samedi, avril 15, 2006

Dossier actualité - Libre-échange

Franc-Parler publie, à titre d’information, une analyse sur le libre-échange de l’époque de la signature de l’Accord de libre-échange de 1987 Canada-Étas-Unis et une dépêche de Prensa Latina News Agency sur la conclusion de la Ve Rencontre hémisphérique de lutte contre la ZLÉA. Les nouveaux accords annexionnistes du Partenariat pour la prospérité et la sécurité de l’Amérique signés en 2005, mettent en lumière l’accélération de l’annexion du Canada dans toutes les sphères de l’État par les États-Unis. Franc-Parler appelle toutes et tous à s’engager dans un projet d’édification national pour affirmer la souveraineté et restreindre le droit des monopoles.
À titre d'information
Un accord historique sur le libre-échange contre l'appui sur ses propres forces et des échanges égaux pour l'avantage réciproque
- Hardial Bains -

L'Accord de libre-échange Canada-États-Unis de 1987, et son extension ultérieure pour inclure le Mexique en 1993 avec l'Accord de libre-échange nord-américain, établissent la base économique de l'intégration plus poussée du Canada et du Mexique à l'économie américaine.

Lorsque le gouvernement de Brian Mulroney a signé les deux traités de libre-échange, il a invoqué son autorité légale, au plus grand mépris de la volonté populaire. Sa fameuse thèse était que les politiciens, parce qu'ils sont élus, ont «un mandat de faire ce qui est nécessaire» et plutôt que «ce qui est populaire», thèse qui fut réfutée par l'élection de 1993, lorsque les conservateurs ont subi une cuisante défaite, ne recueillant que deux sièges au parlement. Dans cette élection, les libéraux de Jean Chrétien avaient fait campagne avec la promesse de rouvrir l'accord, mais une fois élus ils ont renié leur promesse et entériné l'accord.

Avec la signature, en mars 2005, du Partenariat pour la prospérité et la sécurité de l'Amérique du Nord par le Canada, les États-Unis et le Mexique, l'oligarchie financière veut accélérer l'annexion politique, sociale et militaire aux États-Unis sous le contrôle des États-Unis des Monopoles d'Amérique du Nord. Dans ce contexte, il est crucial que la classe ouvrière et les peuples d'Amérique du Nord se donnent un programme politique indépendant de celui des monopoles. Cela doit comprendre l'opposition à l'annexion en s'engageant dans un projet d'édification nationale et en renforçant l'unité et la coopération dans la défense des droits de tous.

Le Marxiste-Léniniste reproduit à titre d'information la position du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) au moment de la signature de l'accord de libre-échange en 1987. L'article fut écrit par Hardial Bains sous le pseudonyme de B. Paul et publié dans Le Nouveau Magazine hebdomadaire (Novembre 1987) et plus tard sous forme de brochure.

* * *

Le gouvernement Mulroney a utilisé le terme «historique» pour décrire l'accord sur le libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Nous ne lui chercherons pas querelle là-dessus. Nous tenons cependant à souligner que cet accord est un développement négatif qui, à court et à long terme, sera préjudiciable aux intérêts du peuple canadien. Parmi les forces en présence dans l'arène politique, beaucoup se sont écriés que l'accord était une «trahison» ou une atteinte à la souveraineté du Canada. Le Parti libéral et le NPD ont fait part de leur opposition. C'est inquiétant de voir que le pays entier a été divisé sur cette question. Chacun est pour ou contre. Le gouvernement semble très satisfait de la situation, comme d'autres d'ailleurs qui ont de l'influence sur l'opinion publique.

On dit généralement que les guerres commerciales sont inhérentes à l'ordre économique mondial actuel, et c'est connu également que les guerres commerciales conduisent à la guerre. L'accord de libre-échange, qu'on dit historique et qui a provoqué de telles passions de part et d'autre, est un signe que les guerres commerciales ont pris de nouvelles dimensions. Il ne met pas fin à la guerre commerciale entre le Canada et les États-Unis, il marque tout simplement un niveau plus élevé. Les financiers, les banquiers, les monopolistes, bref les géants de l'économie, ont intensifié la lutte qu'ils se mènent l'un l'autre. De nombreuses fusions, acquisitions et faillites ont marqué une nouvelle étape de la concentration de la production et du capital depuis la crise de 1981-1982, et aussitôt on s'est mis à réclamer des marchés de tous côtés. Des guerres commerciales toujours plus féroces devaient inévitablement s'ensuivre.

Cet accord qui est supposé mettre fin à la guerre commerciale entre le Canada et les États-Unis n'atteindra pas son objectif, et tout cela montre que les guerres commerciales ont atteint un point dangereux.

Les porte-parole des deux gouvernements tiennent un discours assez ambigu au sujet de l'accord. D'une part ils disent être contre le protectionnisme et pour le libre-échange, mais en même temps ils promettent à certains secteurs concernés le maintien du protectionnisme. Le libre-échange et le protectionnisme sont les cris de bataille des combattants des guerres commerciales. Le libre-échange n'est pas conçu pour abolir le protectionnisme, et le protectionnisme n'est pas conçu pour abolir le libre-échange. Il s'agit de deux armes tout aussi utiles l'une que l'autre pour mener la guerre commerciale, comme en témoigne de façon manifeste l'accord qui vient d'être signé.

Un des aspects les plus importants du débat entourant les négociations sur les libre-échange était la question de l'accès aux marchés étrangers. Beaucoup brûlaient d'envie d'aller pénétrer le gigantesque marché américain. Ils étaient prêts à abandonner le marché canadien aux Américains sans la moindre hésitation. Et beaucoup d'Américains pensent que les Canadiens auraient dû agir ainsi il y a longtemps, car selon eux, il doit y avoir libre concurrence, et que le meilleur gagne. Ainsi, avec l'accord sur le libre-échange on a proclamé l'abolition des barrières inter-monopolistes et l'on a donné feu vert à la concurrence inter-capitaliste. Les gouvernements et le peuple doivent rester à l'écart et laisser les géants de l'économie s'empoigner dans une lutte à finir pour la domination complète.

