Actualité - Intervention de la délégation cubaine au Conseil Extraordinaire des gouverneurs de l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique
6 février 2006
Monsieur le Président,
Permettez-moi tout d'abord, au nom de ma délégation, de remercier le Secrétariat de l'information qu'il nous a soumise pour ce débat.
La délégation cubaine fait pleinement sienne la déclaration présentée au nom du Mouvement des pays non alignés par l'honorable ambassadrice de la Malaisie.
Monsieur le Président,
Les pays en développement ont absolument le droit reconnu de produire de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques dans le cadre des sauvegardes appropriées et de réaliser toutes les activités du cycle du combustible nucléaire.
Le Traité de non-prolifération des armes nucléaires est déjà foncièrement discriminatoire, dans la mesure où il sert uniquement à protéger les intérêts du « club nucléaire ». On ne saurait accepter de voir y ajouter de nouveaux éléments discriminatoires au nom d'interprétations arbitraires qui en violent l'esprit et la lettre.
Le Conseil des gouverneurs doit donc s'opposer résolument à la tentative de quelques puissances nucléaires de restreindre, en vertu de motivations politiques, le droit des Etats ne possédant pas d'armes nucléaires à réaliser les activités du cycle du combustible nucléaire.
Les puissances nucléaires qui ont imposé ce débat sont justement celles qui consacrent jour après jour des ressources énormes au perfectionnement de la capacité de mort de leurs gros arsenaux de vecteurs et d'ogives nucléaires. Celles qui violent ouvertement leurs obligations en matière de désarmement nucléaire, lequel devrait être général et complet. Celles qui ont fait échouer récemment la Conférence de révision du traité.
Le gouvernement des États-Unis a proclamé et exercé son prétendu droit de déclencher unilatéralement des guerres préventives. Sa nouvelle doctrine nucléaire prévoit le recours aux armes nucléaires contre des Etats non nucléaires ou de prétendus ennemis jamais définis.
Monsieur le Président,
Ma délégation est tout à fait consciente qu'il ne s'agit pas ici, en l'occurrence, d'un rapport sur l'application de l'accord de garanties concernant le Traité de non-prolifération en République islamique d'Iran, dont nous ne disposerons que pour le Conseil des gouverneurs prévu pour le 6 mars prochain.
Ce Conseil des gouverneurs a été convoqué par un groupe d'Etats membres pour analyser de prétendues violations par la République islamique d'Iran de ses accords de garanties avec l'Agence internationale de l'énergie atomique. Nous voyons se répéter ainsi la situation d'août de l'an dernier.
Comme par le passé, ce Conseil-ci a été précédé d'une brutale campagne d'intoxication de l'opinion publique de la part des médias transnationaux au service des intérêts de ces mêmes gouvernements qui ont imposé l'analyse de ce point.
Or, les faits prouvent que nous discutons ici, non de prétendues violations qu'aucune délégation n'a pu mettre en évidence, mais bel et bien de la décision souveraine du gouvernement iranien de poursuivre son programme de développement de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques et de reprendre des activités qu'il avait décidé de suspendre volontairement en 2003, en vue de promouvoir la confiance et de faciliter les négociations alors en cours.
Il ne fait aucun doute que l'Iran a parfaitement le droit de reprendre ses activités nucléaires à des fins pacifiques qui, comme l'a déclaré le gouvernement iranien, seront soumises aux strictes garanties de l'AIEA.
Selon une interprétation sélective et tendancieuse de ces accords, on ne saurait absolument pas permettre à l'Iran de réaliser des activités en rapport avec le cycle du combustibles nucléaire, y compris l'enrichissement de l'uranium, ne serait-ce qu'à titre de simple recherche-développement, parce qu'on « soupçonne » qu'il le fait dans des intentions non pacifiques.
On cache toutefois que, pour des raisons purement et simplement politiques, les principaux fournisseurs de technologie nucléaire, ceux-là même qui s'érigent aujourd'hui en fervents accusateurs, en ont refusé l'accès à l'Iran, violant ainsi les clauses du Traité de non-prolifération des armes nucléaires.
Cette Agence ne peut agir à partir de « suspicions » : elle doit se fonder sur des faits concrets et objectifs. Or, nous n'avons pas trouvé dans les nombreux rapports reçus du Secrétariat, le seul organe reconnu, ayant qualité et capacité pour ce faire, la moindre preuve ni la moindre assertion que le programme nucléaire iranien n'est pas pacifique.
On escamote délibérément des faits que le Directeur général a exposés dans ses rapports sur différents points :
- Les progrès sensibles en vue de préciser les caractéristiques du programme nucléaire iranien et l'importante diminution des questions en souffrance.
