samedi, octobre 28, 2006

Actualité - Faisons un pas audacieux à la défense des droits - Abrogez la Loi anti-terroriste actuelle!

-36e anniversaire de la Loi des mesures de guerre-

Le 16 octobre 1970, la Loi des mesures de guerre était proclamée par le gouvernement libéral de Pierre Elliot Trudeau. Soldats et chars prirent d'assaut le Québec au nom de la lutte contre le terrorisme et de la sauvegarde de ce qu'on appelle les valeurs de notre société libre et démocratique. La police avait effectué plus de 1 600 descentes contre de personnes progressistes, notamment des marxistes-léninistes, en moins de deux semaines après la proclamation. Des centaines de personnes ont été arrêtées et leurs droits arbitrairement suspendus. Le règne de l'arbitraire contre leurs familles et le Québec s'est étendu à tout le Canada. Des gens d'un bout à l'autre du pays sont descendus dans la rue pour protester. Le gouvernement du Canada a répondu, et n'a cessé de répondre, à l'opposition populaire à l'impunité conférée par le pouvoir de l'État d'urgence, en concentrant toujours plus le pouvoir d'agir impunément entre les mains d'un groupe de plus en plus restreint. Tout au long des années 1970, il a perfectionné la méthode consistant à se servir des agences de l'État pour inciter aux actes racistes et terroristes pour ensuite justifier les mesures qu'il voulait instituer. Son but était de mettre en place les arrangements nécessaires pour consolider le système impérialiste d'États sous l'hégémonie anglo-américaine, pour vaincre les rivaux et écraser le mouvement de libération anti-impérialiste des peuples.

Interrogé par les journalistes sur jusqu'où il avait l'intention d'aller avec la suspension des droits démocratiques, Trudeau avait répondu: «Regardez-moi faire» («Just watch me.»).

L'histoire a révélé par la suite que l'État canadien avait une grande part de responsabilité dans les événements qui ont mené à la crise d'Octobre 1970. La Commission royale d'enquête sur certaines activités de la GRC (appelée Commission McDonald sur les «méfaits» de la GRC) a révélé que la GRC avait elle-même émis de faux communiqués au nom du Front de libération du Québec (FLQ) dans lesquels étaient lancés des appels à commettre des actes de violence terroriste, a fourni des armes et des explosifs à des membres du FLQ pour les inciter à commettre des actes terroristes et fut directement responsable d'actes terroristes, comme l'incendie de grandes, pour justifier ce que le gouvernement qualifiait d'«insurrection appréhendée». Un volume complet du rapport porte sur les méfaits de la GRC contre le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) et son dirigeant, Hardial Bains. Il a pour titre «Operation Checkmate» et n'a pas été rendu public.

Aujourd'hui, 36 ans plus tard, à la lumière des conclusions de la Commission Arar et de l'adoption de la Loi antiterroriste de 2001, il y a beaucoup à apprendre à revoir la suspension des droits par la Loi des mesures de guerre et tout ce qui a été révélé concernant l'activité criminelle de la GRC dans les années 1970. Ce qui est surtout remarquable, c'est que les «méfaits» du type enquêté par la Commission McDonald n'ont jamais cessé. Tout au long des années 1980 et 1990 et jusque dans le nouveau siècle, le gouvernement s'est affairé à inciter au racisme au nom de la lutte contre le racisme, à criminaliser l'idéologie au nom de la lutte contre les crimes haineux, à pousser la ligne des deux extrêmes pour persuader les gens à adopter «le juste milieu» comme «valeur canadienne» et surtout à masquer les objectifs qu'il poursuit en imposant ces valeurs au pays et à l'étranger. Il a été démontré au-delà de tout doute qu'un gouvernement qui sanctionne ces méthodes n'assume jamais sa responsabilité sociale de défendre les droits de tous les citoyens et résidents comme une question de principe et en tant que devoir supérieur, sans parler de garantir leur sécurité ou d'être politiquement responsable de ses actes. Les gouvernements au service de cet État sont les architectes du contraire de ce que les Canadiens veulent et de ce dont la société a besoin. Pour avancer dans la lutte qui fait rage dans la société aujourd'hui entre l'ancien et le nouveau, il faut comprendre la méthode de l'État canadien sur la question fondamentale des droits. Un pas audacieux à la défense des droits de tous, c'est exiger des comptes dans l'affaire Arar et dans les autres cas semblables et exiger l'abrogation de la Loi antiterroriste.