L'accord du libre-échange a montré que les monopoles et les géants de l'économie veulent abolir tout ce qui vient entraver leur marche. Ils veulent un accès aux marchés qui soit, non pas libre, mais en leur faveur. Ils veulent et le protectionnisme et le libre-échange, favorisant un aspect et défavorisant un autre, selon ce qui convient à leurs intérêts. Personne n'est patriote américain ou canadien dans cette affaire. Chacun est patriote de ses propres intérêts économiques, rien de plus. Cela les conduits de temps à autres à forger entre eux des alliances qui outrepassent toute délimitation de nationalité et de citoyenneté. Ainsi, on trouvera des Américains et des Canadiens qui usent du même langage. Il est intéressant de noter, par exemple, que Robert White, président du syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile, s'est joint aux chefs de diverses grandes entreprises de l'industrie de l'automobile et des pièces d'automobiles, dont la plupart ont leur siège social aux États-Unis.

Bien que ce soit les monopolistes du Canada et des États-Unis qui soient les premiers concernés dans cette affaire une énorme pression pèse sur le reste de la population pour que tous et chacun prennent parti d'un côté ou de l'autre. Les développements dans la sphère économique sont sans l'ombre d'un doute un sujet de grande préoccupation pour le peuple. Non seulement les gens y sont mêlés de façon objective, mais ils devraient s'en mêler davantage et pleinement. Mais ce que veulent les géants de l'économie, c'est que tous se rangent d'un côté ou de l'autre dans le combat inter-monopoliste. Ainsi, lorsque Bob White sonne l'alarme et déclare que l'accord sur le libre-échange se traduira par des pertes d'emplois pour les travailleurs de l'automobile, il semble dire que nous devons prendre position d'un côté ou de l'autre de la ligne tracée par les monopoles rivaux.

À l'écouter parler; on croirait que Bob White ne s'intéresse qu'à protéger les emplois des travailleurs de l'automobile. Si c'est le cas, alors ses propos ne doivent pas être pris au sérieux, car l'enjeu est non pas les emplois dans tel ou tel secteur de l'économie, mais l'avenir de la société dans son ensemble. Si nous n'abordons pas le problème dans cette perspective, tous les efforts et sacrifices pour un monde sans crise ni exploitation seront vains. Ce n'est pas très édifiant d'aborder les choses de façon étroite. Prenez, par exemple, la position du syndicat des ouvriers des brasseries. Au début, il protestait contre l'accord de libre-échange en disant qu'il menaçait les emplois des travailleurs des brasseries. Mais maintenant, convaincu que l'accord ne touchera pas les brasseries, il a la conscience tranquille et se dit satisfait. Cette façon étroite de voir les choses est très préjudiciable aux intérêts du peuple.

Nous sommes à la fois contre le protectionnisme et contre le libre-échange, non pas parce que quelques emplois seront perdus ou créés, mais parce que nous nous sommes engagés à répondre aux préoccupations populaires. Il s'agit d'une position de principe qui tient compte des intérêts du peuple à court et à long terme. Nous ne pouvons nous contenter de manifester en appui à tel ou tel monopole ou à tel ou tel secteur. Les gens doivent prendre une position qui soit dans l'intérêt collectif, ils doivent élever leur conscience et s'élever eux-mêmes au-dessus des intérêts étroits pour épouser les idéaux supérieurs. Cela rehausserait leur moral car ils pourraient alors défendre une position qui leur est propre et qui est en leur faveur.

Que des emplois soient créés ou supprimés dans tel ou tel secteur, ce n'est pas vraiment la question. La question c'est que d'un côté et de l'autre on ne veut pas que le peuple ait une position qui lui soit propre et sache la vérité. On ne veut pas lui dire que les crises économiques ne sont pas causées par le protectionnisme ou le libre- échange, et que ces deux armes des guerres commerciales conduisent à la guerre généralisée. Au lieu d'en appeler à la vigilance face à un tel danger, on encourage un esprit guerrier. On voudrait amener le peuple à combattre pour des intérêts tout à fait étroits, et à abandonner les grands idéaux de l'humanité.

Par exemple, les partisans du libre-échange invoquent le nom du Canada et chantent des hymnes à propos des grands bénéfices à tirer du libre-échange, à propos des emplois qui seront créés, etc. Ils disent aux Canadiens d'être patriotiques et de lutter pour cette grande cause. Les opposants font l'inverse. Mais personne dans ce débat ne dit au peuple qu'il faut s'écarter de cette voie dangereuse. Pour tous les contradicteurs, tout est parfait en autant que les gens se rangent d'un côté ou de l'autre. Nous ne sommes pas du tout d'accord. C'est inquiétant de voir le NPD, qui est supposé être le parti de la paix, favoriser une continuation des guerres commerciales, lesquelles conduisent à des conflagrations générales. A notre avis, c'est une position extrêmement dangereuse, et si les néo-démocrates ou les libéraux en viennent à former le prochain gouvernement, il faudra être très vigilant.

Si nous voulons résoudre les crises économiques, il nous faut laisser de côté, ne serait-ce que pour un court instant, tout le débat sur le libre-échange, et nous pencher sur l'économie, examiner son fonctionnement, le but de la production, ses structures, son organisation, l'ampleur de la grande production, son niveau scientifique et technique, et surtout se demander qui possède et contrôle réellement les moyens de production. Alors seulement nous verrons que l'accord sur le libre-échange est un signe de l'intensification des guerres commerciales et qu'il faut se parer à toute éventualité, car les guerres commerciales conduisent à des guerres généralisées. À notre avis, pendant tout ce temps oÿ l'on tient des audiences publiques et mandate des commissions spéciales pour débattre du problème, l'économie n'est pas analysée. S'il en est ainsi, et les faits montrent qu'il en est ainsi, alors nous devons y voir nous-mêmes.

