vendredi, avril 14, 2006

Le Canada en Afghanistan – une autre aventure coloniale


« Afin de voir à la stabilité et à la reconstruction de l'Afghanistan, le Canada apporte d'importantes contributions en matière de diplomatie, de défense et de développement. Notre objectif est de soutenir l'établissement d'un environnement stable en Afghanistan, afin que ses habitants puissent reconstruire leur pays et leur vie. »

Le site du Ministère des Affaires étrangères décrit en ces termes l’intervention du Canada en Afghanistan débutée en 2001.

Le Canada s’est joint à l’effort de guerre déployée pour faire la « guerre au terrorisme » au sein de la coalition menée par les États-Unis. Dès octobre 2001, la coalition sous l’égide de l’OTAN a envahi l’Afghanistan pour se « débarrasser du gouvernement Taliban ». L’opération militaire a faite des milliers de victimes civiles afghanes, détruit le peu d’infrastructures encore fonctionnelles et amener de nouvelles notions arbitraires comme celles de « combattants ennemis ». Dans cette lutte de durée indéterminée, le gouvernement canadien s’est conduit comme un vulgaire laquais de la politique américaine de « guerre préventive » en plus d’accélérer le processus d’annexion économique, politique et militaire aux États-Unis.

Le bellicisme canadien a pris un essor depuis 2001, en militarisant l’économie et la société canadienne. L’exportation des « valeurs canadiennes » ou des « valeurs civilisés » est devenu un créneau des gouvernements libéral et conservateur qui se sont succédés depuis. La même logique conduit, actuellement, le Canada à s’ingérer dans les affaires d’Haïti selon le modèle utilisé pour l’intervention en Afghanistan.

Le tout, la « guerre des civilisations » version canadienne, bien résumé par une phrase du lieutenant-général des Forces canadiennes, Rick Hillier, « tuer des meurtriers et des sacs à merde. »

Diplomatie

Les relations entre les États prennent un virage hégémonique absolument inouï. Les violations du droit international et les nombreuses bavures américaines en Irak ont fouetté l’opinion publique. Avec l’émergence d’une redéfinition de la diplomatie, celle de l’impérialisme le plus débridé. Les mises en scènes et les justifications de l’époque de la Guerre Froide sont rendues caduques. La diplomatie américaine s’est révélée à la face du monde. La vision des horreurs commandées sur les prisonniers et les civils ont ouvert une brèche importante dans la conscience de l’humanité. Et pour cause, la diplomatie est dorénavant associée par tous les peuples au désir des puissances occidentales de dominer et de s’ingérer dans les affaires internes des nations.

Conséquemment, le droit international est sans cesse bafoué au profit de la force sans aucune considération pour les peuples, victimes des criminels desseins des puissances comme le Canada et les États-Unis. La diplomatie s’exprime par le marchandage au-dessus des nations pour arriver à un « consensus » comme c’est le cas en Afghanistan.

L’ancien ministre des affaires étrangères, John Manley avait carrément déclaré à propos de l’approche d’Ottawa quant à l’intervention en terre afghane, « le Canada n'a pas le passé d'un pays pacifiste ou neutre. Ses soldats sont enterrés partout en Europe car ils ont combattu pour défendre la liberté. Et nous n'allons pas reculer face au défi maintenant simplement parce qu'on pense qu'on pourrait se faire mal ».

Au contraire, la passation des pouvoir des militaires américains aux soldats canadiens à Kandahar affirme la main-mise américaine sur l’armée canadienne. Le régime des talibans est un prétexte utilisé par les États-Unis pour s’immiscer au Moyen-Orient. En fait, ils changent un régime totalitaire pour un autre tout aussi oppressant et étouffant pour les Afghans, oubliés dans ce conflit.

Défense

Avec l’élection d’un gouvernement conservateur, l’armée canadienne se revigore d’ investissements de 5,3 milliards de dollars. Ces investissements nourriront le feu du Canada à l’étranger dans le but de « redéfinir » ses interventions. Ainsi, la logique de « guerre préventive » pourra prendre tout son sens, c’est-à-dire imposer ses vues et ses propres politiques guerrières en terre étrangère. Le premier ministre, Stephen Harper, s’est joint à la « guerre sans fin » des État-Unis pour augmenter la présence internationale du Canada dans le monde. Le nouveau rôle prédominant du Canada en Afghanistan se loge dans ces mesures d’ingérence à l’américaine.