Il n'est pas fortuit que la définition des droits qui résulte des méthodes de l'État au long des années 1970 est ce qui a par la suite informé la Charte canadienne des droits et libertés, codifiée par Trudeau et son ministre de la Justice, Jean Chrétien, et incorporée dans la Constitution canadienne lors de son rapatriement en 1982.

Cela explique pourquoi aujourd'hui, quand cette même violation brutale des droits est enchâssée dans la loi au nom de la «guerre contre la terreur» et de la «sécurité» du Canada et des États-Unis, la Loi antiterroriste, adoptée en vitesse en 2001 après les attaques du 9 septembre aux États-Unis donne à la GRC et au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) le pouvoir d'enfreindre impunément le droit canadien et international, au point de soumettre des citoyens canadiens à des enlèvements (par les États-Unis, par exemple), à des détentions sans accusations et même à la torture. Elle permet la suspension du droit de l'habeas corpus et autorise la preuve secrète et, pour le comble, elle a été jugée entièrement conforme à la Charte des droits et libertés, c'est-à-dire conforme à la procédure juridique et aux principes de justice fondamentale. Tout cela parce qu'un processus d'appel et de supervision ministérielle, qui ne fait que confirmer la prérogative ministérielle d'agir avec impunité, a été enchâssé dans la loi. Cela montre on ne peut plus clairement que les Canadiens doivent se doter d'une Charte des droits et libertés qui codifie leurs droits de manière à ce qu'ils ne soient pas informés par des conditions sujettes à une interprétation qui les invalide.

Lorsque la Loi antiterroriste a été déposée au parlement, le 15 octobre 2001, la ministre de la Justice d'alors, Anne McLellan, avait dit que le gouvernement ne s'inquiétait pas outre mesure des contestations possibles de cette loi en vertu de la Charte. «Rappelons-nous, avait-elle dit, que la Charte des droits et libertés ne dit nulle part que les droits qu'elle contient sont absolus.»

L'argument à propos du caractère absolu ou non des droits visait clairement à masquer la contradiction entre les conditions et l'autorité et à justifier la négation des droits. Les droits appartiennent au détenteur en vertu de son existence. Ils ne se donnent pas, ne s'enlèvent pas et ne se renoncent pas, et le devoir des gouvernements est de créer les conditions matérielles de leur affirmation. En l'absence d'un débat public ne serait-ce que pour proposer que la meilleure façon d'assurer la sécurité est de protéger les droits, McLellan et d'autres ont argumenté en faveur de la négation des droits dans des circonstances exceptionnelles et tous les morceaux ont été mis en place pour justifier la violation des droits. Le procureur général de l'époque, Lawrence MacAuley, avait dit: «En tant que pays, nous devons être en mesure d'assurer notre sûreté et notre sécurité. Cette législation dotera nos organismes d'application de la loi et les agences de la sécurité nationale d'outils pour identifier et démanteler les organisations terroristes et pour prévenir les actes terroristes». Le ministre des Affaires étrangères, John Manley, a dit que la Loi antiterroriste «constitue un élément important de l'engagement pris par le Canada de se joindre à ses partenaires internationaux afin de confronter et d'éradiquer le terrorisme de par le monde».

Dans ce sens, la Loi antiterroriste est une version adaptée de la Loi des mesures de guerre qui rend permanent le pouvoir d'exception. Elle établit la base juridique de la commission de crimes contre les droits des citoyens et résidents du Canada, de la guerre d'agression et d'occupation en Afghanistan et de la promotion de l'agression contre des pays comme l'Irak, l'Iran, la RPDC et Haïti.