Pour que l'échange commercial profite à la société, il faut d'abord que le but de la production soit de profiter à la société. Comment le commerce extérieur d'un pays peut-il profiter à son peuple si l'économie n'est pas organisée à cette fin? Si la production a pour but de profiter aux propriétaires privés, comment alors le commerce peut-il bénéficier à la société? Ne vaut-il pas qu'on s'arrête un peu pour réfléchir à cet aspect? A notre avis, c'est tout à fait nécessaire si nous voulons être en mesure de comprendre ce qui se passe. Deuxièmement, si le but de la production est de créer des profits pour les propriétaires, ces derniers ne chercheront-ils pas à se servir du commerce national et international à la même fin? Ne concluraient-ils pas des alliances qui leur soient profitables? Finalement, l'avantage réciproque peut vouloir dire bien des choses, dépendamment de la façon dont on aborde la question. Lorsque le profit est approprié de façon privé, tout avantage obtenu d'un échange avec d'autres sera également approprié de façon privée. Avant de parler d'échange égal, d'avantage réciproque et d'une économie qui s'appuie sur ses propres forces, il faut d'abord connaître le but de la production.

On nous a répété sans arrêt que l'accord de libre-échange allait profiter au peuple. Dans ses nombreuses brochures sur le sujet, le gouvernement déclare entre autres que «les Canadiens savent de leur expérience que le commerce profite à tous et chacun». Pourquoi cette insistance? Pourquoi se donne-t-il la peine de répéter des choses pareilles? Précisément parce qu'il craint l'opinion populaire. Il sait que sans de telles phrases, les gens n'accepteraient pas l'accord. En réalité, ni le libre-échange ni le protectionnisme ne profite au peuple. Dire le contraire c'est jouer un tour sinistre. Les gens civilisés et cultivés ne parlent pas de la sorte; ils prennent une attitude sobre et sérieuse envers les problèmes du peuple et abordent les choses de façon scientifique.

À notre avis, le commerce international est une très bonne chose. Il rapproche les peuples étrangers et contribue à la compréhension mutuelle. Mais ouvrir le Canada à l'investissement étranger est-il un exemple de commerce international? En quoi consiste l'échange? Ta vie pour l'argent? Cet accord historique dont on parle ouvre la porte à la multiplication des acquisitions par des investisseurs américains. La démagogie n'y change rien. De même, comment peut-on qualifier de commerce international le fait de troquer la culture, l'éducation, les activités sociales et les loisirs? Drôle d' «échange culturel» si les investisseurs américains contrôlent toute la culture du Canada et le Canada n'a rien. Les Canadiens engagés dans le domaine culturel peuvent-ils progresser s'ils doivent se soumettre au gré des investisseurs américains? Serait-ce un autre exemple de commerce international?

L'aspect le plus difficile à avaler dans toute cette affaire, c'est que l'accord du libre-échange troque non seulement notre présent, mais notre avenir aussi. À notre avis, on ne peut parler d'un accord commercial, car il s'agit en réalité d'un accord donné aux États-Unis leur permettant d'avancer à toute vitesse vers l'acquisition économique du Canada. Les États-Unis exercent déjà un contrôle militaire par l'entremise de l'OTAN et de NORAD; l'indépendance politique sera préservée pour la forme, tout juste pour ne pas obliger les Américains à envoyer ici leur intendant. D'autre part, l'accord ne prévoit aucune place pour les aspirations du peuple, ses luttes, ses préoccupations et ses angoisses. Au contraire, il l'invite à renier ses intérêts et à prendre le parti d'un côté ou de l'autre dans le débat.

L'histoire condamnera le gouvernement Mulroney pour avoir soumis tout et n'importe quoi au troc international. Cet accord historique couvre tous les aspects de la vie économique, sociale et culturelle. Les négociateurs n'ont trouvé rien qui soit assez valable pour y être soustrait. Et pour les libéraux et les néo-démocrates, et particulièrement ces derniers, seules les questions qui moussent l'égocentrisme national méritent l'attention. En plus de soulever une clameur à propos des emplois qui seront perdus, ils se lamentent au sujet de la souveraineté nationale, mais sans jamais préciser leur pensée. Par exemple, le NPD n'est pas contre l'investissement étranger; il ne s'oppose pas à ce que l'économie soit contrôlée de l'étranger. Mais comment peut-il parler de souveraineté nationale s'il laisse complètement de côté toute la question de l'économie nationale, c'est-à-dire la question de la propriété? Nous nous souvenons très bien du «nationalisme» néo-démocrate qui exigeait que les voitures japonaises vendues au Canada aient une certaine teneur d'éléments d'origine canadienne. C'est le genre de nationalisme qui est prêt à s'accommoder à n'importe qui et n'importe quoi.

Dans ce débat concernant l'accord de libre-échange, nous ne prendrons jamais parti pour ou contre. Assurément, nous dirons NON si jamais l'accord est soumis à un référendum, mais ce sera un NON aux deux groupes de contradicteurs. Nous dirons OUI aux intérêts populaires, à une économie qui s'appuie sur ses propres forces et à des échanges égaux pour l'avantage réciproque.

Sur la question de l'accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, des divergences d'opinion continuent de surgir, mise à part la divergence évidente entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Mais en ce qui concerne l'effondrement du marché boursier, il semble y avoir consensus. Certaines fractions au parlement et dans la société exagèrent les conséquences du libre-échange; en même temps elles minimisent l'impact de l'effondrement du marché boursier sur l'économie. Le libre-échange provoque de vives émotions, à tel point que le premier ministre albertain Don Getty s'est mis à proférer des menaces terribles, bien que très générales, alors que Simon Reisman qualifie ses adversaires de nazis. À notre avis, l'impact du krach sur l'économie est d'une grande importance pour le peuple, alors que le libre-échange ne l'est pas vraiment.

L'effondrement du marché boursier remet en question la valeur du système capitaliste. Devrions-nous avoir pour système un mode qui n'évolue que par des secousses violentes et qui cause de si grandes misères, ou devrions-nous en avoir un autre? Là-dessus, pas de divisions au parlement, pas de fractions rivales, car les parlementaires ne sont pas intéressés à discuter de cette question fondamentale. Le système que nous avons actuellement est pour eux le meilleur qui soit. Sur la question du libre-échange, par contre, il y a des dollars et des sous en jeu pour les riches et les puissants. Pour certains d'entre ces derniers, l'accord de libre-échange sera favorable, du point de vu financier, pour d'autres il ne le sera pas. Voilà le nœud de la question.

