dimanche, octobre 15, 2006

Actualité - La politique étasunienne du "deux poids, deux mesures" • De «bons» murs et de «mauvais» murs

Avec l’adoption de la loi infâme qui permet la construction d’un mur de plus de 1000 km2 tout au long de sa frontière sud, l’administration républicaine de George W. Bush a payé d’un soufflet au président Vicente Fox les six ans de docile servilité dont son gouvernement a fait preuve, en trahissant même les principes qui ont historiquement régi la politique étrangère du Mexique.

Le mur occupera 40% de la frontière mexicano nord-américaine, très surveillée, avec en outre l’emploi de radars, de caméras infrarouges, d’avions téléguidés et de patrouilles militaires. Les zones les plus inhospitalières seront exemptes de construction. Là-bas la mort sera certaine et inévitable.

Sans compter le fait qu’il laisse au nouvel élu Felipe Calderon une situation conflictuelle qui est la dernière chose à laquelle aspirait le tout nouveau dirigeant pour son accession précaire au pouvoir au milieu d’une victoire contestée – bien que ratifiée – dans les urnes.

Les immigrants mexicains ont été utilisés par la Capitole et la Maison Blanche comme monnaie d’échange pour contenter un électorat républicain, conservateur et raciste, qui pourrait priver ses coreligionnaires lors des élections du 7 novembre prochain de la majorité dont ils bénéficient au Congrès s’ils ne font pas preuve de fermeté en verrouillant les frontières avec le Mexique, perdant ainsi la possibilité d’ordonner d’une manière intégrale le flux migratoire entre les deux pays. Et ils démontrent une fois encore le « deux poids deux mesures » de leur politique hégémonique en admettant l’existence de « bons » murs et de « mauvais » murs.

Il n’est pas vain de rappeler que, durant plus de 40 ans, le Mur de Berlin a constitué l’argument de prédilection des campagnes de discrédit contre le socialisme en Europe de l’Est et le fondement médiatique de la Guerre froide.

Aujourd’hui, cependant, Washington et Tel Aviv construisent des palissades contre les Mexicains et les Palestiniens qui dépassent de beaucoup les 144 kilomètres qui séparaient Berlin-Ouest de Berlin-Est, sans que cela scandalise les leaders occidentaux ni les multinationales de l’information qui négligent ce thème dans leurs politiques éditoriales.

On ne comprend pas pourquoi les immigrants mexicains arrivés illégalement par cette frontière soient criminalisés, alors que les Cubains, arrivés souvent par le même endroit ou par la mer de la main de trafiquants d’êtres humains, bénéficient de la Loi de l’Ajustement qui les légalise et leur donne la possibilité de résidence pour le simple fait d’être instrumentalisés par l’empire dans sa guerre contre la Révolution cubaine.

La politique intérieure, une fois de plus, est devenue la raison des aberrations de la politique extérieure des Etats-Unis. Pas d’engagements ni d’alliés, seulement des voix pour continuer de complaire aux secteurs les plus rétrogrades de la société nord-américaine.

Le fanfaron de George W. Bush a du céder devant ces intérêts et se débarrasser une fois pour toutes de ce problème migratoire qui devenait gênant pour lui sur le plan de la politique intérieure. Le dimanche 8 septembre, des immigrants mexicains – qui sont en tout 12 millions, dont la moitié de sans-papiers – ont manifesté dans les rues contre la construction du Mur de la honte, une action qui pourrait se répéter et faire boule de neige.

D’un côté comme de l’autre, des voix s’élèvent contre la décision du Congrès et de l’Exécutif étasunien, dont celles de l’Assemblée législative mexicaine elle-même où à la quasi unanimité, les huit groupes parlementaires qui la composent ont énergiquement critiqué le feu vert donné à l’extension de la construction du mur en la qualifiant de malheureuse et d’erronée, car, ont-ils expliqué, elle n’empêchera pas les sorties illégales mais encouragera au contraire l’utilisation de moyens les plus compliqués et mortels pour ceux qui sont prêts à franchir la frontière.

Le propre gouvernement mexicain a exprimé son rejet car « cela froisse » les relations bilatérales.

Le chef des démocrates au Sénat, Harry Reid, en exprimant son désaccord, a sagement mis en garde : « Nous pouvons construire le mur le plus haut du monde, mais cela ne résoudra pas notre système d’immigration, qui a échoué ».

La Commission mexicaine des droits de l’homme a souligné qu’une telle mesure allait encourager « encore plus le crime organisé à la frontière, engendrer davantage d’insécurité, plus de violence sordide, plus de morts d’immigrants ».

Seulement durant le sextennat de Fox trois millions et demi de mexicains ont traversé la frontière illégalement dont 2 000 d’entre eux ont perdu la vie, sans compter les morts non officiellement enregistrés.

Le Mur a été adopté. L’empereur a ratifié la décision des législateurs. 40% de la frontière mexicano-nord-américaine sera fortement surveillée, avec en outre l’emploi de la haute technologie, comme des radars terrestres, des caméras infrarouges, des avions téléguidées et des patrouilles militaires qui n’auront aucune pitié.

Les secteurs de la Californie, de l’Arizona, du Nouveau-Mexique et du Texas ont été renforcés. Un milliard deux cents millions de dollars ont été dépensés jusqu’à présent pour sa construction, estimée à plus de 6 milliards de dollars.

Seuls les zones dépeuplées et inhospitalières resteront exemptes de construction. Là-bas la mort sera certaine et inévitable.

On parle peu, cependant, du nœud du problème. Les sans-papiers mexicains seront considérés comme des criminels et des terroristes car le mur continuera d’être construit – 120 km sont déjà construits –, sous le mobile de la sécurité nationale nord-américaine, le même qui depuis le 11 septembre sert de prétexte à Washington pour ses pires félonies dans le monde entier.

Ce que l’empire et les gouvernements de la région comme celui de Fox passent sous silence, c’est que ces sans-papiers sont l’expression concrète des inégalités économiques entre les Etats-Unis et ses voisins à la suite de l’imposition d’un modèle qui a appauvri et exclu historiquement les latino-américains sur leur propre sol, et pour lesquels, comme l’ont avancé certains, le Nord du Rio Bravo est devenu l’unique solution.

(Granma International - Nidia Diaz)

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