- La coopération croissante de l'Iran avec l'AIEA.
- L'exécution par l'Iran des obligations qu'il a contractées sous l'Accord de garanties, la vérification de tous les matériaux déclarés et la détermination que ceux-ci ne soient pas déviés vers des activités prohibées.On ne saurait interdire à l'Iran de réaliser une activité de nature pacifique sous prétexte d'un prétendu danger qu'elle soit utilisée à d'autres fins, puisqu'elle est soumise aux rigoureuses garanties de l'AIEA.
D'autant que la communauté internationale a justement reconnu ce système de garanties comme un instrument valide pour éviter le détournement des activités nucléaires pacifiques vers des fins militaires.
Accepter un tel traitement ne ferait pas que poser un précédent très négatif pour le droit international : il condamnerait nos pays à une subordination inacceptable au monopole des puissances nucléaires productrices du combustible.
Monsieur le Président,
On prétend, sans le moindre motif, et en appliquant un « deux poids deux mesures » honteux, soumettre le programme nucléaire à des fins pacifiques de l'Iran à la compétence du Conseil de sécurité.
Cuba, pour les raisons précitées et dans le droit fil des principes qu'elle a toujours observés, s'oppose fermement à ce qu'une décision souveraine de l'Iran serve de nouveau prétexte à une condamnation de ce pays, à plus forte raison à une saisine, sous quelque forme que ce soit, du Conseil de sécurité, car les conditions seraient dès lors réunies pour que les États-Unis et leurs alliés puissent manipuler ce point à leur guise et obliger le Conseil à adopter des décisions qui mettraient le paix en danger.
Curieusement, les puissances occidentales continuent de fermer les yeux devant le programme nucléaire d'Israël, sur le caractère militaire et offensif duquel les publications ne manquent pas.
Israël a fait fi, en toute impunité, des nombreux appels que lui a adressés la communauté internationale pour qu'il place son programme nucléaire sous les garanties de l'AIEA.
Or, on n'en parle pas, on n'en discute pas, on ne négocie pas sur ce point, on ne met pas en branle les mécanismes de pression bien connus. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'Israël est le principal allié des États-Unis au Moyen-Orient et qu'il jouit de la sainte protection de la plus forte puissance militaire de notre époque et du silence complice de leurs alliés. On a parlé d' « hypocrisie nucléaire ». Et le terme ne saurait être plus exact.
Monsieur le Président,
Les États-Unis ont affirmé ne pas renoncer à l'option militaire contre l'Iran. Voilà plusieurs semaines, le président Fidel Castro a dénoncé ce fait devant la communauté internationale et l'opinion publique, mettant en garde contre les dangers qui pourraient découler d'une absence de mobilisation face à cette menace d'agression.
Le Conseil des gouverneurs a le devoir de prévoir les conséquences de chacun de ses actes devant cette situation dangereuse. Elle encourrait une très grave responsabilité si elle ne faisait pas usage de ses facultés ou si elle manquait à ses devoirs.
Selon des chiffres approximatifs, plus de cent mille Iraquiens et plus de deux mille jeunes Étatsuniens sont d'ores et déjà décédés dans la guerre d'Iraq. Falludjah et d'autres villes ont été rasées.
Le pays a été détruit. Plusieurs générations ont souffert un traumatisme irréversible. Tout le monde sait maintenant que le président des États-Unis a menti sciemment au sujet de la prétendue existence d'armes d'extermination massive en Iraq.
Et c'est sous ce prétexte qu'on a imposé ici même de nombreux débats à l'AIEA, même si on a fait fi en fin de compte de ses objections raisonnées et objectives. La question a été ensuite présentée au Conseil de sécurité dont, en fin de compte, l'opposition à l'agression a été jugée sans importance.
Certains de nous doivent sans doute avoir maintenant des remords de conscience de s'être tus, de s'être laissés manipuler ou d'avoir fait preuve de naïveté quant aux conséquences de leurs actes. Aussi Cuba dénonce-t-elle à temps, devant ce Conseil, le grave danger de voir les Etats-Unis déclencher une guerre contre l'Iran et appelle-t-elle l'AIEA, les Nations Unies, la communauté internationale et l'opinion publique à se mobiliser pour la prévenir et préserver la paix.
Cuba estime avoir toute l'autorité morale nécessaire pour parler : elle ne possède pas d'armes d'extermination massive et elle a déclaré son refus d'en mettre au point. Elle s'est toujours opposée à la guerre.
Elle fait face avec courage, depuis maintenant plus de quarante ans, à un blocus génocide et ne se laisse pas intimider par de récentes nouvelles menaces d'agression.
Je vous remercie.
(Tiré de Cuba Solidarity Project)
Libellés : Iran
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