Actualité - Destruction brutale de l'industrie forestière au Québec et en Ontario
Le 10 octobre, Abitibi-Consolidated a annoncé la fermeture de quatre de ses usines au Québec à compter du 16 octobre pour une période indéterminée. Elle a également suspendu ses opérations forestières sur la Côte Nord. Cela signifie la perte de 700 emplois. Les usines ciblées sont à Champneuf en Abitibi-Témiscamingue, Saint- Thomas Didyne au Saguenay-Lac-Saint-Jean, Saint-Raymond près de Québec et Pointe-aux-Outardes sur la Côte Nord. La scierie de Pointe-aux-Outardes est la plus grande au Québec et sa fermeture menace l'existence d'un grand moulin à papier à Baie-Comeau, où travaillent près de 900 personnes. Cela représente la destruction de 20% de la production de bois d'oeuvre d'Abitibi-Consolidated.
Le 11 octobre, Domtar a annoncé la fermeture de quatre scieries, trois au Québec et une en Ontario, également pour une période indéterminée. Cela signifie la perte de 490 emplois et 450 autres dans les opérations de chantier. Les trois scieries du Québec sont à Matagami, Val-d'Or et Level-sur-Quévillon, toutes en Abitibi- Témiscamingue. Les usines de Matagami et de Val-d'Or ferment le 27 octobre et le moulin de Lebel-sur-Quévillon a fermé ses portes le jour où l'annonce a été faite. À Lebel-sur-Quévillon, les travailleurs de l'usine de pâtes et papiers Domtar étaient en lock-out depuis novembre 2005. L'usine de l'Ontario est à Nairn, dans le nord-ouest de la province. Elle a fermé ses portes le 13 octobre. Nairn est situé près d'Espanola, où Domtar a fait d'importantes mises à pied à son usine de pâtes et papiers en septembre.
Tembec, Cascades et Kruger ont également annoncé des fermetures et des restructurations récemment. D'un seul coup les monopoles forestiers ont détruit la vie de milliers et de milliers de travailleurs et de nombreuses villes risquent maintenant de devenir des villes fantômes.
Les porte-parole de ces monopoles ont blâmé le coût de la fibre et la détérioration des marchés américains, où la majeure partie du bois transformés au Canada est vendus, pour la nouvelle vague de fermetures. Le directeur des Affaires publiques d'Abitibi-Consolidated a très bien exprimé la conception du monde du monopole forestier. Il a dit que les fermetures sont justifiables parce que l'industrie de la construction domiciliaire aux États-Unis a connu une baisse de 26% depuis le début de l'année et que cela a entraîné une baisse dramatique du prix de vente du bois canadien sur le marché américain. Il a dit que le coût de la fibre, de l'approvisionnement et de la transformation continuent d'augmenter et que les deux facteurs combinés ne laissent pas d'autre choix à Abitibi-Consolidated que de réduire sa production pour une période indéterminée.
Il a dit que la solution au problème a deux aspects. Le premier, à court terme, est que le gouvernement du Québec réduise les coûts de l'achat et de la transformation du bois pour les monopoles. Le deuxième est que le gouvernement du Québec et tous ceux qui ont un intérêt dans l'industrie forestière aident la restructuration de l'industrie. Cela veut dire, dit-il, que les grands joueurs doivent être assistés dans leur effort de consolidation, de fusion et de fermetures. Selon lui c'est ce qui mènera au renforcement de l'«économie de base» de l'industrie de manière à ce qu'elle soit en meilleure position pour affronter la concurrence et les marchés changeants. Il dit que l'industrie se heurte à la mentalité de «pas dans ma cour» quand il s'agit de fermer des usines.
Guy Chevrette, ancien ministre péquiste et maintenant président-directeur général du Conseil de l'industrie forestière du Québec, dit que pour sortir l'industrie de la crise il faut donner aux monopoles forestiers la liberté de la restructurer. Il a demandé au gouvernement provincial de faciliter la tâche aux entreprises en assouplissant la réglementation. Les monopoles forestiers et leurs représentants considèrent depuis longtemps comme trop rigides les dispositions de la Loi sur les forêts sur les contrats d'approvisionnement. Il serait nécessaire, selon eux, de remplacer les Contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier (CAAF) par un marché ouvert, dont l'effet serait d'accélérer la ruine des communautés forestières.