Il est remarquable de voir que le Parlement et le Gouvernement du Canada n'ont pas tiré les leçons de l'histoire en ce 36e anniversaire de la Loi des mesures de guerre. Le 5 octobre, le sous-comité de la Chambre des communes sur la sécurité publique et nationale, chargé de revoir la Loi antiterroriste, recommande dans son rapport qu'il soumettra au gouvernement le prolongement de la loi au-delà de son échéance de janvier 2007. Le sous-comité conclut qu'aucun droit n'a été violé par la loi, alors que le 24 octobre la Cour supérieure de l'Ontario invalidait la clause de la loi portant sur le motif, laissant le reste intact. Le juge Douglas Rutherford, se prononçant dans l'affaire Mohammad Momin Khawaja, le programmeur de 27 ans qui fut la première personne accusée aux termes de la Loi antiterroriste, a dit:

«Les Canadiens qui pourraient partager les tendances politiques, religieuses ou idéologiques des groupes étrangers sous enquête ne peuvent faire autrement que de se retrouver sous une ombre. C'est exactement ce genre de phénomène qui a suscité des inquiétudes au sujet du profilage et du préjugé raciaux ou ethniques après les actes terroristes notoires qui ont eu lieu dans plusieurs pays ces dernières années.»

Dressant une liste d'actes terroristes, depuis l'attentat d'Air India à celui d'Oklahoma, passant par l'attentat au sarin dans le métro au Japon et celui commis contre un train de passagers à Mumbai, il écrit:

«Les objectifs ou causes politiques, religieux ou idéologiques que les auteurs croyaient défendre par leurs actions n'ont dans une grande mesure aucune portée dans les populations concernées. Et pour cause. Ça n'a vraiment pas d'importance. Ces actes terroristes ne se mesurent pas par les raisons qu'on veuille imputer à leurs auteurs. Ces actes sont-ils moins terrorisants, intimidants ou insidieux si nous ne parvenons pas à identifier ce qui a inspiré leurs auteurs?»

Certains juristes disent que ce jugement ne fera que faciliter la condamnation par un tribunal puisqu'il n'est plus nécessaire de prouver le motif. D'autres soutiennent que cette clause était là pour que la dissidence politique «légitime» ne soit pas considérée comme «terroriste». Son invalidation pourrait donc conduire à la criminalisation de la dissidence politique. Une autre préoccupation légitime est que l'invalidation de cette clause pourrait mener à l'institution de lois sur les «crimes haineux» qui interdisent certaines idéologies comme «l'intégrisme musulman» ou le communisme. D'autres juristes disent que la décision de la Cour supérieure de l'Ontario aidera à mettre fin à la pratique du profilage racial. Or, ni ce jugement, ni la prétendue révision de la Loi antiterroriste ne dément ce que l'enquête Arar a encore une fois révélé: Au nom de la «guerre contre la terreur», l'État canadien commet des crimes et foule au pied les droits de citoyens et résidents canadiens et d'étrangers en s'appuyant sur les dires de certains de ses représentants que telle ou telle personne peut être «soupçonnée de terrorisme» ou que tel ou tel étranger est un «sac à merde», pour citer le chef d'état-major de l'armée canadienne Rick Hillier.

Le rôle de la GRC dans la falsification des «renseignements» retenus contre Maher Arar, qui a mené à son enlèvement par les autorités américaines et sa déportation en Syrie où il a été torturé, a été exposé. Les révélations concernant le rôle du SCRS dans les efforts pour cacher la falsification des preuves retenues contre Maher Arar et dans la détention illégale et la torture d'Ahmad El-Maati et Muayyed Nureddin montrent que ce qui est arrivé à Maher Arar n'était pas une simple question d'«erreur» ou de «supervision inadéquate» des opérations de sécurité nationale de la GRC. À Toronto, 18 personnes sont considérées comme des suspects terroristes bien que des agents de l'État aient été impliqués dans la promotion des actes dont on les accuse.

