jeudi, juin 07, 2007

Actualité - Comment les riches voient l'«opportunité historique» crée par le 11 septembre (IV)

L'opposition à une politique énergétique continentale sous le diktat des monopoles invite à une politique énergétique au service d'une économie pro-sociale indépendante et du bien public.

Voici la quatrième partie de l'article «Comment les riches voient l'«opportunité historique» crée par le 11 septembre». Pour la première partie, voir LML No. 36 du 7 mai 2007. Pour les deuxième et troisième parties, voir LML No. 38 du 16 mai 2007.

L'ALÉNA et l'énergie continentale

L'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) garantit un flot continu de pétrole et de gaz naturel canadiens aux États-Unis. L'alimentation en énergie de l'économie socialisée du Canada, en particulier l'envoi d'énergie produite dans l'Est canadien vers l'Ontario, le Québec et les Maritimes n'y est même pas considéré. L'accès américain au pétrole extra-côtier sur la côte est du Canada passe même avant les besoins des Maritimes (voir la note en exergue).

Les clauses de l'ALÉNA concernant le pétrole et le gaz naturel canadiens sont un exemple de soumission coloniale aux intérêts et au diktat des États-Unis.

1) L'ALÉNA prévoit que le prix du pétrole et du gaz naturel exporté aux États-Unis doit être équivalent au prix du marché canadien. Les États-Unis dictent ainsi la politique économique et sociale du Canada qui n'a rien à voir avec le libre-échange. Les peuples des pays exportateurs d'énergie cherchent toujours à établir un prix intérieur qui est différent du prix de l'exportation sur les marchés internationaux afin de favoriser un développement industriel intérieur indépendant et les programmes sociaux.

2) Selon l'ALÉNA, il est interdit de fixer une limite quantitative aux exportations d'énergie canadienne aux États-Unis et l'approvisionnement en énergie doit être partagé de façon proportionnelle en cas de manques. Si, pour quelque raison, la production d'énergie canadienne baisse, le Canada doit continuer de fournir aux américains une quantité de pétrole et de gaz naturel qui est équivalente à ses exportations aux États-Unis des trois années précédentes. Ces clauses de l'ALÉNA constituent de fait une restriction à l'échange. En interdisant de fixer une limite quantitative aux exportations vers les États-Unis, on s'ingère dans le commerce de l'énergie à l'intérieur du Canada et dans le développement de marchés diversifiés à l'étranger.

L'ALÉNA bloque ainsi le développement industriel du Canada en ce qui concerne les produits manufacturés à base de pétrole et il encourage l'exportation d'énergie brute aux États-Unis. Cela n'est pas du libre-échange mais de l'annexion! L'ALÉNA est une camisole de force qui étouffe le développement d'une économie canadienne multilatérale indépendante.

L'ALÉNA n'est pas une forme de libre-échange de l'énergie avec les États-Unis mais plutôt une relation inégale et à sens unique avec un seul client. L'ALÉNA restreint le commerce du Canada dans le domaine de l'énergie et nuit au développement de bonnes relations avec le reste du monde.

L'ALÉNA interfère avec le droit du Canada d'adopter des définitions modernes en matière de commerce international. Selon les définitions modernes, les conditions de l'échange sont marquées par la responsabilité sociale.

L'ALÉNA empêche les canadiens de planifier l'environnement naturel et social, et surtout la planification centrée sur l'humain basée sur le facteur humain/conscience sociale. Le libre-échange centré sur l'humain peut se faire seulement entre peuples libres. Avant que le libre-échange devienne une réalité, il faut que les peuples soient libres, qu'ils aient leur mot à dire et soient en contrôle afin de pouvoir humaniser l'environnement naturel et social. L'ALÉNA représente le libre échange des monopoles, en opposition aux droits des peuples des trois pays.

On a juste à considérer le désastre socialement irresponsable que les monopoles de l'énergie sont en train de créer en Alberta et dans les trois pays. Comment les canadiens peuvent-ils prendre contrôle de leurs vies et de l'économie socialisée, dans une démocratie moderne, quand le libre-échange signifie dans les faits la liberté pour les monopoles les plus puissants de faire ce qu'ils veulent en toute impunité?

L'incohérence de la situation, du point de vue de l'édification nationale, se voit du fait que les Maritimes, le Québec et l'Ontario dépendent largement des importations pour leur pétrole alors que l'Alberta sert les besoins des États-Unis. Même le pipeline de pétrole qui relie Sarnia en Ontario à Montréal a été inversé, et il livre maintenant du pétrole importé de Montréal à Sarnia, plutôt que du pétrole de l'Ouest canadien vers Montréal. Les monopoles les plus puissants appliquent consciemment une politique annexionniste qui sépare les Prairies et la Colombie-Britannique de l'Ontario, du Québec et des Maritimes afin de pouvoir désintégrer le Canada plus facilement et le dissoudre dans les États-Unis des Monopoles de l'Amérique du Nord.