Libre-échange: le conflit persiste

Quel que soit le dénouement du conflit sur le libre-échange, une chose est claire: il ne concerne pas le commerce et l'échange. Il concerne plutôt la restructuration de l'économie canadienne par rapport à l'économie américaine. Cela, les fractions qui se sont fait jour au parlement et dans la société le savent très bien. Pour elles le problème réside dans le fait que les États-Unis soient le plus fort des deux partenaires. En effet, comment avoir une relation profitable avec eux sans d'abord accepter un accord qui les avantage carrément? C'est de là que proviennent les nouvelles divisions et les nombreux déboires. D'autre part, qu'on le veuille ou non, la discussion ne peut échapper à la question d'avoir au Canada une économie qui s'appuie sur ses propres forces. Tant que l'intérêt américain demeurera l'atout dans cette affaire, il y aura des fractions et des divisions, alors que si l'on acceptait l'appui sur ses propres forces comme principe fondamental guidant le développement de l'économie canadienne, les fractions disparaîtraient.

À notre avis, cette question de l'intérêt américain est directement liée elle-aussi à la recherche de profits. Chacun prend position pour ou contre le libre-échange selon que l'accord serve ses intérêts particuliers. Mais aucun des contradicteurs ne s'intéresse au sort de l'économie canadienne dans son ensemble. Malgré leur grand effort à tous pour faire du libre-échange la question de l'heure, ce qui ressort le plus nettement c'est leur désintéressement total des véritables problèmes de l'économie. Ils parlent de restructurer l'économie et crient sur tous les toits qu'eux seuls ont la chose à cœur, mais ils ne sont pas disposés à discuter des vrais problèmes de l'économie! C'est une farce sinistre, et elle se joue à l'heure où le peuple est profondément préoccupé par l'instabilité de l'économie. L'effondrement du marché boursier est une réalité qui bouleverse le peuple, mais il semble n'avoir aucune importance pour ceux qui veulent restructurer l'économie avec un accord de libre-échange. La santé de l'économie n'est donc pas leur préoccupation; ils prêchent pour leur propre chapelle.

L'intérêt américain: la pierre d'achoppement

Pourquoi les Américains accepteraient-ils un accord qui n'est pas dans leur intérêt? Serait-ce par crainte que le Canada se tourne vers le japon et d'autres pays de l'anneau du Pacifique, vers la CEE ou encore vers l'Union soviétique? Ces options ont déjà été discutées, mais les États-Unis sont demeurés malgré tout le principal partenaire commercial du Canada, qui domine le Canada du point de vue économique et autres. Non seulement les Américains ne craignent pas un tel revirement, mais encore ils imposent leurs propres intérêts d'une manière tout à fait brutale. L'accord de libre-échange - que le président Ronald Reagan considère comme le plus grand événement du XXe siècle et que le gouvernement Mulroney et d'autres applaudissent comme étant profitable pour le Canada - est un de ces mécanismes économiques brutaux qu'utilise le plus fort pour imposer sa loi au plus faible.

L'attitude que l'on prend envers les États-Unis en matière économique est de la plus haute importance. On posera le dilemme: la prospérité par l'appui sur ses propres forces, qui exigera beaucoup de travail et de sacrifices mais qui en fin de compte en vaudra la peine, ou la dépendance, qui non seulement ne conduirait jamais à la prospérité mais entraînerait le Canada dans les guerres d'ingérence et d'agression des États-Unis. Le Canada n'a vraiment pas d'autre choix que l'appui sur ses propres forces. C'est la seule façon de faire sauter la pierre d'achoppement.

L'intérêt monopoliste: principal partisan de la dépendance économique

À notre point de vue, les plus grands défenseurs de la dépendance économique et de l'intérêt américain sont les monopoles qui dominent divers secteurs économiques. Certains d'entre eux, et souvent les plus puissants, sont contrôlés par des intérêts américains. Bien qu'ils semblent lutter pour le Canada dans ce conflit du libre-échange, leur véritable motif est de faire valoir leur propre croissance et développement par rapport à ceux des États-Unis. Ils ne sont pas disposés, naturellement, à préconiser un Canada qui s'appuie sur ses propres forces en matière économique. Les monopoles qui sont canadiens ne voient eux non plus aucun avantage à favoriser une économie qui s'appuie sur ses propres forces. Leur intérêt est servi lorsque l'économie canadienne dépend des États-Unis et lorsque les Américains font la loi dans le monde. L'âpre concurrence entre eux ne fait pas en sorte que les uns soient plus patriotes que les autres. Pour eux la condition primordiale pour avancer c'est que les États-Unis non seulement préservent leur zone d'influence mais l'étendent aux dépens de leur rival, l'Union soviétique; puis que le système capitaliste ne soit d'aucune manière en danger. Bref, ils peuvent faire des déclarations qui semblent patriotiques et même entrer en guerre, mais ils le font toujours dans leur propre intérêt particulier, jamais dans l'intérêt d'une économie qui s'appuie sur ses propres forces.

Libre-échange et échange forcé

Nous nous opposons non seulement à cet accord de libre-échange, mais aussi à l'idée du libre-échange. Nous sommes également contre l'échange forcé. On nous dit que notre prospérité dépend d'une augmentation de nos exportations, et donc que nous sommes forcés à commercer avec l'étranger. L'accord de libre-échange avec les États-Unis, dit-on, ouvrirait un plus grand marché aux exportations canadiennes. L'idée d'un échange qui soit libre alors qu'il existe des superpuissances comme les États-Unis est une idée extrêmement dangereuse. À notre avis, le libre-échange est possible seulement lorsque aucune puissance ne menace la liberté et l'indépendance des peuples. Le libre-échange sera possible seulement entre des nations et peuples libres. En attendant, le commerce, comme tous les autres aspects de l'économie, doit être strictement contrôlé. Dans les conditions d'aujourd'hui on ne peut préconiser le libre-échange par principe. Tout doit être planifié et négocié avec les partenaires sur la base de l'avantage réciproque. Et la première chose à planifier c'est l'économie; dont le commerce fait partie. Puis il faut planifier et pratiquer le commerce international en visant l'avantage réciproque. Il n'y a pas d'autre façon de garantir la prospérité ou le développement économique. Penser que nous sommes obligés de faire du commerce avec les États-Unis, ou que le libre-échange apporte une solution en ce qu'il ouvrira le marché américain aux Canadiens, c'est commettre une grave erreur. Tout cela ne conduirait qu'à placer le Canada encore plus à la merci des États-Unis.