Tout cela montre qu'au nom du pouvoir civil, la GRC et le SCRS participent à des actes terroristes d'État et de désinformation pour bloquer les mouvements pour le changement au pays et à l'étranger. Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, organisme civil chargé de surveiller les agissements du SCRS, est une autre institution qui a pour rôle de masquer les crimes de la police secrète et des ministres qui fomentent des actes terroristes puis criminalisent les citoyens pour se justifier. Il est intéressant de noter que le candidat à la direction du Parti libéral du Canada, Bob Rae, autrefois du NPD, a aidé à formuler cette politique de l'État canadien en tant que membre du Comité de surveillance. Il a également joué un rôle dans l'enquête sur l'attentat d'Air India. Tout cela sert à masquer le rôle de l'État canadien dans la commission de crimes et les arrangements qui sont mis en place pour avancer la cause de l'impérialisme anglo-américain. Dans le cas de l'écrasement de l'avion d'Air India, 329 personnes ont été tuées mais on essaie de taire le rôle qu'ont joué l'État canadien et l'État indien dans la création de l'épouvante de l'«intégrisme sikh» pour ouvrir la voie à la criminalisation de l'idéologie. Sous prétexte de «guerre contre la terreur», le discours sur l'«intégrisme musulman», l'«extrémisme» et l'«islamofascisme» sert à faire des questions de conscience des «crimes haineux» à proscrire. On tient le même discours à propos du communisme, qu'on accuse de prêcher la haine de classe et qui doit par conséquent être banni, comme vient de le subir l'Union de la jeunesse communiste de la République tchèque et comme en font présentement l'objet les partis communistes en Turquie et en Albanie. Il est également intéressant de noter qu'un autre agent libéral agissant à l'intérieur du NPD, Ujjal Dosanjh, s'est avéré l'homme de main de l'État en mettant ces arrangements en place, d'abord en tant que procureur général puis comme premier ministre de la Colombie-Britannique.

Cinq ans après l'adoption de la Loi antiterroriste, les ministres et complices qui ont déposé et justifié cette loi veulent maintenant se distancer des crimes commis par la GRC et le SCRS contre M. Arar. Ils veulent détourner l'attention du refus de l'État d'interdire l'impunité de ses agences. Ils disent qu'ils ne savaient pas que la GRC avait falsifié les renseignements ayant servi à accuser Maher Arar de terroriste membre d'Al-Qaïda. Ils disent que M. Arar n'était qu'«une personne d'intérêt» pour la GRC et que les autorités américaines ont dû avoir des «renseignements» contre lui, lesquels ont mené à sa détention, sa déportation en Syrie et sa torture. Bref, personne ne sera tenu politiquement responsable et certains échappatoires vont être éliminés par des mesures administratives permettant de mieux cacher aux yeux du public les agissements secrets de l'État.

À l'occasion du 36e anniversaire de la Loi des mesures de guerre et des révélations actuelles concernant les crimes commis par des agences de l'État et le refus d'attribuer toute responsabilité ministérielle dans l'affaire Arar, la détention pour une période indéterminée de citoyens et de résidents en vertu des certificats de sécurité et d'autres prétextes, la déportation vers la torture de prisonniers capturés en situation de guerre et l'offensive internationale contre les musulmans et les communistes par la criminalisation d'idéologies dites extrêmes, il est plus urgent que jamais que la classe ouvrière et le peuple du Canada franchissent ce pas audacieux à la défense des droits de tous. Exigeons l'abrogation de la Loi antiterroriste et le retrait du Canada de la «guerre à la terreur» des États-Unis, y compris de leurs agressions à l'étranger!

* Sandra L. Smith est la dirigeante nationale du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste)

(Le Marxiste-Léniniste - Sandra L. Smith)

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