La désinformation au sujet des forces armées canadiennes sévissant depuis quelques années au Canada crée la confusion autour du financement de l’armée. Contrairement à certaines idées préconçues, l’armée est loin d’être sous-équipée ou sous-financée. Selon les chiffres de 2004, en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), le Canada se situe au 15e rang (sur 190 pays). Au sein de l’OTAN, qui est le principal ancrage du Canada en termes de politique de défense, le Canada se situe au 7e rang sur 26 pays membres.

Parlant aux soldats canadiens en Afghanistan, Stephen Harper affirmait : « Votre travail n’est pas seulement de défendre les intérêts du Canada. Il consiste aussi à renforcer le leadership international du Canada et à prendre position dans les dossiers importants au lieu de simplement critiquer de l’extérieur. On ne peut pas mener de l’extérieur. Je veux que le Canada soit un chef de file. » Harper explique, ici, les fondements de la politique étrangère d’un pays belliciste et impérialiste. En fait, le partage du monde entre le monopoles donne naissance a la concurrence entre les différents intérêts des États. « Je veux que le Canada soit un chef de file » c’est le clairon des monopoles canadiens dans sa compétition effrénée. Clausewitch disait « la guerre, c'est la continuation de la politique par d'autres moyens .» Stephen Harper y ajoute, « je sais que vous voulez être au service d’un pays qui mène, pas d’un pays qui se contente de suivre. » Pourtant à l’heure actuelle, les intérêts des monopoles canadiens et américains coïncident en Afghanistan.

Développement

L’Afghanistan est une zone stratégique pour étendre l’influence canadienne à l’étranger. Cette base militaire pour occuper une place importante au cœur de l’Asie se veut un stratégique pour l’avenir commercial et militaire. Le cas du Baloutchistan, ancienne région divisée entre l’Iran et Pakistan, est très révélateur des désirs du Canada d’étendre sa zone d’influence à l’étranger. En plus de créer une instabilité dans ce coin du monde et de générer une dépendance du peuple à l’égard de l’aide humanitaire, le Canada, tout comme les États-Unis d’ailleurs, par le biais de ses monopoles, se donne un libre accès aux ressources du continent, au marché du Moyen-Orient.

L’aspect stratégique du « développement » canadien en Afghanistan réside dans la sécurisation de la zone de Kandahar pour créer un base action militaire pour les États-Unis. L’opération Enduring Freedom à laquelle participe le Canada en ce moment se trouve sous commandement américain pour réaliser ces objectifs. L’étendue des opérations loin à l’intérieur du pays, au nom de la guerre au terrorisme et de la démocratie, vise à s’emparer des routes, chemins de fers, ports et voie de communications. C’était le cas également dans la « sécurisation » du Koweït et de l’Irak par les États-Unis.

De même, la lutte idéologique sur le front des l’exportation des valeurs « canadiennes » et « civilisées » répond à des impératifs de « sécurisation » dans la région. Lorsque certains intellectuels avancent la « guerre des civilisations » et clouent au pilori de soi-disant aspects rétrogrades de l’islam, les grandes puissances s’attaquent au cœur des peuples du Moyen-Orient. La destruction de la culture et de l’histoire des peuples vise à créer la confusion et la dévastation de l’opinion publique. Sans boussole historique, aucun peuple ne peut s’orienter dans l’espace du changement et de la lutte pour l’indépendance et la souveraineté.

Ainsi, les Canadiens doivent être vigilants lorsqu’il est question d’exporter les « valeurs canadiennes » et « civilisés ».

Franc-Parler rejette ces notions médiévales et archaïques de même que la « guerre au terrorisme ». En ce qui concerne l’opinion publique au Canada, il est clair que le Canada doit se retirer d’Afghanistan et cesser de s’ingérer dans les affaires des autres nations. C’est la seule ligne de conduite qui sied pour les peuples épris de paix et d’indépendance.

(Franc-Parler, Vol.1, No.3 - 10 avril 2006)
francparlerjournal@yahoo.ca

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