Le conflit du libre-échange

L'aspect le plus frappant dans ce conflit du libre-échange - que certains appellent un débat - c'est qu'il a placé à l'ordre du jour la question de la souveraineté du peuple. Ni le gouvernement Mulroney ni l'opposition ne semblent avoir fait belle figure à cet égard. Si Brian Mulroney et son gouvernement n'agissent pas dans le meilleur intérêt du peuple, les libéraux et néo-démocrates, eux, réclament la préservation du statu quo, la passivité face à ce conflit brutal qui fait rage dans les conditions d'une crise économique qui s'approfondit et s'élargit. Même à court terme, le gouvernement et l'opposition offrent une bien piètre performance, et le peuple est extrêmement inquiet.

Le gouvernement Mulroney, divers premiers ministres provinciaux, dont Robert Bourassa et Don Getty, et divers groupes monopolistes soutiennent que l'accord de libre-échange apportera la prospérité et une croissance de l'emploi grâce à un plus grand accès au marché américain. Ils soutiennent également que tout le monde bénéficiera d'une baisse des prix à la consommation. Un des éléments clés de leur raisonnement c'est qu'aujourd'hui les États-Unis risquent d'affaiblir le Canada avec leurs mesures protectionnistes, et donc que le libre-échange est nécessaire pour stopper ce processus.

Nous ne croyons pas que ce soit une façon bien logique de raisonner. Si le but est la prospérité, alors pourquoi ne pas restructurer l'économie de sorte qu'elle s'appuie sur ses propres ressources? Certains de dire que cela signifierait le socialisme. Si c'est le cas, où est le mal? Si l'appui sur ses propres ressources signifie le socialisme, alors tant mieux. Faudrait-il s'abstenir d'établir une économie qui s'appuie sur ses propres ressources en tant que pierre angulaire de notre prospérité et de la souveraineté populaire juste parce que certains n'aiment pas le socialisme? L'appui sur ses propres forces sera également une arme invincible contre le protectionnisme des États-Unis. Par contre, ce que proposent le gouvernement et ses alliés ne ferait qu'affaiblir l'économie et accroître la domination américaine.

Ceux qui sont contre l'accord de libre-échange soutiennent également qu'il faut combattre le protectionnisme américain et disent que l'accord en question n'y parviendra pas. Ils disent entre autres que l'accord conduira à la suppression d'un grand nombre d'emplois, à la destruction de certaines industries et la mise en tutelle de la souveraineté canadienne. Ils sont contre l'accord global, mais ils seraient en faveur d'une série d'accords sectoriels, comme le pacte de l'automobile. Eux non plus ne réclament pas une économie qui s'appuie sur ses propres forces.

Le commerce international

Bien que nous soyons en faveur du commerce international, nous ne le croyons pas indispensable. Les rapports réciproques entre nations en matière économique, culturelle et autres font partie de la réalité contemporaine. C'est indéniable. Tout aussi indéniable cependant est le fait que les pays les plus forts se servent de ces sphères d'activité pour pénétrer dans d'autres pays et s'emparer du contrôle de leur vie économique. L'accord de libre-échange permettra aux Américains d'accroître leur domination. D'autre part, le commerce international n'est pas indispensable à la prospérité. La prospérité dépend de mesures intérieures, comme par exemple l'application du principe de l'appui sur ses propres forces en matière économique. Le commerce international peut aider à la prospérité, mais celle-ci ne sera jamais garantie tant que l'économie ne s'appuie pas sur ses propres ressources. Tant les monopoles que les géants internationaux s'opposent à l'appui sur ses propres forces en matière économique, mais par contre ils se servent du commerce international pour arracher des marchés à leurs compétiteurs.

Le patriotisme

Ce conflit sur la question du libre-échange soulève de vives émotions; de part et d'autre on s'échange accusations et contre-accusations. On va même jusqu'à se traiter traître; on dit que l'accord de libre-échange est un accord de trahison. Simon Reisman, négociateur en chef du gouvernement canadien, a dit que ses adversaires se servent de techniques de propagande nazies. Les libéraux et néo-démocrates, ainsi que certaines centrales syndicales, ont qualifié le gouvernement de traître et de vendu. Pourquoi tant d'emportement patriotique? Pourquoi tout ce brouhaha, puisqu'un vrai patriote réclamerait une économie qui s'appuie sur ses propres forces? La raison principale est que ceux qui utilisent des phrases pareilles désirent jeter de la poudre aux yeux de sorte que personne ne comprenne ce qui se passe - et que personne ne s'aperçoive de leur véritable rôle. La dure réalité demeure que l'accord du libre-échange est effectivement une trahison des intérêts du peuple, un geste qui causera du tort à l'économie. La question se pose donc: que faire face à cette trahison?

Certains réclament la tenue d'élections générales pour que le gouvernement Mulroney soit remplacé. Personne ne serait surpris si, après une défaite des conservateurs aux élections, les libéraux forment le gouvernement et appliquent exactement la même politique, ou une politique similaire.

À notre avis, ce qu'il faut c'est discuter des questions économiques avec sérieux et convaincre le peuple que seule une économie qui s'appuie sur ses propres forces peut d'une part apporter la prospérité, et d'autre part permettre de résister aux tentatives de domination par une puissance étrangère. Mais au lieu de cela on parle à tort et à travers de patriotisme. Et très souvent, les plus bruyants sont les plus grands traîtres.