Le gouvernement Charest a d'abord réagi aux annonces de fermetures en disant que les gens ne devraient pas s'en faire parce que les fermetures ne sont pas permanentes et sont un ajustement temporaire à la situation des marchés aux États-Unis. Pierre Corbeil, ministre québécois des Ressources naturelles et de la Faune, a dit que c'était un phénomène temporaire et a cherché à soustraire son gouvernement à sa responsabilité dans cette affaire en disant que personne n'avait prévu une telle contraction des marchés américains. Un autre ministre du gouvernement Charest a dit que l'industrie allait rebondir «dans 18 à 24 mois» et redevenir profitable.
Face à l'opposition des travailleurs forestiers, Charest a dit que l'industrie forestière au Québec faisait face à la pire crise de son histoire et que c'était devenu la priorité de son gouvernement. Il a promis des mesures pour lui permettre de passer à travers cette période difficile. Le ministre Corbeil a commencé à parler de «crise structurelle». Il a dit que son gouvernement a les mains liées dans une grande mesure par les États-Unis, car ceux-ci pourraient prendre des mesures de représailles s'ils croient que le gouvernement québécois «subventionne» l'industrie forestière en baissant le coût de la fibre. Il a dit que l'industrie forestière au Québec ne serait plus jamais la même une fois restructurée.
Les syndicats ont également commenté la situation. la CSN a demandé au gouvernement Charest de créer un comité de gestion de crise. Elle a proposé un programme en cinq points: programmes de formation pour les travailleurs pour les aider à se trouver un nouvel emploi; un véritable programme d'aide aux travailleurs de plus de 55 ans; des programmes de modernisation des usines; plus d'argent pour la recherche et le développement et une réforme de la Loi sur les forêts qui n'a pas changé depuis 1986.
La FTQ reproche au gouvernement du Québec d'avoir été trop vite avec la réforme de la gestion des forêts, notamment quand il a réduit de 20% le volume de bois disponible pour la coupe. Elle demande aussi la création d'un comité de gestion de crise. La FTQ est également d'avis que l'industrie forestière ne sera plus jamais la même. Elle n'aura plus le même niveau d'emploi après la restructuration parce que le prix de la fibre est trop élevé et que le volume de bois disponible pour la coupe continuera de diminuer. Elle demande de meilleurs programmes de formation pour les travailleurs forestiers pour qu'ils se trouvent des emplois dans d'autres secteurs et un programme d'aide aux travailleurs de 55 ans et plus. Elle demande au gouvernement du Québec d'aider financièrement l'industrie à offrir des programmes de pré-retraite pour les travailleurs âgés pour que les plus jeunes ne soient pas mis à pied et d'allouer les fonds nécessaires pour la construction de routes afin de réduire les coûts d'accès aux forêts.
Toute la semaine les travailleurs et les populations locales ont organisé des actions contre ces fermetures et pour exiger que le gouvernement défend leurs moyens de subsistance. La seule autre voix censée, à part Le Marxiste-Léniniste, a été celle de Richard Desjardins, chanteur et défenseur de l'environnement, connu entre autres pour son documentaire sur le ravage de la forêt boréale. Il a sommé le gouvernement du Québec de venir en aide aux travailleurs forestiers et aux régions qu'aux entreprises. Son organisation, Action boréale, s'oppose à ce que la surexploitation de la forêt soit érigée en solution. Les entreprises forestières ont déjà démontré leur irresponsabilité envers l'environnement et les régions, dit-il. «Je pense qu'on n'a pas une cenne à leur donner.» «Il faut que tout l'argent, toutes les ressources dont le gouvernement pourrait disposer, aillent à ceux qui subissent actuellement la crise: les travailleurs.»
(Le Marxiste-Léniniste)
Libellés : Crise dans l'industrie forestière
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