Un autre élément crucial de la «sécurité de l'énergie» des États-Unis est l'élimination des barrières réglementaires. Le Conseil canadien des chefs d'entreprise (CCCE), un organisateur et bras politique très actif des plus puissants monopoles, écrit à ce sujet: «Si le Canada désire renforcer son rôle de fournisseur sûr d'énergie à l'Amérique du Nord et utiliser cet atout comme moyen de faire avancer ses intérêts plus larges, une réforme de la réglementation au pays constitue une première étape cruciale. Il est urgent que les gouvernements fédéral et provinciaux rationalisent les procédés d'approbation réglementaire qui régissent le développement de nouvelles sources d'énergie et de l'infrastructure de manière à rendre les décisions plus opportunes et prévisibles. Les chevauchements de juridiction et la lenteur des procédés réglementaires pourraient facilement frustrer la capacité du Canada d'assurer un approvisionnement sûr en énergie même à l'intérieur du pays.»

Par la rationalisation des «procédés d'approbation réglementaire», on entend l'élimination de toute restriction du droit de monopole et un chèque en blanc aux monopoles de l'énergie et des autres secteurs pour qu'ils agissent en toute impunité, hors d'atteinte du Parlement canadien, des législatures, de la société civile et du corps politique. Les monopoles et une poignée de membre de l'appareil exécutif des gouvernements, triés sur le volet, décident de tout en secret et loin des yeux, des oreilles et des cerveaux du peuple, et sans que le peuple ait ni mot à dire ni aucun contrôle sur ce qui se passe.

Au moment où le gouvernement de l'Alberta prédit des rentrées de 400 milliards$ d'ici 2015 avec les projets des sables bitumineux, les monopoles veulent éliminer toute barrière à l'exploitation des ressources énergétiques du Canada, garantir leur utilisation sans restriction pour les exporter aux États-Unis et ainsi s'accaparer une quantité sans précédent de valeur ajoutée.

Le CCCE exprime très clairement sa politique annexionniste: «Le Canada a un rôle critique à jouer pour assurer la sécurité de l'énergie du continent dans trois domaines: la pleine exploitation des sables bitumineux de l'Alberta, le développement des réserves de gaz naturel du fleuve Mackenzie et du littoral arctique et le transport du gaz de la marge septentrionale de l'Alaska sur le territoire du Canada; l'élaboration de règles compatibles en matière de réglementation des flux et de l'infrastructure de l'électricité. (c'est-à-dire de la privatisation des flux d'électricité vers les États-Unis — PM)»

Les monopoles procèdent à toute vitesse dans les trois champs de l'annexion énergétique avec l'aide totale des cabinets provinciaux et fédéraux. Les réunions secrètes tenues à Banff et à Houston en 2006, entre des membres choisis des gouvernements et de l'industrie, sont un exemple des nouveaux arrangements où les décisions sont prises en secret par des organisations non élues. Toute considération pour le bien-être du peuple, les droits héréditaires des Premières nations, la destruction de l'environnement ou pour une économie canadienne multilatérale et indépendante est vue comme une limite inacceptable au droit de monopole. Toute initiative centrée sur l'être humain sera considérée au mieux comme un simple énoncé de politique ou encore on fera de la désinformation dans les média monopolisés au sujet d'initiatives frauduleuses — on peut lire à ce sujet l'article de Gary Zatzman dans le LML No. 36 du 7 mai 2007 «Exemption pour les projets de sables bitumineux», qui expose la désinformation du parti au pouvoir au fédéral au sujet de son initiative environnementale à l'occasion de la Journée de la terre).

L'ALÉNA et l'Accord de libre-échange (ALE) ont montré en pratique qu'il est illusoire de parler de «libre-échange» avec les États-Unis dans les conditions de l'impérialisme. L'ALÉNA et l'ALE ont été promus comme une façon d'assurer un libre accès aux exportations canadiennes aux États-Unis et d'exempter le Canada du protectionnisme américain. Ils ont conduit à une grande distorsion dans l'économie canadienne socialisée, qui dépend presque totalement maintenant des exportations aux États-Unis, surtout de matières premières, de même qu'à un affaiblissement sérieux du secteur manufacturier au Canada (247 300 emplois manufacturiers perdus depuis 2002), à l'élargissement des différences régionales, à un développement inégal des secteurs économiques et à l'annexion. Des régions entières du pays sont devenues totalement dépendantes de l'exportation de matières premières, de produits semi-finis et du tourisme. Le Président directeur général américain de Stelco, Rodney Scott, a à ce sujet déclaré récemment que l'aciérie va dorénavant se consacrer à la production de plaques d'acier, qui sont de simples plaques rectangulaires d'acier brut.