Les États-Unis et le Canada: deux pays différents

Le syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile a donné une nouvelle teinte au conflit sur le libre-échange. Dans une annonce de deux pages publiées dans le Globe and Mail, il présente le Canada sous les couleurs d'une société juste et équitable:

«Nous avons bâti un pays très différent des États-Unis parce que plusieurs générations de Canadiens ont partagé la vision d'une société humanitaire, respectable et juste. [...] Les Canadiens possèdent un régime d'assurance-maladie qui garantit de bons soins de santé à tous et chacun et pas seulement à ceux qui peuvent se le permettre. Nous avons des programmes sociaux qui répondent aux besoins des personnes âgées, des nécessiteux, des sans-abri et des malades. [...] Nous vivons dans un milieu multiculturel en plein épanouissement. Nos concitoyens vivent en toute sécurité.»

Quel rapport tout cela a-t-il avec le libre-échange? Les États-Unis et le Canada sont tous deux des pays capitalistes modernes et, en langage scientifique, des pays capitalistes monopolistes d'État. Ce syndicat cherche-t-il à insinuer que le capitalisme canadien est meilleur que le capitalisme américain? Ce qu'il insinue, évidemment, c'est que l'accord de libre-échange menacerait de faire disparaître tous les bons aspects du capitalisme canadien!

En Chambre des communes Ed Broadbent, chef du NPD, a accusé Mulroney d'avoir abandonné la tradition des premiers ministres canadiens, «depuis sir John A. MacDonald jusqu'à Pierre Elliot Trudeau, passant par John Diefenbaker», tradition qui consiste à bien comprendre «qu'il est absolument essentiel que le Canada dispose de la plus grande souveraineté économique possible.»

À écouter parler les adversaires du libre-échange, on croirait que le Canada possède une économie indépendante et qui s'appuie sur ses propres forces, mais qui serait menacée par l'accord de libre-échange. En réalité, de tous les pays industrialisés du monde, c'est au Canada que le degré de propriété étrangère de l'industrie est le plus élevé. Les compagnies étrangères détiennent plus de la moitié des capitaux du secteur manufacturier, des industries du pétrole et du gaz, et possèdent une partie considérable de l'industrie des mines et de l'extraction, etc. Depuis deux ans l'acquisition de compagnies canadiennes par des étrangers s'est intensifiée. De juillet 1985 à la fin de 1986, des étrangers avaient versé plus de 22 milliards de dollars pour l'acquisition de compagnies canadiennes, et les deux tiers de cette somme provenaient d'investisseurs américains. L'accord de libre-échange relâcherait davantage les règles relatives aux acquisitions étrangères et donnerait une impulsion au processus en cours.

Mais la domination étrangère au Canada n'a rien de neuf. Elle cadre parfaitement avec «la tradition depuis John A. MacdDonald jusqu'à Pierre Elliot Trudeau, passant par John Diefenbaker», pour qui il n'y a jamais eu d'autres façons de développer l'économie canadienne que d'attirer des investissements étrangers, d'abord de Grande-Bretagne et plus tard des États-Unis, avec comme résultat inévitable la domination des États-Unis dans les sphères économique et politique et dans les autres aspects de la vie au Canada, et même dans l'exportation de capitaux canadiens.

Ed Broadbent est particulièrement suspect lorsqu'il parle de la tradition de John A. MacDonald. MacDonald fut un protectionniste. Il érigea des barrières tarifaires et freina l'entrée d'importations américaines bon marché. Son but était de créer un genre de marché fermé qui entre autres attirerait les investisseurs britanniques en leur épargnant la concurrence américaine. Au lieu de développer une économie qui s'appuie sur ses propres forces, le Canada fut dominé d'abord par le capital britannique et ensuite par le capital américain, chacun cherchant à satisfaire ses propres intérêts. Au début du XIXe siècle les entreprises américaines commencèrent à établir des filiales au Canada, lesquels pouvaient profiter de ces barrières tarifaires qu'avait érigées MacDonald, puisqu'elles devenaient des producteurs sur le marché intérieur. Les compagnies américaines allaient par la suite dominer l'économie canadienne. À quoi donc pensent les néo-démocrates lorsqu'ils disent vouloir poursuivre la tradition depuis MacDonald jusqu'à Trudeau?

Les bons et les méchants

Il est intéressant de noter que le syndicat des travailleurs de l'automobile, le Parti libéral et le NPD considèrent que d'une part il y a les bons: eux et le Canada, et d'autre part les méchants: les États-Unis et le gouvernement Mulroney. «Eux», les méchants, sont capables de grandes méchancetés, mais pas «nous». «Nous» ne ferions jamais de choses pareilles. Peut-on raisonner de la sorte? Peut-on dire: «Je défendrai mon pays, qu'il ait tort ou qu'il ait raison»? Ce semble être l'esprit qui se dégage de toutes ces accusations et contre-accusations.

Une position fondée sur des principes ne peut être préjudiciable à d'autres. Par exemple, le principe de l'appui sur ses propres forces est à l'avantage de tous les peuples. Il aidera tous les peuples et nations qui le respectent. Mais les discours des contradicteurs du libre-échange est très dangereux. Ils font beaucoup de tapage, mais sans défendre aucun principe.

Par exemple, si d'une part ils s'opposent à l'accord du libre-échange, d'autre part ils soutiennent le pacte de l'automobile, qu'ils disent être à l'avantage du Canada. Le pacte de l'automobile signé en 1965 a permis aux trois géants américains de l'automobile de pénétrer dans le marché canadien, et de là les marchés des pays jouissant du traitement de la nation la plus favorisée. Entre autres dispositions, le pacte permet aux compagnies américaines d'importer des voitures et pièces automobiles d'outre-mer sans payer de droits tarifaires. Grâce à cette disposition elles ont épargné plus de 300 millions de dollars l'année dernière. En échange elles ont promis de fabriquer au Canada autant de voitures qu'elles y vendent.

