loi de 1978 encadrant l'espionnage extérieur (Foreign Intelligence Surveillance Act) et de certaines clauses de la Constitution américaine qui interdisent la recherche et les saisies injustifiées.

Les révélations de Klein suggèrent fortement l'existence d'une conspiration criminelle entre une section de la grande entreprise américaine et le gouvernement des États-Unis.

Selon un article du New York Times publié le 13 avril, les documents, qui ont été remis par le journal à quatre experts de la sécurité informatique et des télécommunications pour fin d'examen, «font état d'équipement capable de surveiller une grande quantité de courrier électronique, d'appels téléphoniques via internet et autre trafic internet». L'équipement «était en mesure de sélectionner des messages identifiables par mots-clés, par adresse internet ou électronique, ou par pays d'origine, et pouvait transférer des copies à un autre centre pour analyse plus poussée. »

«Les experts techniques», selon le Times, «ont tous dit que les documents démontraient que AT&T avait conclu un accord avec le gouvernement fédéral pour recueillir de façon systématique l'information circulant sur internet via le réseau de la compagnie. »

Dans une déclaration rendue publique par ses avocats, Klein a dit que l'équipement était monté dans une salle secrète de AT&T à San Francisco, où Klein a travaillé pendant 23 années avant de quitter en 2004. Les employés ordinaires de la compagnie n'avaient pas accès à cette salle, qui était située à côté des «routeurs» par lesquels transitent les données informatiques et les appels téléphoniques. Klein a fait savoir que des câbles connectaient les routeurs à la salle contrôlée par la NSA, permettant ainsi au gouvernement d'écouter et d'intercepter librement toutes les communications.

«Selon ma compréhension du câblage et de l'équipement en cause», a déclaré Klein, «il semble évident que le NSA est capable de mener une opération qui revient à 'aspirer' toutes les données transitant par internet, que ce soit le courrier électronique des gens, la navigation internet ou toute autre type de donnée».

En plus de la salle à San Francisco, Klein a dit avoir également appris l'existence d'un système semblable à une station de routage de AT&T à Atlanta. Les documents cités par le Times indiquent que la coopération touchait aussi les bureaux de San José, San Diego et Los Angeles en Californie et de Seattle à Washington. Ces centres acheminaient du courrier électronique et d'autres données venant d'un grand nombre d'autres fournisseurs internet vers AT&T, ce qui signifie que le nombre de personnes potentiellement espionnées va bien au delà de la base de clients de AT&T.

Les données auxquelles le gouvernement a accès ne sont pas limitées à ces villes, puisque les bureaux où travaillait Klein étaient connectés «à d'autres réseaux et par conséquent à tout le pays, aussi bien qu'au reste du monde».

Des articles publiés précédemment indiquent qu'un certain nombre d'autres compagnies ont collaboré avec le gouvernement d'une manière semblable, bien que les détails sur l'ampleur de leur participation ne soient pas connus.

La technologie qui est utilisée pour la surveillance n'empêche pas le gouvernement d'espionner d'autres communications que celles entre les États-Unis et l'étranger, malgré les dires de l'administration Bush que seules ces communications font l'objet de surveillance par le NSA. Selon le Times, «le concepteur du réseau et d'autres experts ont dit qu'il serait techniquement simple de reprogrammer l'équipement pour intercepter le trafic internet intérieur». La seule garantie que cela n'a pas encore été fait, c'est la parole du gouvernement américain.

Les déclarations de Klein et les documents obtenus par le Times contredisent directement les affirmations de l'administration Bush selon qui le programme de surveillance n'a qu'une portée limitée. Par exemple, Michael Hayden, le directeur adjoint principal du renseignement national et ancien directeur de la NSA, a dit dans un discours le 23 janvier que le programme de la NSA n'est pas un «filet de pêche» qui capte toutes les communications «que nous trions ensuite au moyen de recherches par mot-clé ou avec des outils de traitement de données ou d'autres dispositifs dont les prétendus experts continuent de parler». Mais, dans les faits, selon Klein, c'est exactement ce que le programme du NSA implique.

Confronté à ces révélations récentes, le gouvernement a donné sa réponse standard: il refuse de parler «des détails opérationnels», tout en suggérant que toute tentative d'exposer le fait qu'il viole les droits démocratiques du peuple américain revient à soutenir le terrorisme. «Toute discussion sur des questions opérationnelles réelles ou alléguées serait irresponsable car elle donnerait des informations à nos adversaires qui leur permettrait de s'ajuster et potentiellement de frapper aux États-Unis», a fait savoir le porte-parole de la NSA, Don Weber. Un porte-parole de AT&T a déclaré que la compagnie n'est «pas en mesure de commenter des questions en litige ou portant sur la sécurité nationale».

Tout en déclarant publiquement que le programme de surveillance sans mandat de la NSA est limité aux appels internationaux visant des suspects d'al Qaïda, l'administration a méticuleusement choisi ses mots pour ne pas laisser entendre que la loi l'empêchait de mener de telles opérations sur une plus grande échelle. Le 6 avril, le procureur général Alberto Gonzales a fait savoir à un comité du Sénat qu'il ne mettrait pas en doute l'autorité dont disposait le gouvernement pour espionner des appels purement intérieurs et d'autres communications si cela était nécessaire dans le cadre de la «guerre au terrorisme.»

Dans une lettre envoyée à la fin de février, Gonzales a noté que dans sa déposition faite au sénat ce mois-là, où il niait que le gouvernement espionnait des communications purement intérieures, il «n'a pas abordé et ne pouvait pas aborder aucune autre activité de renseignement classifiée» à part ce qu'avait reconnu le gouvernement. Russell Tice, un ancien employé de la NSA, a dit que l'agence a l'autorisation de pratiquer l'espionnage sur une plus grande échelle dans le cadre d'un «programme d'accès spécial» top secret.

La logique des arguments du gouvernement est qu'il a le pouvoir illimité d'espionner n'importe qui, y compris des citoyens américains, grâce à l'autorité de commandant en chef détenue par le président. La même justification a été employée par le gouvernement pour justifier la détention arbitraire et indéfinie, la torture et d'autres violations des principes démocratiques de base.

Quelques mois seulement après avoir été initialement démasqué à la fin de l'année dernière, le programme d'espionnage intérieur sans mandat du gouvernement n'est quasiment plus couvert par les médias ou le parti démocrate. La proposition qu'une enquête soit menée a été rapidement balayée sous le tapis en mars par le comité du sénat sur le renseignement. Fin mars, une proposition de censure à l'endroit de Bush pour avoir violé la loi en autorisant le programme de la NSA n'a reçu pratiquement aucun appui de l'un ou l'autre parti.

Peu importe l'ampleur de l'espionnage en cours actuellement, le précédent qui a été établi est clair: la grande entreprise américaine est tout à fait disposée à aider le gouvernement à violer les droits démocratiques du peuple américain, et il n'y aura aucune opposition sérieuse de la part de l'establishment politique.

(World Socialist Web Site)

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