L'exemple du bois d'oeuvre a montré que le libre-échange et le protectionnisme sont tous deux considérés comme légitimes quand il s'agit de fixer les conditions d'échange entre le Canada et les États-Unis et d'annexer les canadiens dans l'empire américain. Après que les États-Unis aient imposé de lourdes redevances sur le bois d'oeuvre canadien, le Canada a signé une «entente» alors que l'Organisation mondiale du commerce, l'ALÉNA et des tribunaux rendaient des verdicts qui n'étaient pas en faveur des États-Unis dans ce dossier. En plus d'autres aspects protectionnistes, l'entente donne au Canada une «part» du marché américain qui est plus petite qu'elle ne l'était avant l'entente et une fois cette part du marché atteinte, des redevances protectionnistes commencent à s'appliquer. L'impérialisme américain applique à la fois le libre-échange et le protectionnisme. Il ne cherche pas à établir le libre accès aux marchés de chaque pays mais plutôt à déclarer cet accès une question de sécurité nationale afin de le soumettre à ses intérêts nationaux. Lorsqu'un pays est coincé dans ce que les États-Unis appellent leur sécurité et leurs intérêts nationaux, les forces armées et les agences d'espionnage américaines interviennent directement.

Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) a fait remarquer, lorsque l'Accord de libre-échange a été signé, que pour qu'il y ait libre-échange, il ne doit y avoir aucun pouvoir qui menace la liberté et l'indépendance des peuples. Le libre-échange est pour les peuples et les nations libres.

Les gouvernements Chrétien et Martin voulaient un système basé sur des règles, mais les États-Unis ont ouvertement déclaré et montré en pratique qu'ils ne se soumettraient à aucune loi internationale. Ils ont élevé l'anarchie au rang d'autorité. Le CCCE, pour sa part, avertit le peuple canadien que s'il veut garder accès aux marchés américains, il doit garantir aux États-Unis tout ce qu'ils demandent du Canada pour pouvoir mener leurs guerres d'agression et d'occupation et renforcer leur nouvel ordre mondial. Les Canadiens discutent et sont de plus en plus en train de se rebeller contre l'annexion, la participation aux guerres américaines et la braderie des ressources du pays. Ils élaborent des tactiques pour restreindre le droit de monopole et extirper le Canada des griffes de l'empire américain. Un des sujets à traiter, c'est le développement d'une politique énergétique au service d'une économie pro-sociale indépendante et du bien public qui va contrer la politique énergétique continentale annexionniste

(A suivre)

Note

Certains disent qu'il y a plusieurs façons de limiter l'exportation d'énergie aux États-Unis, tout en respectant les règles de l'ALÉNA, qui n'ont pas été essayées. En principe, on pourrait limiter les exportations d'énergie en haussant les prix, mais les prix sur le marché domestique devraient aussi être haussés. L'article 603 de l'ALÉNA permet aussi les permis d'exportation d'énergie, selon les normes du GATT, l'accord sur le commerce international. Si des permis étaient requis, cela donnerait du contrôle à l'Office (canadien) de l'énergie (ONE). L'ONE a le mandat de s'assurer que les exportations sont en sus des besoins nationaux prévisibles. En pratique, cependant, aucun permis n'est requis pour les contrats à court terme (moins de deux ans), et ils représentent 80 pour cent des exportations de gaz naturel et presque toutes les exportations de pétrole. L'ONE n'émet donc presque pas de permis. L'ONE pourrait agir dans les cas de non-respect du marché. Lorsque le gouvernement du Nouveau-Brunswick s'est plaint que les canadiens n'avaient pas le même accès au pétrole extra-côtier de l'est que les clients américains, l'ONE a accepté d'entendre la plainte mais elle ne l'a pas appuyée. Le gouvernement albertain et les monopoles du gaz naturel ont dit que la plainte du Nouveau-Brunswick était illégale en vertu de l'ALÉNA. L'ONE n'a pas repris cet argument mais il a tout de même rejeté la plainte.

Les accords de partage proportionnel contenus dans l'ALÉNA n'ont jamais été testés eux aussi. Les règles n'établissent pas clairement si le niveau des exportations d'énergie par contrats à court terme, qui ne font pas l'objet de permis et dont le statut n'a pas été étudié, devrait être maintenu dans les années subséquentes. Il est possible qu'au nom de la sécurité des approvisionnements des États-Unis, les contrats à court terme seraient inclus dans les accords de proportionnalité de trois ans.

* Peggy Morton est la secrétaire de l'Alberta du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) et candidate du PMLC dans Edmonton Centre.

(Le Marxiste-Léniniste, par Peggy Morton)

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