En Chambre des communes, le chef du NPD Ed Broadbent a soutenu que le pacte de l'automobile est un accord de libre-échange pour l'industrie de l'automobile. «Si jamais le gouvernement appliquait un pacte semblable dans l'ouest du Canada, il aurait notre appui à 100 p. cent, a-t-il dit. Nous voulons ses mesures de garantie des investissements». Le chef libéral John Turner croit lui aussi que le pacte de l'automobile est un accord sectoriel qui garantit «la part du Canada sur le marché de l'automobile», bien qu'aucun des trois grands fabricants d'automobiles ne soit canadien.

Il n'y a pas de bons et de méchants. Le peuple ne veut pas savoir qui sont les bons et qui sont les méchants. Ce qu'il veut, c'est une analyse des causes des problèmes économiques et des solutions. En plus de tout embrouiller, parler de bons et de méchants empoisonne l'atmosphère.

L'analyse du Conseil économique du Canada

Beaucoup de partisans de l'accord de libre-échange soutiennent que le Canada n'a pas le choix, étant données la puissance et l'attitude protectionniste des États-Unis. D'autres cependant essaient de justifier l'accord du point de vue économique, d'expliquer comment le Canada en bénéficierait.

Le Conseil économique du Canada, par exemple, est retourné au XVIIe siècle pour emprunter les théories d'Adam Smith et de David Ricardo en faveur du libre-échange:

«La théorie de l'avantage comparatif soutient que les nations se spécialiseront dans la production des marchandises à laquelle elles sont les plus aptes et que la libéralisation du commerce apportera des bénéfices à tous les partis concernés, à causes des différences dans les coûts relatifs. Les nations peuvent bénéficier à produire chez elles les biens pour la production desquels elles sont comparativement plus efficaces et à importer ceux pour la production desquels elles sont comparativement moins efficaces. Avant tout, le libre-échange encouragera la spécialisation internationale et créera une très grande gamme de biens et services dans laquelle puiser à un coût réel plus bas, pour les consommateurs et producteurs, que si tout était produit au pays.» (Impact of Canada-U.S. Free Trade on the Canadian Economy, Economic Council of Canada, Discussion Paper no. 31.)

Avec cette justification en poche, les capitalistes britanniques en herbe du XIXe siècle commencèrent à inonder le monde de leurs produits manufacturiers à bon marché. Ils y parvinrent grâce au développement industriel avancé de la Grande-Bretagne - et là oÿ cet avantage ne suffisait pas ils pouvaient toujours recourir à la force des armes pour convaincre les récalcitrants. Le résultat fut la destruction de l'économie nationale de nombreux pays et la soumission de ces derniers à la domination coloniale britannique. Les produits étaient meilleur marché, mais les acheteurs perdaient leurs moyens de subsistance et les gens mouraient par millions.

Les théories du Conseil économique et de Mulroney semblent attrayantes: chacun n'a qu'à produire ce qu'il sait le mieux produire et tout le monde en bénéficiera. Elles seraient peut-être praticables si le monde était différent, s'il n'y avait pas d'impérialisme, si le plus fort était dépourvu des moyens s'imposer sa loi au plus faible, si l'appui sur ses propres forces et l'égalité entre pays souverains étaient la norme, si la loi du développement inégal n'existait plus. Mais dans les conditions d'aujourd'hui, appliquer la vieille théorie de l' «avantage comparatif» ne peut conduire qu'à un plus grand déséquilibre de l'économie des pays les plus faibles, une concurrence encore plus féroce entre les puissances impérialistes et les groupes monopolistes, et l'aggravation des guerres commerciales et du danger d'autres guerres.

Le Conseil économique présente des arguments en faveur du libre-échange:

1) «En donnant un plus grand accès au vaste marché américain et en permettant à des compagnies canadiennes de profiter d'économies d'échelle de manufactures plus grandes et de productions prolongées, le libre-échange améliorerait la productivité totale des facteurs et conduirait à une réduction des coûts de production et à une élévation du niveau de vie au Canada.»

2) «En encourageant la concurrence, le libre-échange réduira également la rigidité du rapport salaire-prix et améliorera l'équilibre produit-inflation (lire: réduira les salaires). L'encouragement à adopter la nouvelle technologie et en général la pression favorisant la réalisation d'une efficience supérieure sont d'autant plus grands si l'industrie est exposée aux rigueurs de la concurrence internationale.»

Le Conseil économique considère comme quelque chose à désirer le fait que la production et le capital soient de plus en plus concentrés aux mains de quelques-uns. Il recommande, au nom de la libéralisation du commerce, des politiques nouvelles qui accéléreront cette concentration. Les bénéfices, dit-il, seront une production plus efficace, une réduction des coûts et une élévation du niveau de vie.

De toute évidence, cette proposition vise à faciliter l'élimination des petites entreprises, de sorte que leurs capitaux et leur production passent aux mains des grands monopoles et multinationales, c'est-à-dire ceux qui sont les plus «efficaces» et les plus aptes à faire face «aux rigueurs de la concurrence internationale». On peut être pour ou contre, mais en dernière analyse la question demeure: tout cela signifiera-t-il une élévation du niveau de vie et la prospérité pour le Canada? Nous croyons que l'histoire a déjà répondu par la négative. La concentration de la production et du capital est depuis longtemps un trait caractéristique de l'économie du Canada, comme des autres pays capitalistes. La récession de 1981-1982 a bien montré comment elle s'opère. De la bataille pour survivre et préserver ses profits et marchés, ce sont les plus riches et les plus puissants qui sont sortis victorieux. Ils ont profité de l'occasion pour éliminer des concurrents plus petits et s'emparer de leurs entreprises. Un grand nombre de petits producteurs et petites entreprises ont fait faillite, des usines ont fermé leurs portes et des centaines de milliers de travailleurs ont perdu leur emploi. En même temps le gouvernement a imposé des contrôles des salaires afin d'en rejeter les conséquences sur les travailleurs. Les riches se sont enrichis, ils ont augmenté leurs capitaux et actifs, et c'est le reste de la société qui en a fait les frais. Le niveau de vie du peuple travailleur a baissé de façon considérable, à la fois en termes du salaire réel et en termes des coupures dans les services sociaux (entre autres mesures prises par les gouvernements). D'autre part, après cette crise la production n'est plus jamais revenue à son niveau antérieur, ce qui a pour effet de réunir les conditions d'une nouvelle récession, encore plus grave. Bien que les monopoles se servent de l'État pour protéger et faire valoir leurs intérêts, «l'économie dirigée» par l'État monopoliste est devenue un autre facteur aggravant les problèmes économiques.

Si la production était organisée de sorte à servir le mieux-être matériel et culturel de la vaste majorité du peuple, la concentration de la production et du capital aux mains des producteurs pour servir cet objectif aurait probablement des conséquences différentes. Sous le système actuel, cependant, on s'imagine mal comment les propositions du Conseil économique pourraient conduire à autre chose que ce dont nous avons été témoins dans le passé.

Contrairement à certains autres partisans du libre-échange, le Conseil économique admet franchement qu'en fin de compte l'accord du libre-échange ne concerne pas du tout le commerce; il concerne la restructuration de l'économie canadienne. Il est cependant un peu moins franc lorsqu'il s'agit d'identifier le bénéficiaire de cette restructuration. Le Conseil économique favorise la restructuration pour le bénéfice de monopoles, voire de groupes monopolistes particuliers. Ses propositions faciliteraient l'élimination des petites et moyennes entreprises et leur expropriation par le grand capital, lequel est identifié à l'«efficacité». La libéralisation des forces de la concurrence et l'abolition de tous les obstacles permettraient aux plus grands monopoles d'améliorer leur position concurrentielle afin de s'emparer de nouveaux marchés au pays et à l'étranger.

Le Conseil économique ne peut penser à rien de mieux dans sa recherche d'un avantage pour le Canada. C'est la même conception étroite que les gouvernements qui, dominés politiquement par les monopoles, adoptent des politiques économiques dans le but de servir les intérêts de ces derniers. C'est une formule qui vise non pas à élargir l'économie afin de mieux servir les besoins croissants du peuple, mais à agrandir la marge de profits du capital financier aux dépens de tout le monde, et d'abord et avant tout des travailleurs. Le commerce n'est qu'une des nombreuses étiquettes que porte ce processus.

Que faire quand le sérieux du problème est sous-estimé sur toute la ligne?

Il est urgent et nécessaire que l'on discute des problèmes économiques du Canada et qu'on leur trouve une solution. Ces problèmes ne seront pas discutés ou résolus sans une évaluation sérieuse et franche du système économique au Canada. Ils ne seront pas résolus non plus si l'on n'accorde pas une importance de premier ordre à la question de l'appui sur ses propres forces. Faire fi de ces questions, ou les sous-estimer, cela conduit à des problèmes encore plus graves.

On discute beaucoup de la question de la souveraineté, mais parler de défendre la souveraineté sans nettement s'opposer à toutes formes de domination économique, politique ou autres, qu'il s'agisse du Canada ou d'autres pays, c'est passer à côté de la question. Parler de garder les leviers économiques sous contrôle canadien alors qu'ils sont depuis longtemps passés aux mains d'étrangers, et surtout des Américains, c'est laisser planer le doute quant à la sincérité de ses propos. Promettre aux Canadiens la prospérité et une vie facile par une plus grande intégration à l'empire américain c'est duper les naïfs et exposer le peuple canadien à de graves dangers.

La prospérité du Canada, ou de tout autre pays, ne viendra pas par suite d'une manipulation des tarifs douaniers, par suite d'un accord de libre-échange ou de mesures protectionnistes. Elle n'est possible que si l'on garantit l'expansion continue de l'économie, des moyens de production et de la consommation d'une manière planifiée, et spécifiquement orientée de façon à servir les besoins matériels et culturels toujours croissants du peuple. Elle exige l'édification d'une économie qui s'appuie sur ses propres ressources et qui s'épanouit non pas grâce à l'importation et l'exportation de capitaux ou en cherchant à capturer des marchés étrangers pour écouler ses marchandises, ou encore en exploitant d'autres peuples - mais d'abord en satisfaisant ses besoins intérieurs pour ensuite seulement se livrer à des échanges égaux pour l'avantage réciproque. Si le but de la production est si étroit que la satisfaction des besoins matériels du peuple et la croissance de la population sont considérées comme des malédictions, plutôt qu'un bienfait et une occasion de développement, alors évidemment il faudra se poser des questions quant au fondement économique de la société.

À notre avis, ni la restructuration de l'économie ni le maintien du statu quo ne répond au problème urgent à l'ordre du jour. Les questions de la souveraineté économique et de la prospérité doivent être prises au sérieux. Elles doivent être beaucoup plus qu'une simple phrase; elles doivent être des concepts vivants possédant un contenu réel. Et il en sera ainsi seulement si l'on met fin à la domination étrangère de l'économie canadienne et si le Canada cesse de se tourner vers l'étranger pour trouver des débouchés à ses capitaux. Cela signifie également l'élimination de la pauvreté une fois pour toutes. Sans ces mesures, la souveraineté et la prospérité ne seront que des phrases creuses.

(Le Marxiste-Léniniste, 13 avril)

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Conslusion de la Ve Rencontre hémisphérique de lutte contre la ZLÉA

Havana, Apr 15 (Prensa Latina) - After four fruitful days of debates opposing the free trade agreements and its consequences, the 5th Hemispheric Meeting against the Free Trade Agreement of the Americas (FTAA) comes to an end Saturday.

The forum is closing with the presentation of the action plans of the Continental Alliance for Latin America and the Caribbean and of other bodies such the Network of Networks in Defense of Humanity.

Attendees made important proposals such the creation of a world legal network to direct anti-FTAA fighting.

Concrete actions were presented to handle Washington´s maneuvers on their own level and a boycott was called of US products on May 1 to illustrate the importance of the immigrants in that nation´s economy and support recent protests by those people.

Likewise, delegates urged to closely follow the plans of the Alliance for Security and Prosperity of North America, a new mechanism to extend the FTA among the US, Canada and Mexico throughout America.

(Prensa Latina News Agency)

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